Les gens entrent et sortent,
Parfois je me faufile.
Tu es assise sur ton lit
droite comme un oiseau de proie
et il se dégage de ton regard
fixant le mur vide
une telle violence,
une telle détermination
que je peux presque sentir
comme une gifle au visage
ta révolte.
Je sors quand tu me le demandes
et j’erre sans but dans les couloirs glauques de l’hôpital.
Une dame est venue
psychologue, travailleuse sociale, intervenante
Puis ce sont des policières
Tu as demandé que j’entre.
Elles n’ont pas voulu.
Quand elles sont parties,
tu as appelé.
J’étais là avant que tu prononces
la dernière syllabe de mon nom.
Tu m’as expliqué lentement,
comme dans mon enfance
tu m’expliquais les choses compliquées,
qu’ils n’auraient pas de nom,
ceux qui t’avaient violée,
que tu ne pouvais pas les donner,
qu’ils s’étaient bien assurés
que tu ne te souviennes de rien.
Que tu voulais guérir
et vivre
et si c’était possible, remettre tes bras frais
autour de mes épaules
comme au temps de mon enfance.
J’ai dit oui, bien sûr,
J’ai dit oui.
J’aurais dit oui à n’importe quoi.
J’ai cessé de réfléchir au mot guérir
et le mot vivre a éclaté dans mon coeur.
Quand je suis sortie de l’hôpital ce soir-là,
au travers mes larmes, j’ai chanté ton courage.
Il n’y a pas eu de procès,
tu es sortie de l’hôpital, tu as fait de la physio,
Tu as changé de ville et d’université.
Tu as trouvé un super boulot.
Nous nous parlons tous les jours,
Mais jamais de ça.
Parfois tu ris, ou tu souris
sans que je sente la fêlure.
et les soirs d’été autour du feu de camp,
tu mets parfois tes bras frais autour de mes épaules.
Aujourd’hui, tu as dis Me too. Me too.
Est-il venu, le temps de la colère et de la rage ?
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