En arrière-plan du regroupement graduel et de l’expansion d’une alternative politique de gauche indépendantiste se trouve la crise prolongée du Parti québécois. Celui-ci est dans une impasse stratégique depuis l’échec du second référendum et en est réduit maintenant à un engagement formel à ne rien faire en direction de l’indépendance durant un très hypothétique prochain mandat au gouvernement. Son ralliement total aux dogmes de la doctrine économique dominante depuis les années 1980, particulièrement frappant avec le tournant du déficit zéro de 1996, avait permis l’émergence de nouvelles forces politiques sur sa gauche. Celles-ci ont fait le choix de se positionner en faveur de l’indépendance du Québec, que ce soit à l’UFP, à Option citoyenne ou à Québec solidaire.
Quant à Option nationale, sa fondation était un geste de défi lancé à la direction du Parti québécois par son aile la plus déterminée sur la question de l’indépendance. On a cru longtemps - et sans doute une bonne partie des membres de ON le croyaient aussi - que ce courant politique sorti du PQ allait éventuellement y retourner lorsque leur ancien parti prendrait un nouveau virage indépendantiste. Le fait qu’une entente soit maintenant sur la table en vue d’un ralliement à Québec solidaire constitue un signal clair envoyé aux indépendantistes qui s’accrochent encore à la possibilité d’un redressement du PQ qu’il est temps d’aller voir ailleurs.
Depuis la fondation de QS en février 2006, la direction et une bonne partie des militant-e-s du PQ et des milieux nationalistes ont attaqué notre parti en l’accusant de diviser le vote souverainiste ou le vote progressiste, de faciliter l’élection des libéraux, d’être dogmatique et sectaire, et au bout du compte de manquer de sincérité dans notre volonté de lutter pour l’indépendance. Un engagement ferme pour la souveraineté du Québec devait logiquement, pour toutes ces personnes, mener à un travail au sein du PQ. La fusion possible entre QS et ON constituerait une preuve concrète irréfutable que tout cet édifice argumentaire repose sur des sables mouvants et ne correspond en rien à la réalité politique. La dissonance cognitive qui en résulterait devrait conduire bien des gens à se remettre en question.
Si un parti qui a été fondé spécifiquement dans le but de faire campagne pour l’indépendance décide de se rallier à Québec solidaire pour y fonder un collectif, c’est donc que Québec solidaire a toujours été indépendantiste, ou vient tout juste de le devenir, peu importe. Nous savons que nous le sommes depuis le début. Mais la rhétorique du QS « semi-fédéraliste » deviendrait surréaliste. Si en plus, la fusion donne un élan à QS dans une partie de l’opinion publique, ce qui est probable, et que le PQ continue sa descente aux enfers, nous pourrions nous retrouver dans une situation où les deux partis seraient à peu près au même niveau dans les sondages, avec un qui monte et l’autre qui descend. Dans un tel contexte, l’argument de l’unité ou du vote « stratégique » jouerait en faveur de QS ou serait à tout le moins neutralisé.
Bref, la fusion QS-ON, en élargissant le rassemblement de la gauche indépendantiste, nous permettrait d’envisager le dépassement du péquisme, après 50 ans, et la restructuration du paysage politique sur un axe à la fois gauche-droite ET fédéraliste-indépendantiste, avec la CAQ dans le rôle de la droite fédéraliste étant donné l’usure du pouvoir des Libéraux. Entre les deux forces politiques identifiables au « changement » (la CAQ et QS), le PQ n’aurait plus beaucoup d’espace pour justifier son existence, sur la base d’un programme vaguement progressiste et sans perspective sur la question nationale.
Des objections nettement insuffisantes
Certains voudraient que nous tournions le dos à toutes ces possibilités sur la base d’un désaccord à propos du mandat de l’assemblée constituante, un débat byzantin sur une question hypothétique dont 99% de la population n’a jamais entendu parler ! Si on voulait confirmer les préjugés entretenus par nos adversaires à l’effet que QS est un parti dogmatique et sectaire, on ne s’y prendrait pas autrement.
Rappelons que 45% des délégations au congrès du printemps 2016 étaient en faveur de la même formulation, avant la vague GND et à une époque où on spéculait encore sur la possibilité d’un pacte électoral avec le PQ. Personnellement, ayant assisté aux débats à ce congrès (et formulé un compromis qui est arrivé troisième…), je suis persuadé qu’une bonne partie des votes pour l’option retenue visaient à exprimer une opposition à toute alliance avec le Parti québécois. C’est le principe de la pilule empoisonnée. En retenant une formulation inacceptable pour le PQ, on cherchait à régler par la bande un débat qui était constamment repoussé et qu’on finalement réglé un an plus tard. Est-ce vraiment trop demander de faire cette concession programmatique en échange d’un gain stratégique d’une telle importance ?
Est-ce qu’on pourrait dire non à cette entente parce qu’elle donnerait, temporairement et exceptionnellement, deux postes sur seize au nouveau collectif ON sur notre comité de coordination national ? Ou parce qu’on donnerait un rôle spécial au chef actuel d’ON ? Il me semble que tout parti politique qui se respecte et envisage de fusionner avec un autre ne pourrait pas accepter moins que ce qui nous est présenté dans l’entente de principe. Soyons clairs, le mandat donné à notre comité de négociation n’était pas de proposer une dissolution inconditionnelle d’ON dans QS mais bien une FUSION entre les deux partis.
Cette entente maintient pratiquement tout notre programme, développé à travers 5 congrès sur une période de près de dix ans. Un congrès d’orientation est prévu après les prochaines élections pour donner l’opportunité aux gens d’Option nationale de proposer des ajouts et des changements à ce programme sur la base des idées développées de leur côté. Étant donné que QS a présentement dix fois plus de membres que ON – sans compter que plusieurs personnes étaient membres des deux partis avant la fusion – il est peu probable que ce congrès mène à un changement d’orientation majeur pour QS. En tant que candidat au poste de responsable aux orientations, j’accueille en fait très favorablement l’apport des gens d’ON à la réflexion nécessaire sur la transition vers l’indépendance et d’autres enjeux sur lesquels nos idées pourraient être plus développées.
L’entente n’implique aucun changement permanent aux statuts du parti, seulement une dérogation temporaire à la composition du Comité de coordination national. Nous n’abandonnons aucun de nos principes en ce qui concerne la démocratie interne et le fonctionnement du parti. L’exemple d’un collectif actif sur l’indépendance pourrait même contribuer à dynamiser d’autres collectifs et courants d’idées dans le parti et lui donner davantage de ce pluralisme qui est essentiel à de sains débats.
Bref, les avantage de la fusion entre Québec solidaire et Option nationale sont nettement supérieurs aux quelques efforts demandés pour y arriver. Le parti devrait accueillir ce nouveau développement avec enthousiasme. Finissons-en avec la gauche sympathique mais éternellement marginale. Visons la victoire et la réalisation de nos ambitions. Prenons l’initiative. Osons.
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