Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le « défi 50% » du Front commun pour la transition énergétique

La « sobriété » est moins un défi technique que politique

Est-il encore une fois nécessaire de rappeler que l’année 2024 sera vraisemblablement l’année la plus chaude, la première dépassant le fatidique 1.5°C que le GIEC-ONU et la COP de Paris avaient fortement recommandé de ne pas dépasser ? Est-il utile de rappeler que les COP de 2024, sur le climat comme sur la biodiversité en passant par les négociations sur un traité sur le plastique se sont terminées en échec patent ? Faut-il souligner encore une fois que le Canada est le cancre du G-7 pour les émanations de gaz à effet de serre (GES) ? Faut-il dénoncer l’hypocrisie du Québec de prétendre être le premier de la classe au Canada, parce qu’il ne tabule pas les effarantes émanations des GES dues à la production de pétrole bitumineux albertain que pourtant il consomme ?

Cette tâche apparemment impossible de rapidement réduire les émanations de GES, le « défi 50% » de la « Journée de travail sur la sobriété énergétique » organisée par le Front commun pour la transition énergétique (FCTÉ) a prouvé le contraire, du moins sur le plan technique. On peut avantageusement consulter les présentations Power point. Au-delà de l’argumentation technique et au besoin chiffré, l’orientation politique de l’ensemble de l’œuvre, comme le nom de la journée l’indiquait, c’est la sobriété énergétique. Pour le transport des personnes, c’est la maximisation du transport en commun électrifié comme service public gratuit. Pour le transport des marchandises, c’est la maximisation du rail électrifié pour les longs trajets et des petits véhicules électrifiés pour les courts trajets. Pour l’habitation, c’est l’habitation collective écoénergétique et socialisée. Pour l’aménagement du territoire, c’est la maximisation des trajets courts pour l’approvisionnement, l’interpénétration ville-campagne et les quartiers et villages 15 minutes. Pour l’industrie, c’est la minimisation électrifiée de la production, efficace, durable et réparable. Pour la nourriture, c’est l’agriculture biologique.

Le cul-de-sac de « l’économie sociale » dans un contexte capitaliste vert

Pour dire toute la vérité, les objectifs et moyens proposés, sauf pour l’industrie, et au-delà de leur technicité parfois trop complexe parfois trop schématique, ne se situaient pas par rapport au capitalisme vert d’où une certaine retenue des propositions. Là où le bât blesse c’est de proposer, pour y arriver, la stratégie de « l’économie sociale » qui non seulement laisse dans l’ombre le recours ou non à la centralité du marché mais qui aussi pense pouvoir bouleverser la société et son économie par uniquement une approche locale et régionale. Dans les présentations, il n’a nullement été question d’orientation, de programme, de plateforme, de stratégie et encore moins d’organisation politique nationale bien que le FCTÉ et une bonne partie des organisations membres soient des organisations sociales nationales. Quant à la centralité du marché, on a eu droit à un clash sotto voce et par la bande entre Pierre-Olivier Pineau des HEC, qui prônait «  l’écofiscalité » comme première mesure pour transformer le secteur du transport des marchandises — mais le « [t]ransfert modal vers le rail & maritime » réglerait 80% du problème ! —, et sans doute au-delà, et Éric Pineault de l’UQÀM qui envisageait la possibilité de la « décroissance socialiste » pour la mise au pas de l’industrie, et sans doute pour l’ensemble de l’œuvre.

Peut-être les ateliers de l’après-midi ont-ils comblé ces lacunes et débrouillé l’écheveau politique ? Pour cause de manque de place et de retard à m’inscrire, je les ai ratés. Toujours est-il que la gauche politique, en particulier Québec solidaire, a évité un regard critique. Plus largement, les présentations se sont abstenues de faire le point climatique et écologique sur la société québécoise et, de ce fait, sur ses politiques dans ces domaines. C’est un gros trou que s’il eut été remblayé aurait mis en lumière le cul-de-sac du capitalisme vert dont son respect sacré du marché… et de l’impuissance de la stratégie de l’économie sociale. N’empêche, on réalise pleinement la possibilité technique de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour gagner la lutte climatique en autant que ce soit rapide et radical c’est-à-dire dans le contexte d’une planification démocratique hors marché laquelle justement créerait les conditions de la réalisation efficace de la créativité locale et régionale.

Marc Bonhomme, 14 décembre 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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