Projet Transcanada et eau potable...
Ignorance ou pure incompétence ?
En payant nos taxes municipales, nous contribuons à la rémunération de personnes qui ont pour fonction clef de protéger nos sources d’approvisionnement en eau potable et d’assurer le traitement des eaux usées de manière responsable. Le contribuable s’attend à un recyclage maximal des produits dangereux pour éviter la contamination des eaux de ruissellement et des nappes phréatiques.
Les règlements applicables aux municipalités sur la protection des cours d’eau sont nombreux, notamment le contrôle des activités nautiques et des effluents industriels. Bref, on semble souvent oublier que le souci de l’eau et la protection des sources d’eau sont au cœur de la fonction publique municipale.
Un BAPE sur l’eau, sans représentants municipaux ?
Jeudi 10 mars à Laval, les présentations au Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur le projet Énergie Est de TransCanada portaient sur la protection et l’innocuité de l’eau. Entre autre il était question de la principale source d’eau pour des millions de citoyens du Grand Montréal, la plus peuplée du Québec, le fleuve Saint-Laurent. Séance unique de consultation où il a été question de la terrible menace à l’approvisionnement sécuritaire en eau potable que représente le projet Énergie Est : s’il y avait bris de conduite de pétrole près des prises d’eau, ce serait quelque 250 piscines à l’heure de pétrole brut dilué des sables bitumineux qui se déverserait.
Naïvement, je m’attendais à voir de nombreux représentants municipaux de la sécurité civile, des pompiers, des responsables des usines de traitement des eaux et très certainement des maires et conseillers municipaux. Lors de cette séance TransCanada, les commissaires du BAPE, des spécialistes de ministères et une poignée de citoyens inquiets ont discuté de cette catastrophe possible.
Sachant qu’en quelques heures un panache de pétrole toxique pourrait se produire et menacer la vingtaine de prises d’eau approvisionnant la quasi-totalité des municipalités du Grand Montréal : Doit-on doit interrompre l’alimentation en eau pour une période indéterminée ? Parlons-nous d’une d’une durée en heures, en jours, en semaines sans eau ? Qui organise l’approvisionnement en eau potable ? Comment ? Que font les pompiers ? Personne ne semble savoir ! Ni les gestionnaires de notre approvisionnement, ni les spécialistes du gouvernement, ni le promoteur TransCanada d’ailleurs !
Exiger de coûteuses mesures préventives
Lors des échanges se déroulant simultanément à Lévis, La Pocatière et Laval, nous avons eu droit à un combat d’experts sur le temps à prévoir pour la contamination des rivières alimentant le fleuve Saint-Laurent. Peu importe en combien de temps, 10 heures selon TransCanada, 4 heures selon la firme conseil de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), le pétrole lourd qui se déposerait dans la Rivière des Outaouais et le Lac des Deux-Montagnes comporterait des grands risques de contaminer les prises d’eau.
Aucune usine de traitement du Grand Montréal, ni du Québec, n’est équipée pour détecter, éviter ou traiter adéquatement une contamination majeure de pétrole. Tout dépend pour l’instant des promoteurs Transcanada et aussi Enbridge, de leur sens civique et de leur diligence en ce qui concerne la détection d’un bris et la mise en œuvre de mesures d’urgence.
Indispensables mises à niveau municipales
Avant de creuser sous une rivière pour passer un pipeline à très grand débit, les autorités municipales devraient exiger un minimum aux frais du promoteur. Des réservoirs d’eau brute aérée, conçus pour stocker un approvisionnement d’eau potable pour un mois, constitueraient une protection raisonnable, offrant un temps minimal pour décontaminer une usine de traitement.
Nos représentants municipaux devraient aussi exiger la mise à niveau des usines d’épuration en ajoutant une étape d’injection de charbon activé, préalable aux procédés de décantation. Il serait absolument nécessaire d’effectuer une mise à niveau importante des procédés de décantation comprenant des tuyères sophistiquées permettant d’optimiser le temps de contact entre le charbon et d’éventuels contaminants pétroliers. L’usine de traitement de Granby pourrait servir de modèle car elle est équipée pour faire face à d’importantes contaminations récurrentes en lisier de porc. Ces mesures n’assureraient pas l’innocuité de l’eau mais réduiraient la gravité des conséquences d’une détection tardive.
Nos responsables municipaux auraient dû être présents en nombre pour exiger de TransCanada les millions de dollars d’investissement nécessaire selon la capacité de chaque usine de traitement menacée. Ces investissements constitueraient le minimum de sécurité avant même de creuser une conduite. De plus, le personnel des usines doit être formé pour intégrer un processus régulier de détection des hydrocarbures aux mécanismes de contrôles actuels et au nettoyage des hydrocarbures dans toutes les barrières de traitement, advenant l’infiltration d’hydrocarbures dans les systèmes à cause d’une fermeture tardive de la prise d’eau. Tout comme le creusage de tunnels qui isoleraient l’eau du pétrole dans les traverses de rivières, il s’agit de précautions de base nécessaires au maintien d’un approvisionnement sécuritaire en eau en cas de catastrophe.
Négligence
L’inversion de la ligne 9B de Enbridge ne comporte pas de telles mesures. Cet oléoduc transporte des millions de litres de pétrole bitumineux dans une vieille canalisation qui n’a été soumise à aucune de ces précautions élémentaires. Le projet a reçu l’aval de la Communauté Métropolitaine de Montréal. Comment une telle chose peut-elle être possible ? Comment se peut-il que des gens payés pour protéger nos sources d’eau permettent ce genre de risque sans aucune exigence préalable ? La principale source d’eau du Québec est présentement menacée sans les mesures de protection élémentaires.
Les représentants municipaux font preuve d’ignorance et d’incompétence et risquent de mettre en danger la vie des citoyens. Je ne m’explique toujours pas leur absence aux audiences du BAPE cette semaine à Laval.
Normand Beaudet
Blainville