Par exemple, le discours que le premier ministre Couillard a prononcé lors du 33e congrès du PLQ à la fin novembre, dont est extrait ce passage :
« Grâce à votre appui, la spirale des déficits, c’est terminé. La cote de crédit en danger, c’est terminé. Au Québec, on a fini de payer l’épicerie en empruntant à nos enfants. On ne dépense pas plus que ce qu’on gagne. Et on dépense l’argent qu’on a tout simplement. Cette rigueur que nous avons eue, cette rigueur qui nous a été reprochée, tous admettent maintenant qu’elle a été payante pour le Québec et pour les Québécois. Nous nous sommes battus avec détermination contre les forces du statu quo qui nous menaient à la catastrophe. Et nous avons gagné. »
Cette affirmation du premier ministre Couillard semble si véridique qu’elle a assurément renforcé chez ceux qui l’ont entendue la croyance que le gouvernement n’avait d’autre choix.
Au point où quatre mois plus tard, le budget Leitao aurait dû témoigner de la véracité de cette affirmation.
Pourtant, ce que montre le Plan économique 2018-2019, c’est plutôt que toutes les cotes de crédit du Québec ont été stables depuis plus de dix ans, et qu’une seule agence de notation, Standard & Poor’s (S&P), a révisé à la hausse la cote de crédit du Québec en juin 2017, la faisant passer de « A+ » à « AA− ».
Alors, la cote de crédit en danger ? Les forces du statu quo qui menaient à la catastrophe ? Et nous avons gagné ?...
« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ! » (Le Cid, Corneille)
Une dame nous écrit : « J’ai été surprise d’entendre le gouvernement se lancer vers un plan de privatisation des soins alors que, dans les CLSC, le mandat était, et est encore, de se débarrasser de toute main-d’œuvre indépendante (aussi connue sous le nom : « agences privées »). Comment peut-on expliquer cette contradiction ? »
Tout d’abord, les CLSC, comme entités légales, n’existent plus depuis les fusions de 2004. Ils avaient alors été fusionnés avec des CHSLD et des hôpitaux pour former des Centres de Santé et Services sociaux (CSSS).
Dès lors, sur le site du Ministère, il fut indiqué que le seul établissement qui portait encore le mandat CLSC était la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles.
Avec les fusions du ministre Barrette qui ont fondu ensemble tous les CSSS d’une même région avec d’autres types d’établissements à mandats très différents (centre de réadaptation, centres jeunesse, etc.) dans de nouvelles entités légales, les CISSS-CIUSSS, que croyez-vous qu’il reste des mandats CLSC, ne serait-ce que tout ce qui touchait la prévention et qui, souvent, passait par l’organisation communautaire, c’est-à-dire une action directe sur les conditions de vie qui sont à la base des conditions de santé ?
On se débarrasse de la main-d’œuvre des CLSC, qu’elle soit indépendante ou non, pour la transférer dans les GMF et les supercliniques, qui héritent depuis deux ans de personnels choisis (infirmières, travailleuses sociales, etc.), mais personne en organisation communautaire qui pourrait par exemple intervenir socialement sur la question du revenu et lutter contre la pauvreté. Pourtant, le revenu est le premier déterminant de la santé, selon l’Organisation mondiale de la santé.
Certaines mauvaises langues pourraient dire que si les GMF et les supercliniques, qui sont la propriété des médecins, des spécialistes et de leurs actionnaires, se mettaient à se préoccuper du revenu, ce serait assurément de leurs propres revenus à travers les ententes médicales (FMOQ et FMSQ), ou alors à travers les argents consentis par le ministre pour soutenir les cliniques privées (ententes de services, pour du matériel informatique, du personnel, etc.), sans compter les frais accessoires actuels et à venir, le tout contribuant aux profits des propriétaires et actionnaires.
C’est ainsi qu’on privatise la première ligne de santé, et qu’on ouvre au marché le réseau public des soins de santé et des services sociaux.
Le Journal de Québec nous apprenait en début mars que le gouvernement a versé 111 millions $ en « primes réunion » aux médecins depuis trois ans. « Chaque spécialiste présent a droit à 200 $ de l’heure. Il doit être présent durant un minimum de 60 minutes sinon il n’est pas payé. Si la réunion dure plus longtemps, il a droit à 50 $ par 15 minutes supplémentaires. »
Une lectrice demande : « De quoi discutent-ils pendant ces réunions ? »
Peut-être de la façon de les prolonger d’au moins 15 minutes (blague).
Trêve de plaisanterie : le problème n’est pas de savoir si les réunions sont pertinentes, mais plutôt quelle est la pertinence de continuer à payer les médecins à l’acte plutôt qu’à salaire, ce qui cause toutes ces primes à ci et à ça, pour transformer en "actes rémunérés" chaque geste ou acte pouvant être nécessaire et possiblement posé.
À tel point que ce mode de rémunération peut engendrer des exagérations à tous les niveaux parce qu’on ne peut vérifier chacun des actes réclamés par chacun des médecins. Au total, par année, le nombre de réclamations des médecins à la RAMQ se chiffre à 55 millions ! À cette quantité, impossible de tout vérifier : leurs existences réelles, leurs pertinences, etc. Plus de 200 agences privées travaillent pour le compte des médecins à faire ces réclamations, en les "optimisant", c’est-à-dire en trouvant la façon de réclamer le maximum à chaque fois (surtout quand il y a peu de possibilités de vérifications).
Ce mode de rémunération est un enjeu de santé tant de par les budgets qui y sont reliés que de par le mode de soins et services qui en découle, et le type de politique qui y est relié (santé et prévention, ou médical et curatif).
C’est pourquoi l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec (AREQCSQ) a proposé une pétition à ce sujet qu’on retrouve sur le site de l’Assemblée nationale.
Et c’est aussi pourquoi la Coalition solidarité santé organise une assemblée publique sur cette question le mardi 24 avril au Centre Saint-Pierre à Montréal. Les panélistes seront Dr Hugo Viens, président de l’Association médicale du Québec, Dre Isabelle Leblanc, présidente de Médecins québécois pour le régime public, Guillaume Hébert de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques, et Mylaine Breton, professeure à l’Université de Sherbrooke, qui a collaboré au rapport sur la rémunération des médecins commandé par le Commissaire à la santé et au bien-être et déposé en début mars.
Nous invitons largement la population à venir s’informer et discuter avec les panélistes.
C’est une question de santé et de démocratie.
Jacques Benoit
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