Publié le 30 septembre 2018
« La société est de plus en plus violente ». En réponse à ce constat, et dans le prolongement de l’état d’urgence, des députés de la majorité présidentielle française proposent en cette rentrée et en première lecture d’armer les policiers municipaux. Les maires seraient alors responsables de la « sécurité » de leur territoire en lieu et place de l’État. Que signifie cet effet d’annonce, alors que ces agents de sécurité portent déjà sur eux, pour leur grande majorité, des armes à feu et autres taser ?
Le paysage n’est effectivement pas nouveau : le nombre des policiers municipaux augmente – 11% en quatre ans – tout comme celui des armes en circulation. Plus frais : la légitime défense est invoquée, au même titre que la police nationale. Pourtant les attributions des agents locaux ne sont pas les mêmes. Auraient-elles changé ou seraient-elles en voie de changer ? Certainement.
D’une part, on assiste à la banalisation de l’armement, présenté comme seul moyen, comme au sein de l’armée, de faire face à l’ennemi : les agents de sécurité locale seraient en danger permanent, des cibles directes de potentiels terroristes, ce qui justifierait leur armement, leur outillage pour tuer, plutôt que le développement de leur esprit de concertation ou de médiation.
D’autre part, la décentralisation de la militarisation continue. En effet, dans les 78 mesures préconisées dans le rapport remis par les deux députés (parmi lesquels un ancien haut responsable du Raid), on parle d’État « coproducteur de sécurité ». D’un côté l’État se décharge auprès des collectivités territoriales de la gestion des « problèmes sécuritaires » qu’il monte en épingle. De l’autre côté, il organise la privatisation d’un secteur fort rentable : formation de personnels, sous-traitance des missions à des entreprises privées. La tendance est donc à marcher dans les pas des États-Unis mais aussi de l’Afrique du Sud ou de la Turquie, pays dans lesquels les violences se perpétuent, voire augmentent. L’opération est plus économique que sécuritaire. Plus financièrement profitable que philanthrope. Il est question de vendre davantage de caméras, lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation, drones, gilets pare-balle, pistolets, flash ball, Shockers ou matraques électriques…, de recruter des mercenaires, de faire fructifier un secteur qui échappe de par sa nature aux lois et à la vie démocratique, d’en tirer des bénéfices financiers directs et particuliers.
Aujourd’hui, avec cette proposition de loi, on peut se demander à quels individus va désormais profiter l’industrie de la peur et de la mort et en quoi cette démarche économiciste/néolibérale va notamment asseoir la surenchère des actes racistes et sexistes de certains policiers municipaux et légitimer leur affichage désinhibé d’une idéologie fascisante (exemples en masse à Marseille, dans le Var et ailleurs).
Joelle Palmieri, 27 septembre 2018
Un message, un commentaire ?