caricature Sacha
- Introduction
Le racisme, quoi dire encore quand on a déjà tout dit ? Mais personne n’écoute. Alors on recommence. Tout d’abord - il n’y a pas de races. Tous les humains appartiennent à une seule espèce, c’est de la biologie de base. Les différences en peau sont aussi superficielles que la couleur des yeux ou des cheveux.
Pourtant, depuis des centaines d’années que le racisme - une distinction, exclusion, restriction, ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’héritage, ou l’origine ethnique - est une plaie ouverte sur les sociétés. Le racisme a énormément facilité l’impérialisme et le colonialisme à partir du 15e siècle. Ou est-ce que c’est l’impérialisme et le colonialisme qui ont engendré le racisme ? Il ne faut jamais sous-estimer la puissance du gain et du pouvoir.
On trouve beaucoup de racisme chez les bénéficiaires des processus de colonisation, que ce soit sur leurs propres terres, ou sur les terres qu’on a colonisé et qu’on occupe encore, comme l’a noté la cinéaste maori Merata Mita, sa caméra témoin des luttes antiracisme en Nouvelle-Zélande. Il n’a pas suffit de voler les ressources, de voler les indigènes, de voler les terres, on va créer des barrières à leur intégration chez nous en éducation, en emploi - le racisme systémique. Un participant à l’indignation étudiante face au racisme chez l’université Sir George Williams à Montréal en 1968 dit que les suppositions de l’esclavage sont devenus institutionnalisés, en tant qu’être humain on est si dévalorisé qu’on n’a pas l’opportunité de les corriger (Voir Ninth Floor de Mina Shum).
Il suffit de comparer Incident à Restigouche (Alanis Obomsawin) avec Bastion Point (Merata Mita). Il suffit de comparer la situation des peuples autochtones du Groenland au Québec à l’Australie. Où seraient cette soi-disante “civilisation” et les élites de la classe dirigeante blanche de l’Europe et des Amériques sans les gains de la colonisation, la main d’oeuvre gratuite de l’esclavage, et cet immobilier qu’on vend avec bénéfice ??
Au Canada, depuis toujours que les autochtones et les noirs sont les deux groupes avec le revenu le plus bas dans tout le pays - 28% de moins à présent. La population est complice de tout ceci parce qu’on est encore bénéficiaires de la colonisation. Apparement, ça prend trop d’effort de tout débrouiller, tout comprendre, et de faire un effort de séparer sa vie au moins un peu des gains de la souffrance d’autrui. Tout le Canada est encore, comme on dit en anglais, living off the avails of colonisation, et pas le moins les entreprises minières, pétrolières, et forestières. Mais si ces peuples sont à dédaigner, pourquoi la ruée vers l’art africaine et autochtone, jusqu’à que les musées refusent encore souvent de retourner les articles volés ?
Il devrait juste suffire de lire La loi sur les Indiens de 1876 pour nous réveiller. A commencer par le mot Indiens ! C’est incroyable de lire que c’est un peuple étranger qui a le pouvoir de dire qui est Indien et qui ne l’est pas, qui a le pouvoir de dire au XXIe siècle que si une femme autochtone épouse un homme qui n’est pas autochtone, elle n’a plus de droits autochtones ! Elle est où votre indignation ?
Le Mythe de la supériorité blanche (2e de 5 parties)
Revenons au début : c’est incontestable que le christianisme a été la main droite du colonialisme, mais revenant au tout début, c’est la mentalité du christianisme qui a préparé le terrain pour la dévastation commencée il y a 600 ans.
…Dieu leur dit…remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. Genèse 1:28
Sans même parler des difficultés et des manipulations des traductions du grecque ou de l’hébreu, des tomes exclues, des faits historiques trafiqués, ceci le rend trop facile de désigner des animaux ceux sans le même niveau technologique - et de ensuite les traiter comme tels. Parce que ceci nous dit que nous dominons la terre et tous les animaux. Ceci nous amène directement à aujourd’hui et à la catastrophe environnementale où on se trouve, sans parler de la maltraitance aux animaux, aux enfants, et aux femmes.
50 million d’êtres humains manquent des Amériques, des millions et des millions manquent de l’Afrique - à peu près 10 million juste du Congo. Pourquoi ? On les a désignés “inférieurs”. On ne peut pas être supérieur sans qu’il y ait des inférieurs, à quoi bon ça servirait d’être supérieur ? Il faut qu’il y ait un Autre. Et encore aujourd’hui on juge toujours l’autre en comparaison avec notre “supériorité”. Jamais on n’a vu la complexité des relations sociales, la communauté et la nature entrelacées, la spiritualité.
Quant à cette présumée supériorité, un exemple : au moment des explorations et des “découvertes”, en Europe les villes n’avaient pas d’égouts, de collecte des ordures, d’assainissement, d’installations sanitaires, ni de distribution d’eau. À Paris, à Londres, le matin on jetait les matières fécales de la nuit par la fenêtre, oui, sur le trottoir et sur les piétons. On n’avait même pas appris de Rome ancienne. Par contre ce n’était pas le cas par exemple au Moyen Orient, ou au Japon, des sociétés où la propreté régnait. En fait, au Moyen Orient la fascination qu’avait les européens pour certains très élégants contenants intriguait tous, mais c’était la cupidité pour le métal. Seulement beaucoup plus tard, comprennent les européens que les lota portaient l’eau pour se laver après avoir déféqué. L’hygiène n’était pas au rendez-vous en Europe, partout où ils passaient, les peuples commentaient leur puanteur.
Aussi, Genèse 2:20 : …Dieu… fit venir vers l’homme [tous les animaux, et tous les oiseaux] …afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l’homme.
Et jusqu’à aujourd’hui des peuples autour du monde vivent avec un nom qui n’est pas le leur, souvent une insulte, dans une langue qui n’est pas la leur : Esquimau, Montagnais… Tout dans leurs mondes a été renommé d’accord avec les moeurs du conquérant : les fleuves, les montagnes, les plantes. Toutefois, ces noms d’origine sont bons pour la chosification : les équipes sportives (Braves, Blackhawks, Indians, Eskimos, Chiefs, Redskins), ou les modèles d’auto (Pontiac, Cadillac, Apache, Dakota, Cherokee, Thunderbird, Cheyenne, Comanche). Je me souviens, du Grand dérangement à Speak White, elle est où, votre empathie ?
L’Ego blanc (3e de 5 parties)
D’après Wikipedia, l’ego désigne la représentation et la conscience que l’on a de soi-même. Très pertinent dans un contexte de racisme, c’est de considérer le narcissisme et la projection. Le narcissisme est associé avec l’agression, et surtout dans le cas d’une menace à l’ego, quand on nous critique on va se battre, on n’accepte pas la responsabilité. C’est du déjà vu à répétition : on viens de voir au Parlement fédéral : un homme de couleur qui a été expulsé parce qu’il avait accusé un homme blanc de racisme et il refuse de s’excuser. Dans l’univers blanc, c’est une très grande insulte, ça les aveugle à tel point qu’il n’y a pas d’objectivité, ni d’investigation, juste déni.
On voit ce scénario ad infinitum dans le monde blanc, encore, et encore. Le mythe que les non-blancs mentent, exagèrent, se plaignent, ne savent pas, sont incompétents, sont malhonnêtes, sont privilégiés, etc. etc. est si fort depuis des centaines d’années, que tout le monde le croit. Diviser pour conquérir fonctionne très bien. La psychologie est la même que ce soit un individu, une famille ou une nation. La projection est un mécanisme de défense où l’ego nie l’existence en soi de quelque chose en l’attribuant à d’autres, dont blâmer l’autre, ou refiler la honte à l’autre.
A présent en Amérique du nord on réclame la réforme des services de police municipales, provinciales, et nationales. C’est bonne idée parce qu’ils fonctionnent tous encore d’accord avec les principes développées au 19e siècle au Royaume Uni, pas très connu pour son égalitarisme. Dans l’Europe des dernières centaines d’années, la police avait comme fonction de protéger les riches et la croissante classe moyenne - et leur propriété - et plus tard au nouveau monde protéger les usines et les scabs des méchants piqueteurs - on se souviens ou quoi ? Les misérables, blancs et noirs, servaient et servent encore à main d’oeuvre bon marché et chair à canon.
Le précurseur de la GRC, la Police à cheval du Nord-Ouest, a joué le rôle principal dans la colonisation de l’ouest canadien, et la “pacification” des autochtones. C’est l’héritage. De nos jours on voit ces services de police, la protection civile, de plus en plus se militariser, dans les équipements, et dans la mentalité, et avoir moins et moins de surveillance et de contrôle par les citoyens. Le monde blanc se sent en danger, assiégé par les invasions barbares, d’où les appels à réduire l’immigration. Mais, qui va livrer le journal si tous les camelots africains ne sont plus là ? Qui va cueillir dans les fermes si les mexicains ne peuvent plus venir ? Ce monde parfait blanc, qui s’appelle le capitalisme, ne fonctionne guère sans misérables.
Une autre entrave au progrès de l’anti-racisme au Canada, est ce mythe du Canada “bon” qui a accueilli tout le monde pour bâtir ce pays. Un mythe est une construction imaginaire, ou comme l’a dit Samuel Beckett, un mythe est une mensonge qui a fonctionné. Ce mythe est cher au canadiens blancs, et un attaque au mythe est un attaque à l’ego. Il suffit de consulter l’histoire, l’histoire de tous, pas juste celle des conquérants, pour en voir la réalité. Bâtir ce pays a été une affaire de business pour les pères de la confédération comme on les appelle, business et rien d’autre pour les rois d’Angleterre et de France, ce n’était pas des charités, des OBNL, on voulait des colons pour en soustraire les richesses et les ressources, aussi bien que les terres aux autochtones. La comparaison du Canada “bon” avec les Etats Unis “méchant” fait partie de ce mythe. On parle seulement de Underground Railroad, jamais d’Africville, des promesses brisés aux colons ex-esclaves américains, des quartiers chinois, noirs, juifs etc. menacés de destruction, et détruits, à travers le pays. On parle seulement de ce que renforce l’ego. Elle est où, votre solidarité ?
Du Gain & Du Pouvoir (4e de 5 parties)
Il est indéniable que la possibilité de réaliser des gains matériels ou de pouvoir a été un moteur de l’histoire de l’humanité depuis toujours. Une grande majorité des hommes semble ne pas pouvoir vivre sans l’appât du gain, et l’avidité du pouvoir. Ceci a été la grande raison derrière la colonisation et l’esclavage. Une apologie de ces temps voudrait que c’était normal à cette époque, donc on ne peut pas le condamner des siècles plus tard. C’est sûr que les coutumes et les moeurs changent avec le temps ou la culture - mais la boussole de la conscience humaine demeure la même. Il y avait des gens qui dénonçaient l’esclavage et le colonialisme à l’époque, dégoutés par le barbarisme et la cruauté. Mais on n’a pas écouté, comme on n’écoute pas de nos jours. Un exemple serait Cabeza de Vaca au 16e siècle. Son expédition au sud de l’Amérique du nord tournant mal, les quelques derniers survivants ont vécu avec plusieurs peuples, vivant comme eux, mangeant comme eux. Lui, il observait la vie autour de lui, a appris de ces autochtones, et est même devenu leur guérisseur. Il a eu beaucoup de succès à laisser la paix partout où il passait, même entre peuples en guerre. Revenu en Espagne, il a écrit le récit des 8 ans de ce parcours. Des expéditions suivantes n’ont trouvé aucun trace de ces gens, déjà exterminés.
L’appât du gain et l’avidité du pouvoir jumelés à la carte blanche de Dieu lui-même (voir la 2e partie) sont des forces imbattables, et on arrive au monde de nos jours. Bien sûr que si on veut les terres d’autrui ça aide beaucoup si on peut se débarrasser des propriétaires. Sitôt dit, sitôt fait, et voilà que l’Acadie se nomme Nova Scotia. Et il en va de même pour le reste du pays, ces autochtones réclament le droit de pêcher et de chasser sur leurs terres, réclament le droit de vivre leur culture, d’être nomades, de parler leurs langues, mieux vaut les envoyer tout petits à des pensionnats ou tout le monde apprendra à penser, à parler, et à agir blanc. Cela éviterait beaucoup de problèmes, car si tout le monde pensait, parlait, et agissait blanc, il y aurait beaucoup moins de problèmes au monde.
En Amérique du nord, la prison constitue un important outil de contrôle social et politique, la continuation des pensionnats, et des plantations. Au Canada, comment expliquer que les autochtones représentent 5% de la population, mais 30% de la population en prison ?? Aux Etats-Unis, il en va de même pour la population noire, accablée par la guerre à la drogue, stratégie concoctée par leur gouvernement pour dévaster les quartiers noirs. Il faut aussi dire qu’aux Etats-Unis, il y a des prisons privées, la misère des autres c’est un business, on ne souhaite pas que le nombre de prisonniers diminue !
On vit en ce moment une crise de santé publique, mais il y a une autre très grande crise de santé publique qui dure depuis des siècles - le racisme menace notre santé mentale. Les préjugés, la discrimination, l’injustice, le racisme sont des attentats très graves à la santé mentale, tant pour la victime que pour l’agresseur, pourtant on ne voit nulle part ceci pris au sérieux. Être considéré inférieur est un des pires stress pour un être humain. Est-ce qu’on a appris du passé ? On reste enfermé dans un passé rurale, victimisé, strictement doctrinal qui en fait dément le Québec moderne du présent. En partie, cela serait due à l’amnésie qui règne - l’occupation, le colonialisme, l’église. Combien de temps ça dure, une nation bâtie sur des terres volées ?
Mensonges de l’Histoire (5e de 5 parties)
On le sait déjà bien, c’est le conquérant qui écrit les livres d’histoire. Il faut s’intéresser, avoir de la curiosité, et pas avoir peur de la vérité pour vraiment comprendre la réalité. A l’époque de Wikipédia il n’y a vraiment pas d’excuse de vivre dans l’ignorance. Voici des mensonges qui ont fonctionné.
Mensonges à l’échelle mondiale :
La carte du monde - l’ancien type de carte du monde qu’on a presque tous vu à l’école, le Mercator, date des centaines d’années, et montrait l’Europe au centre et beaucoup plus grande en relation à l’Afrique par exemple. Très réconfortant psychologiquement à l’ère colonial ! Ce type de carte déforme le monde et on ignore son penchant eurocentriste. Par contre la projection Peters montre une taille plus précise des continents - une Afrique énorme qui éclipse l’Europe.
Scalper - on sait tous que c’est les méchants Indiens qui scalpait les pauvres colons qui voulait juste s’établir sur leur territoire. Mais scalper était pratiqué en Europe depuis des siècles, noté en Angleterre, par exemple, au 11e siècle. En Nouvelle-Écosse, la loi de la récompense pour chaque scalpe micmac rapporté est encore en vigueur de nos jours.
Héros :
Muammar al-Gaddafi - révolutionnaire, politicien, théoricien politique, son plus grand crime a été d’unir l’Afrique. Ah oui, il a aussi transformé la Libye en état socialiste. Assez dit ?
Samuel de Champlain - tout d’abord, on éclipse le leadership et la présence même de Pierre Dugua, ensuite notre héros national a épousé une française de 12 ans, et on peut trouvé suspect qu’il ait adopté trois jeunes filles Innus, apparement après le retour de son épouse en France.
Oublis de chez nous :
Modeler l’apartheid - à mi-siècle, les autorités sud-africaines ont visité le Canada afin d’apprendre comment les réserves autochtones étaient gérées, on a ensuite perfectionné le système des passes dans les townships et les homelands, ce qui a mené au massacre de Sharpeville. Félicitations, des exportations canadiennes !
Haiti - le rôle du Canada en Haiti nécessite une compréhension de la politique impérialiste de laquelle il s’agit, et du rôle de Affaires mondiales Canada, autrefois CIDA en anglais. Excellent exemple de comment l’occident, par sa politique, crée de la misère, et des réfugiés.
Effacer l’histoire - il est où, le quartier juif de Québec ? Il est où, le quartier chinois de Québec ? Il est où, le cimetière juif de Trois-Rivières ? Qui connait les Chemises bleues à croix gammé d’Adrien Arcand, le fondateur du Parti national social chrétien, québécois fasciste antisémite ?
Il y a encore tant à dire, mais on termine avec les pensées de James Baldwin, d’après qui les blancs, privilégiés par une histoire écrite par et pour eux, sont dangereux parce qu’incapables de remettre en question cette histoire qui les a mis dans une position avantageuse, ou de regarder en face ce que leur renvoie l’Autre dominé, le Noir.*
Toi, t’es capable ?
* paraphrasé de Mélikah Abdelmoumen, Douze ans en France, 2018, p. 197
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