La santé des personnes sans-abris est de façon générale très mauvaise. Leur espérance de vie est de 20 années inférieure à la moyenne. Cela signifie qu’une personnes sans domicile fixe de 50 ans représente les mêmes risques qu’une personne de 70 ans. Compte tenu des mesures décrétées par la direction de la santé publique, les centres d’accueil sont presque tous fermés. Les intervenant.e.s peinent à rejoindre les personnes qui habituellement viennent à eux. Les moyens habituellement6 utilisés pour rejoindre ces personnes ne fonctionnent tout simplement plus à l’heure de la pandémie. Et des mesures comme celle de refuser l’argent comptant dans plusieurs commerces font en sorte que les personnes itinérantes sont dans l’impossibilité de payer ne serait-ce qu’un café ou un maigre repas. Les organismes publics fréquentés (bibliothèques publiques, commerces et restaurants de quartier, centres de loisirs, les stations du métro à Montréal, etc.) par les personnes sans-abris sont dorénavant fermés les privant de refuges en journée. Et les organismes qui accompagnent les personnes sans-abris naviguent sans boussole alors que des questions concernant des hypothèses de contamination (Si une personne malade se présente dans un refuge d’urgence. Comment va-t-on dépister cette personne ? Où l’enverra-t-on ? Que faire si on impose une quarantaine à un refuge d’urgence ?) demeurent sans réponse malgré toutes les mesures annoncées. Les travailleurs et travailleuses communautaires sont aussi en première ligne sans que les autorités ne formulent des consignes précises à ce sujet.
Durement touchée par la crise du coronavirus, la Ville de Montréal a décrété l’état d’urgence et de concert avec la santé publique de la métropole ouvrira des centres d’accueil et de services pour les sans-abris : centres d’hébergement, transformation de l’hôpital Royal-Victoria en refuge temporaire, centres de jour extérieurs et refuges temporaires et des mesures pour contrer les expulsions abusives de locataires.
« L’état d’urgence nous permettra de prendre les mesures nécessaires pour protéger la vie, la santé et l’intégrité des Montréalais.e.s. Ex : nous pourrons réquisitionner des lieux d’hébergement privés au besoin et acheter du matériel d’urgence et de la nourriture. », a déclaré la mairesse Plante.
A mesure que se développe l’épidémie, l’inquiétude monte chez les personnes sans domicile fixe et les organismes qui les accueillent. Montréal compte plus de 3000 sans-abris. Cette population – dont l‘état de santé est déjà très fragile — est à l’évidence particulièrement exposées aux conséquences du virus. La surreprésentation des maladies chroniques, des problèmes cardio-vasculaires, d’addiction ou de vieillissement aggravés par des mois ou des années de rue rend particulièrement vulnérables les personnes vivant à la rue ou dans l’hébergement. S’ajoute le risque de contamination pour les personnes hébergées ou logées dans des refuges ne permettant ni l’application des mesures barrières ni le confinement préconisé par les autorités. Les mesures de confinement sont impossibles à réaliser dans les conditions actuelles. Elles sont aussi complexes à mettre en œuvre sur un temps long dans des structures dont les locaux sont souvent inadaptés, pour des personnes ayant parfois des problématiques de santé mentale et qui supportent difficilement les restrictions de circulation.
La réduction des services et l’isolement des personnes
Le développement rapide du virus et l’annonce des mesures de confinement a provoqué la fermeture ou la réduction des services offerts aux personnes de la rue. L’absence de matériel de protection, notamment des masques, a forcé des mesures de fermeture des services : se laver, laver ses affaires, s’alimenter, s’informer des lieux encore ouverts. La fermeture ou diminution d’activités de nombreux lieux de distribution alimentaire laisse craindre des situations de faim dans les rues, campements mais aussi dans les hébergements ne proposant pas de prestations alimentaires. Pour éviter l’approfondissement de la crise, des propositions de soutien se manifestent : mobilisation de bénévoles pour maintenir certains services, appel à la générosité nationale, soutien aux banques alimentaires…mais l’inquiétude persiste à mesure que s’étend la durée du confinement. Et les organismes sont à bout de souffle.
La crise actuelle peut être l’occasion de revoir la politique d’aide aux personnes sans-abris. Plutôt que gérer la situation qui maintient la majorité des victimes de la pauvreté, nous pourrions viser à créer les conditions d’une réinsertion de ces personnes dans la société. Des organismes comme le RAPSIM portent déjà des revendications qui vont dans le sens de mesures qui visent à combattre l’itinérance. Mais cette lutte comporte des réformes qui vont heurter les intérêts corporatifs et financiers importants, en particulier en matière de logement, de revenu et d’intervention particulière que requiert la condition des personnes sans-abris. Les pressions pour une relance rapide de l’économie au sortir de la crise du coronavirus risquent de provoquer le report des mesures nécessaires à l’amélioration des conditions de vie des personnes itinérantes. Une mobilisation sans précédent risque d’être nécessaire pour forcer les autorités à prendre les mesures nécessaires pour que les sans-abris ne soient pas parmi les plus importantes victimes de cette crise et qu’ils et elles en sortent dans de meilleures conditions. Et que cette opération ne traduise pas une peur de contamination de la société mais une volonté d’améliorer les conditions de vie des plus vulnérables.
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