Démarches légales entreprises par la FMOQ
En 2018, la FMOQ entamait des démarches devant les tribunaux afin de clarifier le droit des médecins à facturer certains frais accessoires. La FMOQ estimait alors qu’il y avait divergence dans l’interprétation de la loi sur l’assurance maladie en ce qui a trait aux services assurés. À l’époque, MQRP dénonçait ces démarches juridiques, puisqu’en plus d’être onéreuses, elles avaient été initiées par la FMOQ sans avoir consulté ses membres.
Quatre ans plus tard, en mars 2022, la FMOQ a annoncé dans un communiqué à ses membres sa victoire partielle dans ses démarches contre la RAMQ. En effet, la Cour d’appel du Québec a tranché sur la question : les médecins de famille participants sont en droit d’exiger des frais aux personnes assurées pour remplir des formulaires de médicaments d’exception et lorsqu’ils utilisent un appareil d’échographie pour faire une infiltration.
Cette décision étonne MQRP, puisque l’article 60.4 de la Loi sur l’assurance médicaments prévoit clairement l’interdiction d’exiger des frais pour remplir une demande d’autorisation de remboursement d’un médicament inscrit à la liste des médicaments de la RAMQ. Toutefois, bien qu’il ait été adopté en 2005, cet article n’est toujours pas entré en vigueur à ce jour. On se demande pour quelles raisons le législateur tarde encore à l’appliquer, et quels sont les intérêts qui sont protégés dans l’intervalle. Ce ne sont certainement pas ceux des patients.
Qu’est-ce qu’un formulaire de médicament d’exception ?
Un médicament d’exception est un médicament qui est remboursé par la RAMQ sous certaines conditions seulement, lorsque son indication de traitement est reconnue par l’INESSS. Cela permet de réserver les traitements plus coûteux aux personnes qui sont susceptibles d’en tirer un bénéfice supplémentaire par rapport à un traitement moins dispendieux. Afin de s’assurer que ces conditions soient remplies, le médecin doit faire parvenir un formulaire à la RAMQ avant qu’elle n’autorise le remboursement du médicament. Il faut souligner que lorsqu’un médecin prescrit un médicament d’exception, c’est généralement parce qu’il s’agit du meilleur traitement disponible pour son patient, par exemple après un échec à un traitement de première ligne. Dans tous les cas, il juge que celui-ci est médicalement nécessaire, et peu importe l’indication pour laquelle leur médecin doit remplir une telle requête, il est injuste que les patients se voient imposer une pénalité financière parce que leur maladie et leur état de santé justifient un médicament en particulier. Il nous semble tout à fait erroné de considérer que ces formulaires constituent du travail administratif, car ils sont essentiels pour assurer aux patients l’accès à des traitements médicalement requis : selon nous, remplir ces formulaires fait donc partie intégrante du suivi médical. Décider d’exiger des frais pour remplir ces formulaires peut revenir à prendre les patients en otage : s’ils refusent ou sont dans l’incapacité de payer directement leur médecin pour ce formulaire, les patients devront se contenter d’un traitement moins avantageux ou même moins approprié. Sinon, ils devront en assumer eux-mêmes le coût en entier à la pharmacie, même s’ils répondent aux critères de remboursement de la RAMQ et qu’ils y ont pleinement droit.
Depuis plusieurs années, ces formulaires peuvent être remplis en ligne sur le site de la RAMQ. Il est étonnant que la FMOQ milite pour que les médecins de famille puissent facturer un montant à leur patient pour le temps passé à remplir un de ces formulaires. Le concept de médicament d’exception est une mesure dont l’objectif est précisément le contrôle des coûts. Il est désolant que la FMOQ encourage ses membres à se servir de cette mesure comme prétexte pour facturer plutôt que de se prêter à l’exercice de bonne foi, dans l’optique d’une utilisation optimale des ressources.
Afin de contrôler le coût de leurs régimes d’assurance, les assureurs privés ont aussi de plus en plus recours au concept de médicaments d’exception, pour lesquels ils exigent une autorisation préalable. Ils utilisent souvent les mêmes critères que la RAMQ pour le remboursement de ces médicaments, car la loi les oblige à offrir une couverture équivalente à celle offerte par le régime public. Toutefois, chaque compagnie d’assurance possède ses propres formulaires. Certains exigent beaucoup plus de renseignements que d’autres, ce qui peut nécessiter plus de temps. Or, les patients dont la compagnie d’assurance exige de remplir de longs formulaires ne méritent pas de subir une pénalité financière dans le bureau du médecin. Il faut se rappeler qu’en vertu du régime général d’assurance médicaments au Québec, les patients n’ont pas le loisir de refuser une assurance privée offerte par leur employeur, même s’il serait plus avantageux pour eux d’être assurés par la RAMQ. Selon nous, la solution à ce problème réside entre autres dans le recours à un assureur public unique pour les médicaments, qui viendrait uniformiser le processus de remboursement et éliminerait la multiplicité des formulaires, en plus d’éliminer les primes d’assurance inéquitables qu’on leur connaît.
Le cas des infiltrations guidées par échographie
Alors que la science et les pratiques médicales évoluent, les médecins utilisent de plus en plus couramment l’échographie pour augmenter la précision, la sécurité et l’efficacité des infiltrations qu’ils réalisent. L’échographie, dans le cas des infiltrations comme pour d’autres indications, est devenue un outil diagnostique démocratisé et dont l’usage s’est répandu.
La FMOQ a défendu le fait que le temps nécessaire à l’utilisation de l’échographie, lors d’une infiltration en bureau, devrait être rémunéré. La Cour d’appel lui permet maintenant d’obtenir cette rémunération directement du patient, plutôt que de la RAMQ. Le patient, dans cette situation, se retrouve alors devant une nouvelle iniquité : payer de sa poche un soin essentiel d’une meilleure qualité et plus sécuritaire, ou s’en passer.
Ce dossier, tout comme celui des frais pour la complétion de formulaires, démontre une fois de plus l’obsolescence du concept de facturation à l’acte, encore majoritaire comme mode de rémunération médicale. Nous croyons que le fait de fragmenter et de chiffrer ainsi chaque partie du travail médical et d’un épisode de soins est absolument désuet comme façon de faire, et va à l’encontre du meilleur intérêt des patients, des médecins et de l’État payeur de soins.
Pour se sortir de l’augmentation incessante des enveloppes budgétaires médicales et de la complexité croissante du fonctionnement de la RAMQ, il apparaît nécessaire qu’une autre façon de rémunérer les médecins soit mise en place. Nous suggérons que celle-ci soit simplifiée, et qu’elle s’oriente sur le temps réellement passé au travail, comme c’est le cas pour les autres professionnels de la santé. Cette rémunération devrait être négociée en visant une meilleure équité avec les autres travailleurs du réseau de la santé.
Appels à l’action
Le dossier des frais accessoires est une lutte continuelle depuis plus d’une décennie. Nous nous indignons devant les démarches légales de la FMOQ que nous jugeons onéreuses. Si la FMOQ juge essentielle la rémunération de ces actes, celle-ci devrait être négociée directement avec la RAMQ, plutôt que d’être imposée injustement aux patients. Selon nous, aucun patient ne devrait avoir à payer de sa poche pour accéder à un médicament essentiel à sa santé.
MQRP s’engage à poursuivre sa lutte contre les frais accessoires. Nous invitons la population et le MSSS à s’indigner devant cette nouvelle brèche à l’accessibilité aux soins, qui fragilise davantage notre système de santé public. Nous invitons aussi le gouvernement à mettre en vigueur sans plus tarder l’article de loi, adopté depuis longtemps déjà, qui interdit à toute personne d’exiger des frais pour compléter une demande de médicament d’exception. Enfin, nous réitérons la nécessité de se doter d’une assurance médicaments entièrement publique, qui viendrait éliminer la mosaïque de régimes privés inégaux actuellement en place, et dont les impacts se font ressentir jusque dans le bureau du médecin, lorsque vient le temps de choisir le meilleur traitement pour son patient.
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