Édition du 17 décembre 2024

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Québec solidaire

Immigration et citoyenneté : deux visions incompatibles

Avant que des gens aillent voter, il faudrait déjà s’assurer qu’ils le veulent et qu’ils savent pourquoi ils votent.

Ce texte a été adopté et appuyé par la totalité des membres du Comité immigration d’Option nationale (ON). Ce texte est la première partie de 2.

Comme comité immigration d’Option nationale travaillant depuis plus de 3 ans sur ce sujet (et composé notamment de plusieurs membres -une majorité- issus de l’immigration), il nous semblait impossible de rester muets face au projet d’entente entre ON et QS dans le contexte des enjeux précis entourant l’immigration et l’identité. Nous souhaitions nous positionner sur ces enjeux, tout comme la Commission politique d’ON se positionnait sur les enjeux politiques entourant le projet d’entente entre ON et QS récemment.

Le très bon texte endossé par l’ensemble de la Commission politique d’Option nationale nous exposait pourquoi le programme de Québec solidaire « reste pour l’instant ambiguë sur l’accession à l’indépendance et ses prises de position s’inscrivent essentiellement dans un cadre provincial ». Il était ajouté que « la lutte pour l’indépendance ne doit pas être confondue avec la promotion d’un projet de société particulier et divisif ». Finalement, en affirmant la démarche pragmatique d’Option nationale, à propos du modèle économique que propose QS, on concluait que « nos positions sont moins controversées et nous privilégions le changement de régime politique plutôt que le changement de système économique et social. » En cela, nous partageons les analyses de la commission politique d’ON à propos de Québec solidaire et nous les considérons comme des arguments pertinents pour rejeter un projet d’absorption par ce parti.

Cela étant dit, en tant que comité immigration se penchant sur les questions d’immigration, d’intégration, d’identité depuis maintenant 3 ans, nous voulions intervenir sur ces enjeux précis afin d’exposer pourquoi selon nous, les programmes des deux partis présentent deux visions éloignées et incompatibles.

Comme comité immigration au sein d’Option nationale, nous avons travaillé fort depuis 3 ans pour en arriver à un programme cohérent répondant aux réalités du terrain. Entre événements en immigration, visite d’organismes, assemblées de cuisine, rencontres de nouveaux arrivants, lectures de rapports du ministère, nous avons été impliqués à tous les niveaux, sur le terrain de l’action et celui de la réflexion, notre démarche aboutissant au programme actuel d’ON en immigration.

Il nous semble d’ailleurs surprenant que le programme de QS, un parti se targuant pourtant de connaître ce dossier et nos concitoyens issus de l’immigration soit si éloigné de certaines réalités. Nous nous étonnons d’un programme très incomplet, après pourtant 11 ans de vie pour ce parti.

Nous nous sommes fixé l’objectif d’analyser certaines différences majeures, considérant certains enjeux.

Indépendance

Commençons à la base. Il n’y a absolument aucun mot sur le rôle des immigrants, nouveaux arrivants et citoyens issus de l’immigration en rapport avec l’indépendance ou aux choix en matière d’immigration du Québec, dans le programme de QS. Ni sur ce qu’il adviendra d’eux ou du processus d’immigration dans un Québec indépendant.

Tout au contraire, le programme d’Option nationale (https://opnat.quebec/programme#chapitre2_7) aborde ce sujet sous l’angle d’une gouvernance indépendantiste et proclame que « la sélection des immigrants se fera en fonction des exigences de l’intérêt national et répondra aux critères suivants : les besoins économiques, les besoins démographiques et les exigences morales ». Cela nous semble être un positionnement responsable et sensible à une problématique fondamentale dans la construction du modèle de société d’un État indépendant.

D’ailleurs, contrairement à Québec solidaire, nous établissons, selon ces critères, certaines mesures préférentielles de sélection pour certains types d’immigrations, notamment les personnes ayant déjà vécu une « expérience québécoise » dans le passé, une politique d’immigration avantageuse pour les francophones du Canada et des États-Unis, l’accueil de réfugiés politiques victimes de répression. De même, nous introduisons la possibilité audacieuse d’accueillir des réfugiés climatiques, selon des critères que définirait le Québec. Et il ne s’agit là que de quelques mesures.

Immigration et citoyenneté

Dans son programme, QS nous parle beaucoup de diversité, de pluralisme et du terme si galvaudé d’inclusion. Jamais il n’est fait mention d’intégration. Or, il s’agit là de la pierre angulaire du programme développé par Option nationale. Pour nous, il n’est nullement question de débattre de chiffres et maintenir idéologiquement un chiffre magique d’immigrants reçus -comme le font les fédéralistes- au détriment d’une intégration réussie. Le Québec doit accueillir des immigrants en fonction de sa capacité à les intégrer adéquatement, c’est-à-dire faire en sorte que les immigrants reçus, ces citoyens d’autres pays traversant de nombreuses épreuves, devant s’intégrer et faire face aux défis d’une société moderne, puissent se développer dans notre société, s’y intégrer socialement et économiquement.

C’est pourquoi notre programme propose de nombreuses mesures en ce sens : un guichet de services centralisés aux nouveaux arrivants, des mesures concrètes d’intégration en régions (comme des missions d’emploi en régions), des formations sur la gestion de la multiethnicité en milieu de travail pour les employeurs ; une restructuration des services de francisation et d’alphabétisation, la simplification de la reconnaissance des diplômes et de l’accès aux professions réglementées, des mesures spécifiques pour les femmes immigrantes, entre autres propositions. Bref, autant de mesures progressistes presque toutes absentes du programme de Québec solidaire, si ce n’est que sous la forme de déclarations d’intention.

Concernant l’intégration des femmes immigrantes, nous reconnaissons, sans entrer dans les nombreux détails, que le programme de QS a le mérite de se pencher sur cette problématique spécifique, tout comme le programme d’ON. Malheureusement, on y parle souvent de « mécanismes » ou d’« initiatives », mais cela manque beaucoup d’engagements réels.

Mais surtout, nous constatons là encore certains engagements plus idéologiques que concrètement efficaces pour les citoyens et les personnes visées. Quand le programme de QS demande de « s’assurer que les programmes de francisation intègrent un volet d’information et de sensibilisation sur la culture, les valeurs et l’histoire des luttes des femmes québécoises pour faciliter l’intégration et l’adaptation des femmes immigrantes », celui d’ON propose de mettre l’accent sur les moyens dévolus à l’intégration des femmes immigrantes « En mettant de l’avant les valeurs de la société québécoise, notamment l’égalité entre les hommes et les femmes, lors du processus de sélection des immigrantes et durant la période d’acquisition de la citoyenneté » et « En présentant des ateliers et en privilégiant et en intensifiant l’intervention de groupes de femmes, d’organismes communautaires et d’organismes de prévention sur la place des femmes à l’attention des hommes et des femmes immigrants lors du processus de francisation ». Certains mots font la différence entre engagements et intentions, entre idéologie et pragmatisme.

Toujours sur la citoyenneté, le programme de QS nous apprend que « Québec solidaire permettra l’octroi du droit de vote aux immigrants et aux immigrantes ayant une résidence principale au Québec depuis au moins deux ans(...) »

Pour nous, il s’agit là encore d’une proposition idéologique, mais nullement intéressante en rapport avec la réalité des gens et les exigences du contexte québécois. Nos rencontres avec divers citoyens issus de l’immigration nous ont permis de constater leur haut niveau de méconnaissance du système politique et des institutions du pays que nous partageons, parfois chez des immigrants qui avaient obtenu la citoyenneté depuis longtemps et vivaient ici depuis 10 ans ou plus. Nous ne les blâmons pas ; cette lacune provient du système et c’est pourquoi notre programme se propose de le changer, notamment en introduisant un cours d’éducation civique pour les nouveaux arrivants.

Avant que des gens aillent voter, il faudrait déjà s’assurer qu’ils le veulent et qu’ils savent pourquoi ils votent.

Pierre-Alain Hoh

Gestionnaire de projets multimédia, militant indépendantiste et membre du Comité immigration d’Option nationale.

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