1 novembre 2021 | tiré du site pivot.quebec
Émergeant comme nous toutes et tous de la stupeur dans laquelle nous a plongé la pandémie, François Geoffroy propose de relancer la lutte pour le climat sur de toutes nouvelles bases, en nommant et en confrontant directement les responsables de la catastrophe en cours, soit les dirigeants des grandes corporations accrochés à leurs privilèges. Il faut amorcer la décroissance maintenant, dit-il, et cela ne peut se faire sans combattre le capitalisme, un système fondé sur une croissance infinie, injuste et mortifère. Entrevue.
La grande majorité des quelques 500 000 personnes qui ont manifesté pour le climat à Montréal, le 27 septembre 2019, ne connaissaient pas François Geoffroy, le co-fondateur du groupe « La planète s’invite au parlement ». C’était pourtant à lui, ainsi qu’à une poignée d’autres militants et militantes de l’ombre, qu’elles devaient leur présence dans les rues de Montréal ce jour-là.
Parmi les manifestants se trouvait Justin Trudeau. Une photo le montre à côté d’un slogan dessiné sur une pancarte, « Tous ensemble pour la planète ! ». Aujourd’hui, Geoffroy, un professeur de littérature âgé de 46 ans, jette un regard critique sur cette manifestation : « On n’osait même pas dire qu’on était contre les politiciens au pouvoir. On les invitait à marcher avec nous. On était totalement incapables de nommer un adversaire. On était là parce qu’on aimait la planète. » Cette manifestation illustre notre peur de combattre les responsables de la catastrophe climatique. « C’était à la limite une caricature à ce niveau-là » pense-t-il aujourd’hui.
Début octobre, j’ai eu la surprise de le voir dénoncer le mouvement environnemental dans des termes très crus sur sa page Facebook : « Je suis PU CAPABLE du discours ‘réduisons notre consommation d’énergies fossiles’, ‘décarbonisons l’économie’ et ‘changeons notre imaginaire.’ Il ne faut pas seulement réduire notre consommation d’énergies fossiles ; il faut réduire notre consommation d’énergie tout court (40% mondialement, selon la version coulée du volet 3 du GIEC ; beaucoup plus pour les pays du Nord). Arrêtons de nourrir l’impression qu’on pourra simplement remplacer le fossile par du renouvelable. »
« Décarboniser l’économie, c’est s’attaquer à la croissance, ce qui veut dire que notre seule chance suppose de travailler sans relâche à éroder le capitalisme. Il serait fucking temps qu’on commence à se le dire. Et ‘changer l’imaginaire’… please ! […] De grâce, finissons-en avec ce discours aseptisé, dicté par certaines ONG et leurs donateurs. L’accepter, c’est nous condamner à un militantisme-spectacle, qui a déjà mille fois démontré son incapacité à amener le changement dont on a besoin. »
Un peu plus tard, je dinais avec Marie-Dominique Michaud, la productrice du film « La Terre vue du cœur », une cinéaste qui a bien des projets dans sa besace. Je lui ai demandé de but en blanc si elle connaissait Geoffroy, que j’avais croisé seulement une fois. Oui, bien entendu. « Est-ce qu’il n’est pas en train de se radicaliser ? », lui ai-je demandé. « C’est très clair ! », a-t-elle répondu en éclatant de rire, probablement un peu étonnée que je pose une question aussi évidente. Mon impression était donc la bonne et, vu son importance dans le mouvement environnemental, j’ai voulu le rencontrer à son tour. L’entrevue s’est déroulée la semaine dernière dans un café du quartier Villeray.
Le 9 octobre, tu écrivais sur ta page Facebook qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans la lutte pour le climat. Qu’est-ce qui ne va pas ?
Eh boy ! C’est toute une question, ça ! (Rires)
C’est ce que tu écris !
Le cœur du problème, à mon avis, c’est qu’on ose si peu s’attaquer aux enjeux économiques et à l’impossibilité de faire entrer la notion de carboneutralité dans le système dans lequel on est présentement. L’idée que les deux sont incompatibles, ça nous fait terriblement peur. On voit souvent une pancarte dans les manifs, qui dit que ce serait plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme. J’ai l’impression que plus le temps passe, plus ça se confirme… C’est comme si on essayait de s’accrocher désespérément à l’idée qu’on va pouvoir décarboniser notre économie avec un minimum de changements.
Bien sûr, on parle d’aménagement du territoire, on parle de transport en commun, mais c’est comme si on restait accroché à l’idée qu’on peut essentiellement remplacer les énergies fossiles par les énergies renouvelables, avec un minimum de transformations dans nos façons de produire ou de consommer. Et même quand on parle à des militants, surtout à des militants qui entrent dans la lutte, ils ont cette impression-là : il suffit de décarboniser, mais on peut garder notre économie telle qu’elle est, mettre la switch carbone à off, et voilà…
Pourquoi cette idée-là n’est pas bonne ?
Parce que garder les choses comme elles sont présentement, ça supposerait un découplage massif [NDLR : la courbe de la production économique monte pendant que la courbe des émissions de carbone descend]. Cette fameuse idée du découplage, elle a pourtant été battue en brèche dans les dernières années. On n’a aucune preuve empirique qui nous permet de dire qu’elle peut fonctionner.
Oui, il y a un certain découplage qui est possible : à partir du moment où on fait des gains du côté de l’efficacité énergétique, on sait qu’on peut réduire un peu notre consommation d’énergie tout en maintenant une croissance économique, et donc découpler un peu le lien entre les émissions de GES et la croissance. Sauf qu’il n’y a absolument aucune preuve qui nous permette de dire qu’on peut atteindre le niveau de découplage nécessaire dans les temps qui nous restent tout en conservant une croissance économique. Présentement, c’est de la pensée magique, et c’est comme si on n’osait pas se l’avouer.
La conséquence logique, si on rejette l’idée du découplage, c’est que la décroissance est nécessaire. Il faut d’abord plafonner notre production économique, puis éventuellement la laisser décroître jusqu’à un niveau acceptable. Et dans le mouvement, je ne vois cette prise de conscience-là que chez quelques auteurs, ou encore dans une partie du mouvement étudiant. Elle n’est portée par aucune des grandes ONG, et encore moins par les grands syndicats. On voit des porte-paroles commencer à parler de décroissance en privé, mais les positions organisationnelles demeurent. C’est problématique.
On ne peut pas dire d’un côté « Écoutez la science, écoutez la science », puis, quand vient le temps de parler des solutions, mettre de l’avant des solutions qui n’ont aucune crédibilité scientifique.
Même Greenpeace ne prône pas la décroissance ?
Greenpeace n’a pas de position claire sur la décroissance. Patrick Bonin [son principal porte-parole au Québec] va en parler en privé, en son nom personnel, mais Greenpeace reste discrète sur l’enjeu. Est-ce que ça va changer ? J’ai de l’espoir pour Greenpeace, moins pour les autres. Du côté des partis politiques, les positions sont encore plus problématiques. Je me souviens d’avoir été atterré lors des élections fédérales précédentes, quand on a demandé spécifiquement à Élizabeth May [la chef du Parti Vert à cette époque] si elle était favorable à la décroissance. Elle s’est presque mise à hurler : « croissance ! croissance ! » pour rassurer tout le monde. Au Québec, ces débats-là commencent tranquillement au sein de Québec Solidaire. On verra où ça mène.
Pourquoi penses-tu que des organisations écologiques réputées n’adhèrent toujours pas à l’idée de décroissance ?
Ça fait peur ! Accepter la décroissance, c’est accepter qu’il n’y a pas de solution à la crise climatique à l’intérieur d’un système capitaliste. Capitalisme et décroissance sont incompatibles. Ça veut dire que toute lutte sérieuse suppose de s’attaquer au fonctionnement du capitalisme, de chercher à en éroder les bases, et de confronter les détenteurs du capital. C’est de ça dont on parle. Or, trop de gens continuent d’associer toute forme de critique du capitalisme au goulag russe. On se souvient de la phrase de Margaret Thatcher dans les années 80, « There is no alternative ». On commence tranquillement à accepter de rouvrir nos imaginaires, mais on est loin d’être prêts à construire des mouvements sociaux qui prennent cet enjeu là à bras-le-corps et proposent des alternatives conséquentes. Il va pourtant falloir le faire.
La décroissance serait-elle impossible avec la propriété privée des moyens de production ?
La propriété privée suppose une compétition pour la croissance constante, sans laquelle une entreprise décline, se fait racheter ou écraser par ses concurrents. Si on plafonne cette croissance, qu’est-ce qui se passe ? Pour augmenter sa compétitivité, les entreprises n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers les travailleuses et les travailleurs, à qui elles demanderont d’accepter des réductions de leurs conditions de travail. On risque alors de voir réapparaître, très rapidement, le type de capitalisme barbare auquel on a été confronté aux lendemains de la révolution industrielle. L’exploitation sauvage, qui n’a jamais cessé dans les pays du Sud, va refaire son apparition au Nord. Ce scénario, en fait, c’est précisément celui vers lequel on se dirige si on ne fait rien, puisque la croissance devra fatalement cesser à mesure que s’épuiseront les ressources et que les écosystèmes vont s’effondrer.
À moyen terme, refuser de remettre en question le capitalisme, c’est accepter une barbarie de plus en plus généralisée, qui, soit dit en passant, est déjà en train de se préparer avec la montée de l’extrême-droite un peu partout.
L’enjeu actuel, on peut le résumer ainsi : comment fait-on fonctionner notre économie à l’intérieur des limites naturelles ? Parce que la croissance, elle nous oblige aussi à consommer constamment du bois plus vite que nos forêts sont capables de se régénérer, de l’eau plus vite que nos nappes phréatiques peuvent se restaurer… Comment fait-on, en même temps, pour assurer à tout le monde un minimum décent ? Comment notre économie peut-elle subsister dans cette mince bande à l’intérieur de laquelle tout le monde peut espérer une vie minimalement prospère ? Et surtout, comment arrive-t-on à contraindre le développement économique, tout en garantissant une meilleure démocratie ? La seule voie de passage que je peux imaginer, c’est de renouer avec l’idéal de la démocratie économique, qui a été à la base du projet socialiste.
Jusqu’à maintenant, les luttes sociales s’appuyaient sur la mobilisation de grands groupes sociaux, essentiellement la classe ouvrière. Il y avait une motivation immédiate et profonde à se mobiliser. Mais maintenant, quel groupe social pourrait revendiquer de baisser son niveau de vie ?
Là est tout l’enjeu. On continue d’avoir une motivation profonde à partir du moment où on sort du déni. Notre motivation profonde, dans le contexte, c’est la survie. Mais c’est clair que si on veut entrer dans une logique de décroissance, il faut commencer par s’attaquer aux personnes qui présentement ont le train de vie qui est le moins compatible avec ce vers quoi on doit avancer. Je suis régulièrement abasourdi qu’on puisse accepter, dans un contexte de crise climatique, que des milliardaires s’envolent dans l’espace. On parle souvent de la notion d’empreinte carbone. Je serais vraiment curieux de connaître l’empreinte carbone de personnes comme Jeff Bezos ou Guy Laliberté. Comment peut-on accepter qu’une personne brûle en une seule journée l’équivalent du budget carbone d’une nation ? Ça n’a pas de sens !
Comment un parti politique pourrait-il se faire élire en disant : « Chers citoyens, la situation est grave, le niveau de vie global des Canadiens et des Québécois est trop élevé et il va falloir le réduire, vous ne pourrez plus aller en avion dans le sud pendant la semaine de relâche, vous ne pourrez plus éventuellement conduire de voitures privées… » ?
C’est clair que ça ne peut pas arriver demain matin. Mais je pense qu’une des pistes, c’est de casser le fameux « Nous ». De casser l’idée qu’on est tous dans le même bateau et qu’il faut globalement, tous ensemble, réduire notre niveau de vie. Il y a des gens qui abusent plus que d’autres. Il y a des politiques compatibles avec la décroissance qui peuvent commencer à préparer le terrain et qui pourraient être acceptables pour une large part de la population. Pensons par exemple à la notion d’un revenu maximum. C’est quelque chose qu’on peut mettre de l’avant, pour limiter la consommation excessive. Je ne crois pas qu’une majorité de Canadiens et de Québécois s’opposeraient à une mesure comme celle-là. C’est sûr qu’on verrait les lobbies ruer dans les brancards, mais je pense que c’est une mesure gagnable. Et là, déjà, on commencerait à s’attaquer à la racine du problème et à se donner des outils pour repenser notre système économique pour l’inscrire dans des limites planétaires.
Est-ce que le revenu maximum devrait être une revendication centrale ? C’est similaire aux carnets de rationnement, aux quotas de consommation qui existaient pendant la Seconde Guerre mondiale, tant au Canada qu’en Grande-Bretagne…
La comparaison avec la Seconde Guerre est intéressante. Qu’est-ce qui fait qu’on n’agit pas de la même façon face à la crise climatique ? On a beaucoup d’auteurs qui mettent de l’avant la nécessité d’une mobilisation de guerre. Seth Klein, par exemple, dans A Good War. Au Québec, la Déclaration d’urgence climatique s’inscrit dans un imaginaire similaire. Pourquoi on n’arrive pas à se mobiliser de la même façon que dans un contexte de guerre ? Une partie de la réponse, c’est que tout le monde ne sent pas que ses intérêts sont menacés de la même façon par la crise climatique, ce qui n’était pas le cas dans un contexte de guerre, où la menace était à peu près la même pour tout le monde. Ici, une partie plus fortunée de la population s’accroche à l’idée qu’elle sera moins atteinte par les catastrophes, qu’elle pourra toujours se défendre, ou qu’elle aura suffisamment d’argent pour continuer à surnager. Ces personnes sont à la racine du problème : dans la tourmente, elles s’accrochent à leur richesse comme à une bouée de sauvetage. Elles sont prêtes à se battre pour éviter qu’on leur enlève leur fortune et leurs privilèges.
L’argent qui file dans les paradis fiscaux nous permettrait de développer des solutions collectives, mais les détenteurs du capital savent que s’ils le laissent aller, ils seront aussi vulnérables que toi et moi devant la crise.
The Guardian a révélé dernièrement que Apple et Disney ont fait une levée de boucliers contre le plan d’infrastructures de Joe Biden. Le plan Biden, on s’entend que ce n’est pas la décroissance, c’est un plan d’infrastructures vertes dans le cadre du Green New Deal. Or, ces corporations ont déjà commencé à dépenser de grosses sommes en lobbying pour le bloquer, alors que publiquement elles tiennent un discours de responsabilité climatique et se sont engagées à être carboneutres pour 2050. Elles veulent le bloquer parce que le plan Biden repose sur la taxation des plus riches pour réussir à construire ces infrastructures qui permettraient au moins de faire un petit bout de chemin. Cet épisode est extrêmement révélateur du véritable conflit dans lequel on est. Des gens préfèrent laisser le climat se dérégler plutôt que de voir leurs fortunes être amputées.
Mais dans nos pays, la classe moyenne surconsomme aussi… J’ai un voisin que j’aime bien, un travailleur actif dans son syndicat, qui roule en F-150. Comment lui dire : ton F-150, tu vas devoir t’en débarrasser ?
Je n’ai pas de réponse claire. Mais je crois que ce voisin-là, on peut le convaincre d’adhérer à certaines mesures qui pourraient nous rapprocher de nos objectifs. Le revenu maximum en est une. Le revenu maximum ne le menace pas. Il faut commencer par cibler les principaux responsables, et ton voisin n’en fait pas partie. Là, on peut commencer à développer une forme d’antagonisme pour développer un réel rapport de forces. C’est le seul espoir qui me reste.
Créer un antagonisme ?
Oui. Malheureusement, le mouvement pour le climat a souvent eu peur des antagonismes. La manif du 27 septembre 2019 était à la limite une caricature à ce niveau-là. On n’osait même pas dire qu’on était contre les politiciens au pouvoir. On les invitait à venir marcher avec nous. On était totalement incapables de nommer un adversaire. On était là parce qu’on aimait la planète. Et donc, la possibilité de créer un rapport de force n’était pas là. Or, forcément, si les choses ne se font pas, c’est parce qu’il y a du monde qui bloque, et il faut être capable de les désigner. Avant de développer un rapport de force, il faut nommer un adversaire. C’est la base de n’importe quelle lutte. On ne peut pas faire des gains si on ne sait même pas contre qui on se bat.
En effet, on ne sent pas vraiment de colère contre les responsables de la catastrophe climatique…
Les compagnies pétrolières se démènent pour éviter cette colère. Les pétrolières poussent l’idée qu’on est engagés dans une co-dépendance, qu’on a besoin de pétrole. En effet, ça facilite notre vie, mais on est quand même loin d’un besoin vital.
Je te disais qu’on n’arrive pas à nommer un adversaire, mais il est intéressant de souligner que des sommes ont été investies pour nous empêcher d’y arriver. On sait que les pétrolières, dès les années 70, étaient parfaitement conscientes de la menace climatique, on sait qu’elles ont commencé par financer des campagnes climato-sceptiques à la pelle. Sauf que depuis les années 2000, leurs stratégies ont changé. Des compagnies comme British Petroleum (BP) ont beaucoup mis de l’avant le concept de l’empreinte carbone pour essayer de détourner l’attention de leurs propres responsabilités, et pour culpabiliser les individus. Des mémos internes sont sortis à cet effet (encore une fois dans The Guardian), montrant qu’elles ont cherché à détourner l’attention de leurs propres responsabilités.
La stratégie, c’est de nous empêcher de nommer un adversaire clair en mettant le poids sur l’individu. On nous présente un discours selon lequel on serait tous dans le même bateau face à la crise climatique. Comme si on avait tous la même responsabilité, voire le même pouvoir ! En fait, réduire immédiatement notre train de vie de 50%, ce serait très possible pour les plus aisés d’entre nous, mais parfaitement cruel pour les gens qui ont déjà de la misère à joindre les deux bouts.
Cette idée qu’on est tous dans le même bateau et qu’il faut réduire notre empreinte collectivement, c’est une idée qui a été manufacturée, c’est une idée qui a été poussée par des campagnes de pub financées par les pétrolières.
Il faut qu’on soit capable de le dire, de sortir de cette logique-là. C’est une logique dans laquelle nos adversaires nous ont placés, de façon, justement, qu’on n’arrive pas à créer cet antagonisme-là. Encore aujourd’hui, c’est ce qui nous paralyse.
Il faut donc susciter la colère contre les détenteurs du grand capital ?
Oui. Dans le mouvement écolo, parler contre les compagnies pétrolières, on y arrive, mais elles sont loin d’être les seules responsables et, ce qu’on n’arrive pas à faire, c’est de parler de l’ensemble des corporations multinationales comme des adversaires. L’exemple de Disney et Apple montre que ce sont nos adversaires au même titre que les pétrolières. Elles font partie de celles qui bloquent les mesures qui nous permettraient de sortir un peu la tête hors de l’eau.
Ces grandes corporations demeurent des entités un peu abstraites. Est-ce qu’il faut individualiser ? On connaît Bezos, Musk, etc… ici même, est-ce qu’il faut pointer du doigt les individus responsables ?
Tout à fait. Les corporations ne sont pas des entités inhumaines, hors de la société. Elles sont dirigées par des individus, et ces individus ont des noms. Des criminels du climat, il y a en au Québec comme ailleurs. Il faut les nommer et les dénoncer si on veut se donner une chance de leur retirer leur pouvoir de nuire.
Qu’est-ce que tu attends de la COP26 ?
Rien. Les gains des mouvements sociaux se sont toujours faits par la création d’un rapport de force. Ce rapport de force a été désamorcé pendant la pandémie. Présentement, on n’est pas dans une position de force. On l’était un peu plus en 2019. Les mouvements sociaux étaient là et poussaient fort, même si le discours était inadéquat. Présentement, on n’est pas là-dedans. S’il y a des avancées du côté de la COP, ce seront des avancées qui seront compatibles avec les intérêts des grandes corporations, c’est-à-dire des investissements dans des technologies vertes, le fantasme de la croissance verte.
L’avenir est plutôt sombre…
C’est vrai. Malheureusement, on en est à un point où ce n’est plus vrai qu’on se bat pour un monde meilleur. On se bat désormais pour limiter les dégâts, pour mettre fin au saccage de l’atmosphère et de la vie sur Terre, même si une partie de ce saccage est maintenant inévitable. Et même si on gagne, on se dirige vers un monde où il va falloir faire des deuils et des sacrifices.
Il va falloir renoncer à certains privilèges. Mais les premiers qui doivent y renoncer, ce sont ceux qui ont des privilèges scandaleux, qui ont le pouvoir et qui dictent les agendas.
Se battre pour le climat, c’est d’abord se battre contre eux.
Qu’est-ce que tu as à ton calendrier dans les semaines qui viennent ?
Il faut se préparer à relancer la mobilisation. Une rencontre virtuelle est prévue le 21 novembre pour jeter les bases d’une organisation démocratique intersyndicale qui mobiliserait les travailleurs et les travailleuses dans la lutte pour le climat. Puis, le 27 novembre, nous entreprenons une tournée dans plusieurs villes du Québec en commençant par Gatineau sur le thème « Faut qu’on s’organise ». Cette rencontre se tiendra en personne à l’Université du Québec dans l’Outaouais à l’invitation de La Planète s’invite au Parlement, de la CEVES (Coalition étudiante pour un virage environnemental et social), du Front commun pour la transition énergétique et de la TROVEPO (Table ronde des organismes volontaires en éducation populaire de l’Outaouais). Nous voulons offrir aux militants un espace pour s’organiser, créer des liens, mettre leurs ressources en commun et, ultimement, construire ensemble le rapport de force dont nous avons besoin pour remporter nos luttes.
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