La droite au pouvoir, menée par Pedro Passos Coelho et Paulo Portas (PSD et CDS), arrive en tête mais perd la majorité absolue et 700 000 voix environ par rapport aux précédentes élections. Avec 38% des voix exprimées soit 104 sièges sur 230 possibles – contre 50% et 129 sièges en 2011 –, elle se retrouve en minorité au Parlement. Pour constituer un gouvernement viable, elle n’a d’autre choix que de faire alliance avec le Parti socialiste (PS). Celui-ci arrive deuxième, avec 32% soit 85 sièges, un peu plus qu’en 2011 (28% et 73 sièges).
Percée historique du Bloc de gauche
Le Bloc de gauche de Catarina Martins, équivalent du Front de gauche français, fait une percée historique, multipliant par deux son score et ses députés : 10% soit 19 sièges. Avec la Coalition démocratique unitaire (CDU), réunissant le Parti communiste portugais et les Verts – 8% et 17 sièges –, la gauche, prise dans son ensemble, est majoritaire. Le Bloc de gauche et la CDU ont d’ores et déjà proposé aux socialistes de s’allier. Le PS de António Costa espérait gagner ces élections et obtenir la majorité absolue. Il subit un revers cuisant mais demeure au centre du jeu politique : de son positionnement au centre-droit ou véritablement à gauche dépend en grande partie le futur gouvernement du pays.
Mais le premier parti du pays est celui des abstentionnistes, avec plus de quatre millions de personnes (43% des électeurs) ayant refusé de voter pour les partis en présence. C’est le taux le plus élevé depuis la Révolution des œillets en 1974.
Ce scrutin, dont les enjeux concernent autant les Portugais que l’ensemble des Européens, soulève davantage de questions qu’il n’apporte de réponses. Comment expliquer que les Portugais aient encore voté massivement pour des partis et des personnes qui saignent à blanc le pays depuis quatre ans au nom de l’austérité soi-disant nécessaire et inévitable ? La coalition au pouvoir a mené campagne en mettant en avant ses résultats économiques positifs : la croissance frémirait, la dette se réduirait et « seulement » un jeune sur trois serait au chômage, contre plus de 40% il y a deux ans.
L’ombre de la punition grecque
Un optimisme loin d’être partagé. « En quatre ans, le PIB a reculé quinze ans en arrière, tandis que le flux migratoire est comparable à celui survenu à l’ère de la dictature et de la guerre coloniale. Malgré la véritable saignée que connaît le pays, et qui pose un problème démographique majeur, le taux de chômage réel est de 25% et frappe de façon inquiétante les jeunes », écrit l’économiste Cristina Semblano. La population « a vu, en quatre ans, chuter les revenus moyens réels dans la fonction publique de 22% et ceux du secteur privé de 11%, ses retraités perdre 25% de leurs revenus et la pauvreté et l’exclusion frapper plus de 1/5 de ses membres. »
Malgré tout, les Portugais n’ont pas rejeté massivement les partis traditionnels au pouvoir, au contraire des Grecs avec Syriza ou des Espagnols avec Podemos. La raison de cette apparente résignation collective est à chercher du côté de l’histoire du pays – l’impact de presque un demi-siècle de dictature de Salazar entre autres – mais aussi probablement du côté de la Grèce. Le message est passé à tous ceux qui oseraient remettre en cause la doxa de la troïka : cela ne sert à rien d’élire un gouvernement anti-austérité.
Enfin, quelle valeur comportent des élections pour lesquelles quatre personnes sur dix refusent de se prononcer ? Car malgré la pression culpabilisante exercée sur les électeurs, notamment à gauche pour le « vote utile » en faveur du PS, nombreux sont ceux qui ne veulent plus faire semblant de jouer à la démocratie représentative et ne voient pas d’issue politique à leurs aspirations.