Édition du 17 décembre 2024

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Canada

Élection générale fédérale de 2021 : Le vrai gagnant et le vrai perdant

Les résultats finaux de l’élection générale du 20 septembre 2021 sont maintenant disponibles sur le site d’Élections Canada. Les libéraux ont obtenu 5 556 491 votes (32,6% des suffrages exprimés) et ils sont parvenus à faire élire 159 députéEs. C’est deux de plus que lors de l’élection générale de 2019. Le Parti conservateur d’Erin O’Toole a récolté plus de voix que les libéraux de Justin Trudeau, 5 742 605 votes, soit 33,7%. Au final, il n’a fait élire que 119 députéEs. C’est deux de moins qu’à l’élection de 2019.

Le Bloc québécois a récolté moins de voix que lors de la précédente élection. En 2019, 1 377 234 électrices et électeurs ont voté pour la formation d’Yves François Blanchet, en 2021 c’est 1 301 831 personnes qui ont accordé leur vote à une ou un candidat du Bloc Québécois. Le nombre de députéEs de cette formation politique, qui présente uniquement des candidatEs au Québec, passera de 32 à 33 députéEs. Le NPD a obtenu un plus grand nombre de voix en 2021 (3 036 030) qu’en 2019 (2 845 949). Il a fait élire un député de plus (25 au lieu de 24). Les Verts ont vu leur score électoral littéralement fondre. Les appuis électoraux de cette formation politique entièrement dévouée à la cause environnementale sont passés de 1 160 694 personnes en 2019 à 398 775 en 2021. Son nombre de députéEs est lui aussi en régression, il passe de 3 députéEs à 2. Pour ce qui est du Parti populaire de Maxime Bernier, son pourcentage d’appui s’est fortement accru. Pour la présente élection, il a récolté 5% des voix (844 122 votes). C’est nettement plus que le 1,6% (292 661 votes) obtenu en 2019. Le mode de scrutin uninominal à un tour est implacable pour cette formation politique populiste de droite anti-masque, encore une fois il ne sera pas représenté à la Chambre des communes.

Qui a gagné ?

Question : qui est donc le vrai gagnant du scrutin de 2021 ? Réponse : le parti qui a fait élire le plus grand nombre de députéEs. Il s’agit par conséquent du Parti libéral du Canada dirigé par Justin Trudeau. Même minoritaire à la Chambre des communes, Trudeau restera au pouvoir tant et aussi longtemps qu’il obtiendra la confiance d’une majorité des députéEs qui siègeront à la Chambre des communes. Parions que les éluEs du NPD (ou du Bloc Québécois) ne sont pas prêtEs à se lancer dans une nouvelle campagne électorale coûteuse avant trois ou quatre ans. Parions également que Justin Trudeau peut même décider d’aller de l’avant avec certaines des mesures auxquelles il tient vraiment, même si celles-ci semblent inacceptables pour les formations politiques de l’opposition. Pourquoi me demanderez-vous, tout en se trouvant à la tête d’un gouvernement minoritaire, Justin Trudeau dispose-t-il de cette marge de manœuvre ? Tout simplement à cause des coûts très élevés associés au déclenchement d’une nouvelle élection. La précarité des finances des partis politiques de l’opposition va donc contraindre les stratèges de ces formations politiques à trouver une façon de marquer quelles s’opposent à certaines politiques libérales, sans mettre pour autant en danger la survie du gouvernement.

Qui a perdu ?

Le grand perdant du 20 septembre 2021 est le taux de participation au scrutin. Ce sont moins de 60% des électrices et des électeurs inscritEs qui se sont prévaluEs de leur droit de vote. Il s’agit apparemment du plus faible taux de participation enregistré depuis 154 ans. Mais puisque le gouvernement Trudeau, version 2021, est issu du processus électoral légal, personne ne peut mettre en cause sa légitimité. Ce sont donc les personnes qu’il choisira pour composer son cabinet que la Gouverneure générale en exercice, madame Mary May Simon, aura à assermenter et les ministres du cabinet Trudeau donneront suite au programme électoral libéral.

Le grand gagnant, le grand perdant…

Le grand gagnant de la soirée du 20 septembre est celui qui a fait élire le plus grand nombre de députéEs. Le grand perdant est le taux de participation au scrutin. Moins de 60%. Nous avons assisté, le 20 septembre dernier, à une érosion significative du nombre de participantEs au scrutin général. Nous avons été témoins d’une hausse importante du nombre de celles et ceux qui ne se sentent pas directement interpelléEs par la chose publique. Conséquence : cela va permettre à Justin Trudeau de diriger au cours des prochains mois et des prochaines années comme il l’entend. Il aura certes à faire, à l’occasion, un certain nombre de compromis avec le NPD. Notons également qu’il est en position pour se passer des députéEs du Bloc Québeçois (François Blanchet n’a pas obtenu ce qu’il visait durant la présente élection générale : « la balance du pouvoir »). Tant et aussi longtemps que les forces de l’opposition ne seront pas en mesure de provoquer la chute du gouvernement Trudeau, le premier ministre libéral pourra continuer à gouverner comme s’il était majoritaire.

Conclusion

Il faut commencer à s’interroger sérieusement sur le phénomène de l’apathie politique qui gagne de plus en plus d’adhérentEs. La politique est une chose sérieuse. Très sérieuse même. Si nous ne nous occupons pas de la politique, il est certain que le personnel politique dirigeant va s’intéresser à nous. Ne l’oublions pas, nous sommes à l’ère de la professionnalisation de la politique. Dans un tel cadre, les expertEs n’aiment pas voir la majorité de la population s’intéresser à la chose publique. Renforcer l’apathie des masses, à l’ère de la professionnalisation de la politique, est un impératif catégorique incontournable pour la classe dirigeante. Notre mode de scrutin est porteur de distorsions importantes entre le suffrage exprimé et le nombre de députéEs éluEs. Une question importante se pose : à quand la réforme du mode de scrutin ?

Yvan Perrier

26 septembre 2021

18h

yvan_perrier@hotmail.com

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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