Édition du 5 novembre 2024

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Analyse politique

L'INDÉPENDANTISME ARRIVE-T-IL EN FIN DE COURSE OU REBONDIRA-T-IL ?

On l’a déjà dit et répété : la Coalition avenir Québec, présidée par l’ancien ministre péquiste François Legault doit sa popularité au fait qu’elle a renoué avec l’autonomisme traditionnel qui se situe à l’intérieur du cadre fédéral canadien. Par ailleurs, il est notoire que l’appareil de la CAQ est truffé d’ex-cadres péquistes opportunistes qui ont flairé la direction du vent entre 2014 et 2018.

En effet, la formule mise au point par la direction du parti s’est révélée gagnante : la Coalition avenir Québec se trouve bien installée au pouvoir et l’usure ne l’a pas encore affectée. De toute évidence, Legault et sa garde rapprochée ont démontré un sens politique remarquable entre 2011 (date de fondation du parti) et 2018, année où il a conquis le pouvoir. Ils ont bien perçu la lassitude de l’électorat dans son ensemble à l’égard du duel souverainisme-fédéralisme.

À l’Assemblée nationale, il ne reste plus pour défendre l’idéal souverainiste que Québec solidaire et le Parti québécois, ce dernier très affaibli par comparaison avec sa force antérieure.

Québec solidaire est en principe indépendantiste, mais s direction n’insiste guère sur cette question. On sait que la formation est très divisée là-dessus puisqu’elle a été fondée en 2006 pour lutter contre le rétrolibéralisme bien davantage que pour promouvoir l’indépendance du Québec.

L’affaiblissement de l’idéologie indépendantiste est très marqué ; il se traduit entre autres par l’engouement de beaucoup d’étudiants francophones pour l’anglais ; par ailleurs, alors que la plupart des artistes étaient souverainistes dans les années 1970, de nos jours le nombre de souverainistes parmi eux a notablement diminué, du moins chez les jeunes.

Ce recul du courant souverainiste (marqué par les deux défaites référendaires de mai 1980 et d’octobre 1995) a favorisé la montée du multiculturalisme d’obédience trudeauiste. Le fils de Pierre-Elliott, Justin peut affirmer sans ridicule ni susciter l’indignation au Québec que le Canada est un État "post-national".

Et pourtant...

Si le nationalisme souverainiste bat bel et bien de l’aile et qu’il approche peut-être même de son terme, le nationalisme autonomiste lui, demeure bien vivant. Legault et son parti l’incarnent à la perfection. La réalité des deux nations (Québec français et Canada anglais) demeure indiscutable, en dépit des dénégations libérales fédérales.

La souveraineté conserve un appui certain, ce que prouvent des sondages. Par exemple, si un référendum se tenait demain matin sur le sujet, elle rassemblerait l’appui d’environ un tiers de l’électorat, sa base, ce qui est une assez bonne performance pour une option que plusieurs observateurs qualifient de mourante.
Mais voilà : les forces indépendantiste sont faibles et divisées : Québec solidaire ne parvient pas à sortir du ghetto électoral gauchiste dans lequel il est enfermé et le Parti québécois, qui a déjà perdu plusieurs joueurs et joueuses au profit de la CAQ s’est discrédité au fil des ans auprès de l’électorat progressiste du temps qu.il trônait au pouvoir (surtout de 1981 à 1985 et de 1994 à 2003) à cause des politiques rétrolibérales qu’il a mises en oeuvre.

Il ne fait aucun doute que le gouvernement de la Coalition avenir Québec vogue vers une autre victoire électorale pour le scrutin de 2022 et que le nationalisme autonomiste le servira bien dans ce but. Cette situation peut durer encore longtemps si le projet indépendantiste continue d’être desservi par deux partis très minoritaires.

Cependant, il faut se rappeler que pendant un demi-siècle (de1968 à 2018), l’antagonisme fédéralisme-indépendance a polarisé les débats dans la vie politique québécoise. Il serait par conséquent imprudent de l’enterrer trop vite. Il a marqué durablement et durement deux générations de Québécois et de Québécoises ; le courant souverainiste a changé dans une large mesure la perception que le peuple québécois se faisait de lui-même. L’actuelle vogue du multiculturalisme ne doit pas faire illusion : elle est sans doute éphémère, plus que l’indépendantisme. Les jeux de la politique sont imprévisibles, souvent remplis de surprise et comportent parfois des retournements de situation sidérants.

Même dans l’état d’abaissement qui forme son lot en ce moment, la souveraineté demeure bien présente dans notre culture politique, même si c’est en filigrane. Peut-être ressurgira-t-elle avec force un jour à la faveur de circonstances imprévues. Elle restera gravée longtemps en tout cas dans la mémoire collective des Québécois et Québécoises.

Jean-François Delisle

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