Édition du 12 novembre 2024

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Europe

L’ « expérience Chypre » : Un hold-up à grande échelle pour sauver les banques

Tous les Chypriotes retirent aujourd’hui les pas plus de 1 000 euros que leur permettent les distributeurs automatiques de billets. Comble d’hypocrisie, ils savent qu’on leur appliquera bientôt une « taxe financière solidaire » qui réduira leur épargne et qui sera destinée à sauver le système bancaire privé. Autrement dit, pour protéger tous les créanciers internationaux qui pourront continuer à être remboursés pour les dettes contractées par les banques chypriotes aujourd’hui en faillite.

Il y a peu un accord a été trouvé pour un modèle d’union bancaire dans le cadre européen qui réaffirmait le rôle des institutions financières de l’UE en tant que mécanismes de socialisation des dettes financières privées. Et, surtout, de leur conversion en dettes souveraines publiques en créant des fonds qui garantissent le capital bancaire mais non les dépôts que les gens placent dans les banques.

Le cas de la petite Chypre, à peine 0,17% du PIB européen, et le « corralito » (limitation des retraits, NdT) imposé à sa population est une expérimentation qui doit sans doute servir d’avertissement pour les autres économies périphériques de l’UE.

L’ancien président de Chypre, le communiste Demetris Christofias, hostile aux exigences de la Troïka, ne s’est pas représenté aux élections et la récente victoire électorale du conservateur Nicos Anastasiades a ouvert la porte à un programme qui supposait la demande immédiate d’un « sauvetage » à la Troïka.

Les racines de la faillite économique chypriote répondent à différents facteurs. On a mentionné sa relation étroite avec l’économie grecque, mais ce qui est fondamental dans le cas chypriote est la formidable et particulière faillite de son secteur bancaire privé. Les besoins de recapitalisation bancaire étaient estimés il y a quelques mois à 55% de son PIB (en Irlande, au pire moment de sa crise, il s’agissait de 40% du PIB). L’Etat chypriote a déjà du demander une aide financière en juin 2012 pour un total de 1,8 milliard d’euros. Après avoir perdu son accès aux marchés internationaux, l’Etat s’est retrouvé incapable de financer par lui-même ce processus. A partir de ce moment s’est élaboré un Mémorandum d’accord avec la Troïka en novembre dernier qui incluait un ajustement budgétaire représentant au total 7,25% du PIB (soit 1,3 milliard d’euros) jusqu’en 2016. Le poids de la dette publique par rapport au PIB a augmenté de 140% après ce premier sauvetage bancaire de l’année dernière, et il atteint aujourd’hui 150% du PIB, ce qui suppose un risque très sérieux de défaut de paiement de la dette chypriote.

Le système bancaire de ce pays fonctionne avec une certaine opacité dans une économie qui suit un modèle fiscal comparable à celui d’un paradis fiscal – presque comme l’Irlande - , ce qui est très attractif pour capter l’épargne des fortunes étrangères qui représentent un total de 24 milliards d’euros (en grande partie en provenance de Russie). C’est pour cette raison que le secteur bancaire atteint une taille inappropriée pour la petite économie chypriote puisqu’il pèse cinq fois plus que le PIB du pays. Le fait qu’il devient insolvable entraîne automatiquement l’effondrement du pays.

Face aux réticences des pays du centre de l’UE, la Troïka n’apportera qu’un total de 10 milliards d’euros dans ce cinquième programme de sauvetage dans la zone euro. Une quantité bien inférieure à ce que demandait Nicosie.

Dans cette UE, les sauvetages, dont l’objectif principal est de stabiliser le système financier privé, s’accompagnent de fortes conditions pour les Etats, ce qui implique une forte discipline imposée aux classes productives. Dans ce cas-ci, les premières victimes sont les déposants qui verront fondre leurs épargnes et seront frappés, afin d’éviter la fuite des capitaux, par des restrictions dans l’utilisation de leur argent. On appliquera une taxe de 6,75% sur les dépôts jusqu’à 100.000 euros et de 9,9% à partir de cette somme. Une mesure (exigée surtout par le FMI et le gouvernement allemand) qui permettrait de récolter 5,8 milliards d’euros. Elle frappera durement les épargnants et, tout particulièrement, la classe salariée et les pensionnés qui n’ont pu prévoir une telle situation (les experts, quant à eux, s’y attendaient depuis des mois) ou qui n’ont pas la possibilité de transférer leur argent dans un autre pays parce qu’ils en ont quotidiennement besoin.

Comme mesure compensatoire pour les déposants, ces derniers recevront un montant équivalent à la taxe en actions… d’un secteur bancaire en faillite ! En outre, si tant est qu’elles valent quelque chose, ces actions vont surtout se concentrer dans les mains des grands épargnants, qui seront d’ailleurs les seuls à profiter de la recapitalisation provenant du sauvetage !

Les autres mesures représentent un ajustement budgétaire qui coupe dans les politiques d’investissement et les dépenses sociales nécessaires. Des privatisations d’une valeur totale de 3 milliards d’euros ont été décidées ainsi que des « accords » afin de tirer profit des nouvelles réserves de gaz trouvées dans la zone à la fin de l’année 2011. Toutes ces mesures représentent la garantie que les dettes (celles du secteur bancaire chypriote hier, et celles du secteur public aujourd’hui) continueront d’être toujours remboursées. (…)

Tandis qu’il se montre généraux avec le capital bancaire, les créanciers et les rentiers, l’Etat continue à spolier les richesses naturelles et à réduire les droits des travailleurs.

Comme contrepoint mineur, on augmentera de 10 à 12,5% l’impôt des sociétés. Une mesure certes destinée à augmenter les recettes, mais il faut indiquer que cette augmentation aurait du être beaucoup plus élevée vu le dumping fiscal existant dans le pays et la disproportion avec le traitement infligés aux revenus issus du travail. En même temps, il est clair que les sommes ainsi récoltées serviront à des fins totalement injustes et inefficaces.

En somme, l’ « expérience Chypre » est un avertissement qu’il faut prendre au sérieux. Il est temps que les peuples du sud de l’Europe s’unissent pour désobéir à ces conditions injustes des Mémorandums et des Traités européens d’austérité et qu’ils commencent à marcher ensemble pour construire une stratégie économique supranationale solidaire.

Source :
http://blogs.publico.es/dominiopublico/6688/el-experimento-chipre-depositos-acorralados-por-rescates-bancarios/

Traduction française pour Avanti4.be

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