C’est un plaisir de retrouver des gens avec qui j’ai milité dans différents organismes, et particulièrement aux IPSO que j’ai présidés quelques années. C’est toujours un plaisir de retrouver les gens des IPSO pour de bons débats. J’ai toujours dit que les IPSO étaient un laboratoire d’idées pour l’indépendance. C’est toujours le cas à travers les années grâce aux gens qui ont continué à animer ce mouvement. Je vais vous donner un point de vue d’action, un point de vue de militant. Je ne ferai pas d’analyses savantes des résultats. Pour moi, d’un point de vue indépendantiste, l’événement marquant de l’élection de 2022 est certainement le progrès du Parti Québécois dans les idées, dans l’action, dans la façon de se présenter à l’électorat. L’extraordinaire campagne de Paul St-Pierre Plamondon a sauvé in extremis le. Parti québécois d’une mort annoncée qui se préparait à travers le refus constant de défendre l’indépendance dans les différentes campagnes électorales. En fait, depuis le référendum de 1995, aucune des élections n’a permis au Parti québécois de mettre de l’avant ses propositions, contrairement à ce qui était le cas au début du parti.
En 1970 et en 1973, l’élection du Parti Québécois signifiait la mise en route d’une démarche pour réaliser l’indépendance. C’était un peu ce que nous avons perdu. Cette fois-ci, nous avons eu un chef du Parti Québécois qui avait une position indépendantiste, assumée, convaincante qui a réussi à sauver in extremis le Parti Québécois d’une mort annoncée. Et on espère que ça va continuer.
Malheureusement., il n’en a pas été de même de Québec solidaire dont le programme indépendantiste est pourtant clair. On a mentionné beaucoup qu’on n’aimait pas certaines positions de Québec solidaire, moi non plus, mais le programme indépendantiste est pourtant clair. Je vais revenir là-dessus. Celui-ci a préféré imiter le Parti Québécois des mauvaises années, faisant une campagne strictement provinciale sur différents sujets, sur une diversité de sujets sans référence aucune à notre dépendance politique à l’égard du Canada dont il faut pourtant se libérer.
La récolte de sièges à l’Assemblée nationale n’a pas été à la hauteur de l’extraordinaire campagne menée par le chef Parti québécois. Mais celui-ci a fait la preuve que faire campagne pour l’indépendance n’est pas suicidaire, mais au contraire, permet de rejoindre la population, d’être payant finalement stratégiquement. On espère que cela signifie le début d’un temps nouveau.
L’appui populaire à l’indépendance se situe toujours entre 35 et 40 %. De plus, le Parti Québécois est arrivé 2e dans 64 circonscriptions, 64, c’est plus de la moitié des sièges à l’Assemblée nationale. Ce qu’il faut pour arriver au gouvernement. Donc en tout 67 comtés où le Parti Québec est arrivé premier ou deuxième. Québec solidaire a fait élire 11 député-e-s et est arrivé 2e dans 16 autres comtés dans 37 comtés, Québec solidaire et premier ou deuxième. .Je crois que plutôt que de taxer Québec solidaire de ne pas être suffisamment indépendantiste, il faut mettre les moyens pour qu’il le devienne davantage.
Le soir de l’élection du 3 octobre, le chef du Parti Québécois a déclaré, nous sommes arrivés au début de ce qui commence. Cette phrase de Gaston Miron met en évidence ce qui doit être la préoccupation de tous les indépendantistes maintenant : la préparation à partir de maintenant de l’élection de 2026, une élection qui doit devenir un événement marquant sur le chemin de l’indépendance.
Il faudra faire en sorte que l’enjeu de 2026 soit de choisir non pas un bon gouvernement de province, comme ce fut le cas cette fois-ci, mais un gouvernement qui a le mandat de faire du Québec un pays. Et ça, c’est en travaillant dans les deux partis politiques. Ce ne sera pas facile, car la tentation sera forte de laisser les débats dans le cadre provincial actuel prendre toute la place. Les parlementaires à Québec et les commentateurs des médias seront préoccupés de solutions pouvant être mises en route rapidement même lorsqu’elles ne règlent rien. Il faudrait éviter que pendant la majeure partie du prochain mandat tout le débat public soit accaparé mentalement dans l’espace public dans l’espace que le Canada voudra bien nous laisser. Cette omniprésence d’Ottawa dans nos affaires entretient une provincialisation des esprits dont il faudra se débarrasser pour réaliser l’indépendance.
Quatre questions dont je vais traiter ici semblent fondamentales pour y arriver. D’abord à l’élection de 2026 qui doit agir comme un élément déclencheur de l’accession à l’indépendance . Deuxièmement, la nécessaire convergence des partis et des mouvements qui doit générer cette confiance qui a été évoquée tantôt, cette confiance nouvelle, cette confiance qui nous manque à notre capacité de réussir.
La grande majorité des Québécois pense que le Québec a le droit de devenir souverain, qu’ il a les moyens de le faire, mais elle n’a plus confiance que l’on va y arriver. Et ça, c’est notre de notre faute. Nous devons recréer cette confiance et c’est par l’union de tous les indépendantistes qu’on va y arriver. Troisièmement, une constitution de pays qu’il faudra proposer à l’élection. Je vais en parler, une constitution qui sera élaborée en deux temps : un premier temps l’élection et ensuite lors d’une assemblée constituante qui permettra de tenir un référendum sur la constitution définitive du Québec indépendant.
Et finalement des projets de pays qui devront être véhiculés au cours des 4 prochaines années. J’utilise ici à dessein plusieurs projets au pluriel, car plusieurs chemins et plus d’un projet de pays mèneront à l’indépendance, convaincront différents secteurs de la population à appuyer l’indépendance malgré la divergence des programmes sur d’autres questions.
J’ai publié en 2020 un ouvrage intitulé Le sens du pays. J’avais commencé la rédaction en 2016 lorsque Jean-François Lisée avait remporté la course à la chefferie en proposant de repousser l’indépendance à un hypothétique 2e mandat. Cela a eu un effet de dispersion des indépendantistes dont on a vu le résultat à l’élection de 2018. il avait déclaré : « l’engagement de tenir un référendum dans un premier mandat est suicidaire pour le Parti Québec. Si on s’entête, nous serons le 3e parti au Québec en 2018, on se sera marginalisé. Ce sera très dur pour la suite ». Comme vous savez, ce qui est arrivé est bien pire. En écartant l’indépendance, le Parti Québécois allait être menacé de disparition lors de la dernière élection. Et dans cet ouvrage je me suis demandé qu’est-ce qui faisait que des chefs d’un parti indépendantiste évitaient d’en proposer la réalisation au cours des campagnes électorales et même nous enfonçaient dans un rôle qui ne peut pas être le nôtre, celui d’un parti provincial dont l’horizon se limitait à défendre le Québec dans le régime canadien.
La descente a commencé en 1976, l’année où j’ai été élu pour la première fois à l’Assemblée nationale. Malgré le programme du parti voté en 1974 qui faisait de l’élection l’élément déclencheur d’une démarche de l’indépendance, la direction du parti a proposé une chose à la fois : un bon gouvernement à l’élection et le choix d’un pays plus tard au moment du référendum, ce qui est toujours la position officielle du parti. À mon avis, c’est une erreur.
Ce changement a d’ailleurs été dramatique. Depuis 1976, seules les deux années préparatoires aux deux référendums ont servi à faire véritablement campagne sur l’indépendance. Deux années sur 46, ce n’est pas beaucoup. C’est trop peu. Les interventions à l’Assemblée nationale et/ou sur la place publique sont devenues presque uniquement à classer dans le cadre provincial contribuant ainsi à nous enfoncer dans ce que j’ai appelé la provincialisation des esprits. Ce provincialisme a marqué profondément toutes les stratégies du parti. Pour éviter une campagne souverainiste qu’il jugeait suicidaire à chaque élection sauf celle de 94 sous Jacques Parizeau, tous les dirigeants ont préféré rapporter à plus tard le débat sur l’indépendance. Cela doit changer.
Nous sommes-nous vraiment sortis de ce cercle vicieux ? Sans doute, en partie, grâce à la campagne vigoureuse Paul St Pierrel Plamondon. Est-ce que cela va durer ? Jacques Parizeau nous a montré ce qu’il fallait faire à l’élection de 2026. En 94, l’appui à la souveraineté était à moins de 40% dans les sondages comme maintenant. Il a pris le risque de perdre une élection pour se donner la chance de gagner l’indépendance. Il a parlé d’indépendance sur toutes les questions, sur toutes les tribunes avant pendant et après l’élection en promettant une décision dans l’année suivant l’élection, on a atteint 50%.
Pour nous remettre en marche, pour parler d’indépendance, surtout être écouté largement par les médias et la population , il faut que l’élection prochaine soit un moment déclencheur d’une démarche vers l’indépendance. On peut remettre l’indépendance au cœur du débat public en l’excluant des débats électoraux.
Je parlerai maintenant de l’alliance des partis indépendantistes. Certains espèrent qu’il y aura un jour une fusion du PQ et de QS. Mais, cela ne se fera pas. Les programmes de ces partis sont en effet trop différents et leurs compétitions électorales les éloignent de plus en plus. Cela n’arrivera pas. J’en suis convaincu. D’autres croient au contraire impossible toute forme d’alliance indépendantiste. Je ne le crois pas non plus. Ce serait se résigner à ne pas pouvoir faire du Québec un pays. Car chacun des deux partis a sa propre clientèle : QS beaucoup plus que le Parti québécois chez les jeunes. Le Parti Québécois a une approche maintenant claire et directe pour l’indépendance. Les deux partis doivent se combiner.
Il faut d’abord pour cela prendre nos distances des accusations faciles lancées pour des motifs de gains électoraux à court terme et de dire chez Québec solidaire que le Parti Québécois est ancré dans un nationalisme conservateur et rétrograde. Dès le début du parti, j’y étais, le parti est né au centre gauche, ouvert aux minorités invitées à construire avec nous le futur pays du Québec.
Il est tout aussi faux de dire que le que Québec solidaire n’est pas vraiment indépendantiste depuis surtout qu’il a adopté le programme d’Option nationale pour l’accession à l’indépendance, le programme le plus déterminé des dernières années. J’étais dans la salle, Claudette Carbonneau qui est ici peut en témoigner et Jason Ross Valcourt aussi était là. On était dans la salle comme observateur. Les gens scandaient, c’était un congrès de Québec solidaire, scandaient : « On veut un pays, on veut un pays ». Ils ont adopté très majoritairement le programme d’Option nationale.
Évidemment au cours d’une élection on met de côté les sujets qui peuvent nous nuire. Ça a été longtemps la position du Parti québécois. Malheureusement, Québec solidaire l’a adoptée.
Il faut le plus tôt recréer un camp du OUI comme l’a proposé par l’actuel chef du PQ. C’est la société civile indépendantiste : les OUI Québec, la SSJB, les IPSO , et le mouvement syndical qui doivent en reprendre l’initiative comme cela avait été le cas lors des États généraux sur la souveraineté.
il faut proposer à la prochaine élection de 2026 une constitution de pays comptant une quarantaine d’articles qui a été élaborée principalement principalement par Louis Bernard et André Binette qui existe et qui nous permettrait le lendemain d’une élection de ne pas agir comme un gouvernement provincial comme les autres partis, mais de mettre en route un les programmes de pays pour en arriver en parallèle par la création d’une assemblée constituante à une constitution définitive du Québec indépendant.
Plusieurs chemins peuvent mener à l’indépendance. Des projets de pays possiblement différents seront proposés par les partis politiques pour rejoindre les différentes sensibilités et segments de la population qui supportent ces partis. II faut y travailler dès maintenant. Il faut que pendant les quatre prochaines années, toutes les questions soient débattues à l’optique de l’indépendance du Québec, des moyens qu’il nous manque, des budgets qu’il nous manque, des relations internationales qu’il nous manque de sorte que cette campagne pour une constitution du Québec devienne l’enjeu central de la prochaine élection en 2026.
Les tentatives d’alliance d’avant 2018 de la part du OUI Québec ont été entreprises trop tard pour avoir une chance de réussir. Il est temps de reprendre les efforts de convergence dans les mouvements et les partis politiques indépendantistes en vue de l’élection de 2026. Les mouvements indépendantistes de la société civile doivent en faire leur première préoccupation . Il faut remettre l’indépendance nationale du Québec au centre du débat public pour que l’élection de 2026 soit déterminante de notre émancipation nationale.
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