Pour ce faire, ils doivent cesser d’être des faire-valoir des puissants et de reproduire tel quel leurs communiqués de presse. Un esprit critique et une rigueur dans l’analyse sont de mise. Un article du Devoir titrait : « Les journalistes ne sont pas des haut-parleurs »… Pas si sûr de ça ! Un autre article de La Presse s’intitulait : « Une majorité de journalistes jugent qu’ils se font manipuler par les relationnistes. » Pas seulement par les relationnistes, malheureusement.
Prenons l’exemple de la rengaine qui véhicule qu’il y a peu de riches au Québec et qu’ils paient déjà trop d’impôts. Ne faut donc pas les surtaxer davantage, car cela s’apparenterait à une oppression de nos créateurs de richesse par la majorité. Afin de vous anesthésier, ces derniers se servent de statistiques fiscales trompeuses pour justifier leurs intérêts égoïstes sachant que la population ne saisit pas la différence entre revenus économiques, fiscaux et comptables. C’est là que les journalistes économiques devraient jouer leur rôle de vulgarisateur et d’éducateur, mais ils ne le font pas.
Par exemple, dans un article de Hélène Baril de La Presse du 5 juin 2007, on lit : « Seulement 133 063 Québécois avaient un revenu supérieur à 100 000 $ en 2003, soit à peine 2,3 % de tous les contribuables. » Et, encore dans La Presse : « Faire payer les riches : Bernard Landry n’y croit pas. » Mon ami Bernard voulant « mettre à mort l’animal mythique du faire payer les riches » a mentionné : « Où sont-ils les fameux riches qu’il faut faire payer ? Ceux qui gagnent plus de 100 000 $ sont 54 000 [en 1994]. C’est 1 % des contribuables. »
Prendre le revenu fiscal pour déterminer ceux gagnent plus de 100 000 $ l’an, pour ensuite prétendre que peu de riches paient trop d’impôts est ridicule. Le revenu fiscal est pour plusieurs qu’une infime partie de leur véritable revenu économique. Le revenu fiscal omet plusieurs revenus réels importants, comme la moitié des gains de capitaux, les plus-values réalisées sur les options d’achat d’actions détenues et sur les portefeuilles d’actions, les immeubles, etc. Et, comme on parle de revenus « déclarés » au fisc par le contribuable, les revenus excluent ceux non « déclarés » ou « oubliés », et les milliards détournés dans les paradis fiscaux.
Prenons un exemple probant tiré du Devoir du 8 janvier 2011 : « Steve Jobs [le président d’Apple] s’est beaucoup enrichi, malgré un salaire symbolique de 1 $. » Si on s’en tient aveuglément aux statistiques fiscales, Steve Jobs fait partie des pauvres, son revenu fiscal annuel n’étant que 1 $. Il évite ainsi de payer des impôts, comme des milliers d’autres nantis, ceux qui gagnent plus de 100 000 $ l’an, même s’il s’est enrichi de plusieurs milliards de dollars en 2011 grâce à ses revenus économiques exonérés d’impôts sur tous ses capitaux. En somme, son revenu fiscal en 2010 aura été seulement de 1 $ mais son revenu réel de plusieurs milliards de dollars.
Pour savoir combien de Québécois gagnent 100 000 $ et plus l’an et quel est leur taux d’impôt exact, donnez-nous, comme en Europe, leur revenu réel et non leur revenu fiscal. « Pas assez de riches à taxer », titrait Les Affaires du 12 février 2011. Là, c’est l’universitaire Luc Godbout qui affirme qu’il y a seulement 70 500 contribuables qui gagnent plus de 150 000 $. Celui qui se prétend économiste et fiscaliste confond volontairement revenu fiscal et revenu économique.
Cet article est tiré du site web du journal Métro