Alors, comment interpréter ces chiffres au-delà de la peur, l’angoisse et l’ignorance d’une partie non négligeable de la population envers cette communauté. La couverture des médias en général depuis la réaction habitée de paranoïa des élus d’Hérouxville en 2007 jusqu’à la surexposition de la députée sortante Fatima Houda Pépin demeure sans l’ombre d’un doute une des explications. Rappelons que cet ex-élue du Parti libéral du Québec a profité longuement depuis les six, sept dernières années des tribunes que lui ont offert l’ensemble des médias sans qu’aucun journaliste ne vérifie ses antécédents académiques et/ou professionnels pour qu’elle puisse s’exprimer en qualité d’experte de l’intégrisme musulman, à part deux, trois cas anecdotiques que lui ont raconté des proches. Prétendre que cette députée sortante est qualifiée pour identifier la menace intégriste musulmane parce qu’elle est originaire de cette communauté est loin d’être suffisant.
Les médias auraient intérêt à cesser de lui donner carte blanche sur ce sujet alors qu’elle n’a toujours pas publié une étude de terrain sérieuse depuis qu’elle s’exprime sur cette question. Cette présence inflationniste de la députée sortante de La Pinière et les menaces préfabriquées pour la galerie médiatique a implanté dans l’imaginaire collectif cette angoisse d’une islamisation du Québec. Cela n’est pas le fruit du hasard que le Parti québécois souhaite la réélection de cette députée. Cette formation politique demeure tout à fait cohérente avec la construction d’un problème et d’une menace musulmane non existante qu’il a introduits dans ses discours, depuis 2007, via les sorties publiques de Pauline Marois, de Bernard Drainville, de l’ex-députée Louise Beaudoin et des candidates Djemila Benhabib et Louise Mailloux ainsi que leur club politique SPQ Libre par le biais du mensuel l’Aut’Journal en croisade contre un islamisme québécois qui relève de la paranoïa.
Le travail de démonisation de la communauté qui ose pratiquer sa foi se poursuit toujours. Hier par les propos du ministre Drainville qui a justifié la Charte de la laïcité cet automne pour « protéger les enfants dans nos garderies » (!!!), et aujourd’hui par les candidatures islamophobes de Djemila Benhabib dans Mille-Îles - pour la deuxième fois en 18 mois - et de la sociologue Louise Mailloux dans Gouin. Tout récemment, ces deux candidates, lors d’une émission spéciale sur la laïcité diffusée sur le Réseau de l’information, ont amalgamé sans gêne aucune toutes les musulmanes portant le hidjab dans le camp de l’intégrisme et avec celles qui portent le niqab ou le tchador.
Leur croisade personnelle digne de l’inquisition, maintes fois affirmée depuis septembre dernier, pervertit le débat et marchande la peur chez la population la moins informée et la moins en contact avec la réalité musulmane, hormis la nouvelle de 60 secondes sur leur écran de télé qui se déroule à 8 000 kilomètres de chez eux. Le Parti québécois n’était pas sans savoir les écrits antécédents remplis d’amalgames douteux, de généralisations, d’analyse binaire, d’association à charge, de stéréotypes et de demies-vérités dans des postures intellectuelles trop souvent malhonnêtes de ces deux candidates qu’il a choisies et qui contribuent à rependre l’intolérance et la stigmatisation sous un fond de totalitarisme étatique laïc qui souhaiterait contrôler les corps et les consciences des musulmanes jusque sur leurs lieux de travail. Ces choix du Parti québécois pour cette campagne électorale, sous couvert d’une laïcité falsifiée, se révèlent en fait une caution morale pour rependre l’islamophobie et le climat de suspicion qui parasite le quotidien des musulmans.
À des fins pédagogiques, il est pertinent d’identifier l’islam au Québec sous trois formes distinctes dans son expression politique, culturelle, sociale et spirituelle.
La première forme largement majoritaire au Québec est tournée vers le spiritualisme et l’humanisme influencé entre autres des écoles kémalistes et soufies où l’adaptation au modernisme règne. Cette forme cherche à adapter l’Islam au monde moderne dans le but de reprendre possession d’un héritage de science et de technologie qu’il a jadis transmis à l’Occident entre le 8e et le 16e siècle.
La deuxième forme, traditionaliste, s’exprime à travers le communautarisme avec des degrés divers d’intégration ou non à la communauté d’accueil. C’est de cette tendance que proviennent à l’occasion les demandes d’accommodements sur les lieux de travail. Elle représente plus ou moins 15% de l’ensemble de la population d’origine musulmane qu’elle provienne du Maghreb, d’Asie du Sud-est ou du Moyen-Orient.
En ce qui a trait à la dernière forme, fondamentaliste celle-là et fortement marginale, cherche elle à regarder en arrière pour trouver les remèdes à l’Islam dans une lecture littérale du Coran et des Hadiths du Prophète. Cette tendance n’a pas de plan d’avenir parce qu’elle n’a pas de relais dans la société et possède une cohésion plutôt limitée. C’est de celle-là dont il faut demeurer vigilant, mais c’est aussi dans celle-là comme l’a démontré l’Europe depuis 15 ans, que risque de plonger les croyants et pratiquants de la forme traditionaliste en flattant les préjugés des gens comme le fait le Parti québécois depuis les six derniers mois avec certaines de leurs candidatures.