Victoire : un gouvernement conservateur majoritaire
Harper a gagné son pari. Il est maintenant à la tête d’un gouvernement majoritaire avec 167 députés sur 308. Cette élection lui a permis d’augmenter de 24 sa députation. Il a joué la carte de la stabilité. Mais il n’a pu compter sur le Québec pour réaliser son gouvernement majoritaire. Au contraire, au Québec, il a perdu la moitié de ses sièges... Mais il a connu une percée importante en Ontario.
On peut compter sur Harper pour qu’il continue d’appliquer ses politiques néolibérales. Déjà, il a annoncé qu’il présenterait dans les prochaines semaines le budget qui avait été rejeté par la Chambre. Les coups fourrés contre la majorité populaire devraient se succéder. La restriction des libertés démocratiques sera à son programme. La résistance des mouvements sociaux devra s’organiser à l’échelle pancanadienne et particulièrement au Québec. Sa base électorale au Québec (5 députés) est mineure. La légitimité d’une politique de gauche y trouvera un terrain fertile.
L’opposition officielle aux mains du NPD
Avec l’élection de 102 députés de son parti, le NPD est devenu, pour la première fois de son existence, l’opposition officielle à Ottawa. Il a su mobiliser derrière lui 30,6% des voies. Non seulement il a presque triplé sa députation passant de 36 sièges à 102, mais il a su construire au Québec, une base substantielle en faisant élire 59 députés. La rapidité de la progression néo-démocrate a été telle qu’on ne doit pas parler d’une percée importante, mais d’un véritable tsunami qui a emporté les principaux dirigeants bloquistes les uns après les autres. Il a su compter sur une partie importante de la jeunesse qui a formé une partie majeure de sa base militante. La vague sociale-démocrate a balayé la région de Québec où les candidat-e-s du Parti conservateur ont été défaits.
Cette avancée va complètement changer la dynamique de la scène politique fédérale, et tout particulièrement à la Chambre des communes. La polarisation droite-gauche va se manifester dans toute sa netteté, jour après jour. L’intransigeance du gouvernement conservateur va agir comme un accélérateur de cette polarisation. Cette dynamique pourra agir comme un facteur de politisation de la population sur la nature des enjeux, particulièrement si les mouvements sociaux font entendre leurs voies tant par l’intermédiaire de l’opposition sociale-démocrate que directement dans la rue pour ralentir et éventuellement bloquer les projets des conservateurs.
La dynamique interne au NPD va également être radicalement transformée. Comme opposition officielle, le NPD sera placé au centre de la politique canadienne. Une série de débats stratégiques va le traverser : sur les orientations à opposer au gouvernement conservateur, sur les rapports avec le Parti libéral du Canada, sur la place du Québec dans la confédération canadienne. Avec plus de la moitié de sa députation en provenance du Québec, il ne pourra se contenter d’un discours économiste qui fait abstraction de l’ensemble des questions liées à l’oppression nationale du Québec au sein du pays. Avec le nationalisme canadien qui suinte de ce parti, et la présence de souverainistes dans sa députation, d’autres vagues pourraient secouer ce parti.
Le PLC devient un tiers parti.
Avec 11 députés et 18,9 % des voies, on peut parler d’un véritable effondrement du Parti libéral du Canada. Pour couronner le tout, Ignatieff a été défait dans son comté. Au Québec, trois députés ont échappé au verdict populaire. Au Québec, le PLC est resté marqué par son passé de parti fédéraliste intransigeant et corrompu. D’autant plus que cette marque avait été comme ravivée avec le discrédit du Parti libéral du Québec perçu par une majorité de la population comme un parti corrompu. Même s’il a voulu jouer la carte de parti ouvert aux intérêts de la population, le PLC s’est retrouvé au cœur d’une série de tendances contradictoires qui l’ont laminé. La montée du NPD reflétait le rejet des politiques conservatrices par des secteurs importants de la population dont il ne s’est pas fortement démarqué en soutenant la politique militariste du gouvernement Harper, en se tenant à des formules vagues sur l’environnement et en se montrant intransigeant sur le rejet de toute ouverture de la question constitutionnelle. Au Canada anglais, c’est aussi le NPD qui a canalisé la volonté de résistance aux politiques conservatrices.
L’avenir de ce parti est en jeu. Comment le reconstruire ? Quels rapports établir avec le NPD ? La fusion est-elle une voie possible ? Ou les nostalgiques de la vieille tradition libérale peuvent-ils s’imposer dans les années qui viennent ? La construction d’un parti du centre droit est-il vraiment une perspective à l’heure où la polarisation de classe risque de s’exacerber ? Il devra donc se payer la résolution d’une double crise : une crise d’orientation à laquelle s’ajoutera une crise de direction.
L’effondrement du Bloc
En passant de 47 à 4 sièges, le Bloc québécois a connu un effondrement qui risque de lui être fatal. Il n’aura même pas le statut de parti politique reconnu à la Chambre des communes. Gilles Duceppe a été défait dans son propre comté. Mais c’est également la quasi-totalité des figures de proue de ce parti qui ont mordu la poussière.
Le Bloc s’est présenté comme le meilleur défenseur du Québec à Ottawa. Duceppe a même défini le Bloc comme un parti réunissant la gauche et la droite, reflétant ainsi les consensus présents au Québec. Mais le meilleur défenseur pouvait toujours présenter avec conviction les doléances de secteurs de la population québécoise. Il n’en reste pas moins, que les politiques conservatrices continuaient de s’appliquer. Et, ce qui est particulièrement important, c’est que le vote pour le Bloc n’offrait pas la possibilité théorique d’en finir avec le gouvernement conservateur. Il ne constituait donc pas une réponse à la volonté de changement qui traversait la population. Et c’est bien ce que le vote d’hier a reflété.
Demain : redéfinir la donne à gauche au Québec également !
Le mandat donné au NPD par la population n’est pas un ralliement au fédéralisme. Certains voudront nous le faire croire. Mais les souverainistes, moins que les autres, ne doivent pas colporter de telles fadaises. Mais, cette redéfinition de la scène fédérale, la victoire d’un gouvernement conservateur majoritaire et anti-québécois va poser le problème de la redéfinition des alliances au niveau politique comme au niveau des mouvements sociaux pour lutter efficacement contre le gouvernement Harper.
Le vote souverainiste a été divisé dans ces élections fédérales. La volonté de sauver la mise du Bloc par la tentative d’identifier le vote pour le Bloc au seul vote possible pour des souverainistes n’a nullement entravé sa dégringolade. C’est le signe qu’on ne pourra plus au Québec présenter la souveraineté comme étant au-delà de la polarisation gauche – droite. Déjà, sur la scène québécoise, la naissance de Québec solidaire posait cette nécessité de lier le projet de société égalitaire, féministe et écologique, le projet d’indépendance nationale et le projet d’accession démocratique à cette dernière comme les trois dimensions d’une redéfinition de notre lutte d’émancipation nationale. C’est cette orientation qui doit nous inspirer pour redéfinir la lutte pour une transformation sociale véritable et pour notre indépendance nationale.