Dans ces appareils, il y a une division du travail. Il y en qui font un travail de longue durée, ce qui est le cas généralement des religions organisées bien qu’il s’y trouve toujours des éléments dissidents. Les associations patronales, les grands partis politiques, les relais multiples du pouvoir dans les plis de la société civile, ont également pour mission de planter le clou : il n’y a pas d’alternatives au système en place.
Et évidemment, il y a les médias. Encore là il y a des différences. Il y a les médias-poubelles, le réseau Quebecor par exemple (copie un peu fadasse de Fox News aux États-Unis). On y entend en général un discours « direct », brutal, agressif qui cherche à discréditer, ridiculiser et tromper. Il y a les médias plus sophistiqués, qui sont plus modérés, et qui utilisent souvent le masque de l’ « objectivité » : il y a du pour et du contre, il y a des opinions (y compris dissidentes), même si, au bout de la ligne, la conclusion est presque toujours la même : il ne faut pas se révolter.
Récemment, c’est cette sauce qu’on nous a encore servie sur le coup d’état au Brésil. Ce sont des « politiciens » qui s’affrontent, et « tous sont corrompus ». De toute façon, cela se fait dans la « légalité » constitutionnelle.
C’est pire encore dans les reportages sur le Venezuela. À entendre les médias, la situation est simple : un gouvernement dictatorial (chaviste) mène l’économie à la catastrophe parce qu’il ose intervenir pour perturber la marche « naturelle » de l’économie, c’est-à-dire le marché. On n’a pas l’honnêteté de dire que le Venezuela, avant Chavez, était une sorte d’apartheid social où les pauvres n’avaient jamais vu un médecin de leur vie et où les riches partaient en fin de semaine faire leur shopping à Miami. On ne dit pas que l’opposition cherche depuis des années à renverser par la force un gouvernement qui a été élu plus de 10 fois depuis 10 ans. Cette lutte de classes est occultée, et pour cause. Quand Maduro sera renversé (ce qui me semble imminent), on dira que c’est le retour à la normale. On ne dira pas que les pauvres ne verront plus de dentiste.
Cette fin de semaine même, on nous a parlé de la visite d’Obama au Vietnam. C’est la « réconciliation » dit-on. On ne parle pas de l’héritage terrible de l’agression américaine, des campagnes dévastées par les bombardements chimiques par exemple. Par ailleurs, on nous dit qu’Obama espère aider le Vietnam à se défendre contre la « menace chinoise ».
Dans un reportage à la télévision de Radio-Canada, on nous « explique » cette menace en nous montrant quelques images de micro îles où les Chinois construisent des installations qui « pourraient », ajoute-t-on, être à des fins militaires. On ne dit pas que les capacités de la Chine en matière de défense sont, selon tous les experts, à peu près 30 ans en arrière de celles des États-Unis. On ne dit pas que les États-Unis disposent d’un réseau dense de bases militaires où des dizaines de milliers de soldats sont prêts à passer à l’action dans l’Asie-Pacifique. Non, les États-Unis veulent seulement « aider » le Vietnam.
On dira que tout cela est anodin. Ce sont quelques minutes, parfois quelques secondes, où l’actualité internationale est présentée à la légère. Mais justement c’est cela. La « légèreté » en question est un paravent pour ne pas expliquer ce qui se passe. La réalité est présentée comme de « petits » faits déconnectés.
Ainsi s’accumule une fausse conscience du monde avec comme substrat l’idée que l’impérialisme, c’est « naturel » et c’est « normal ». Demain, dans une semaine ou dans un mois, on verra les États-Unis et leurs larbins de l’État canadien dire d’un air sérieux qu’il faut augmenter les dépenses militaires et déployer de nouveaux dispositifs partout dans le monde, et en particulier le long des côtes chinoises. On dira aussi que « malheureusement », malgré l’avancement du capitalisme en Chine, le gouvernement de Beijing est « dictatorial », qu’il ne respecte pas les « lois du marché ».