Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Droite-extrême droite : vers un scénario à l’Italienne ?

L’accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy a été jalonnée d’appels du pied vers les électeurs du Front national ; ainsi en 2007 Le Pen fustigeait les propositions de l’UMP comme de pâles copies de ses idées.

Les mesures prises par le gouvernement depuis 2007 sont indéniablement les marques d’un recul réactionnaire et raciste quant à la gestion de l’immigration (cf. les dernières mesures annoncées par Claude Guéant), mais aussi des différents groupes qui composent notre société : stigmatisation des Roms et des modes de vie nomades, diabolisation permanente de l’islam, lois liberticides etc.

Florence Haegel, directrice de recherches à la fondation nationale des sciences politiques, souligne que « les allées et venues de certains électeurs entre la droite et l’extrême droite sont une constante », et que la « porosité » est d’autant plus forte que les discours portés par les deux pôles convergent.

Au-delà des mesures antisociales du gouvernement, c’est l’ensemble du débat politique de ces derniers mois qui a été phagocyté par les multiples expressions du racisme de l’équipe gouvernementale.

La xénophobie de Guéant, les propos à connotation antisémites des Jacob ou Wauquiez à l’encontre de Dominique Strauss-Kahn, l’accueil triomphal réservé par l’UMP au « brillant intellectuel » éric Zemmour et les acclamations de sa remise en cause des lois mémorielles, l’islamophobie permanente de Jean-François Copé…, tout cela contribue à banaliser le propos raciste.

De même, le maintien de Brice Hortefeux à son ministère (jusqu’au remaniement de février dernier), alors que la justice l’avait condamné, était un signe fort quant à l’abandon d’une certaine posture gaulliste longtemps adoptée par la droite traditionnelle.

Vers un éclatement de l’UMP ?

« Droite populaire » et « Droite libre » entraînent les débats au sein de la majorité parlementaire vers une radicalisation continue ; leurs interventions ont pesé sur les questions de bioéthique, la déchéance de nationalité, ou sur les stratégies et consignes de vote vis-à-vis du FN (communiqué de presse de « Droite libre » du 23 mars 2011). Marianne s’aventure d’ailleurs à qualifier cette frange de la droite de « pétainiste », sans doute abusivement…

Par ailleurs, le centre droit (autour de Borloo) annonce la création d’une « confédération centriste indépendante ». Le souverainiste Dupont-Aignan évoque une « Union des républicains » cherchant sans doute à occuper le même créneau que Dominique de Villepin avec « République sociale ».

Cependant, Dupont-Aignan, « garant » de la droite gaulliste, n’hésite pas à s’exprimer sur des sites d’extrême droite et évite soigneusement de condamner les positions de Marine Le Pen, il se contente de marteler qu’il est un « meilleur candidat de second tour ».

Au sein même du gouvernement, rappelons pour mémoire le passé d’extrême droite du ministre de la Défense, Gérard Longuet, sans parler des « perles » d’Hortefeux et Guéant ou des incitations de Frédéric Lefebvre à la délation.

On peut cerner le problème avec les différentes interventions de Jean-François Copé, et notamment son refus du front républicain au soir du premier tour des cantonales, rompant avec une posture historique de la droite traditionnelle.

Cet éclatement possible de l’UMP se traduit dans les affrontements entre le secrétaire de l’UMP et François Fillon qui a choisi d’adopter la posture « républicaine » du refus de l’alliance avec le FN. Ces divergences se manifestent également dans les interviews de députés qui commencent à se positionner en faveur du Premier ministre pour 2012, bien qu’il ne semble pas envisageable, à l’heure actuelle, de proposer une alternative à droite à une nouvelle candidature de Nicolas Sarkozy (bien que les intentions soient versatiles, le Nouvel Observateur du 24 février 2011 indiquaient que 69 % des sympathisants de droite souhaitaient la candidature du président).

Cette évolution de la droite de pouvoir est particulièrement inquiétante car elle ouvre des portes à des scénarios qui jusqu’à présent tenaient de la science-fiction.

De glissements en dérapages, l’UMP a été capable d’imposer un ministère de l’Identité nationale et durcit continuellement les lois qui touchent à l’immigration.

Par ailleurs les membres ou ex-membres du gouvernement multiplient les déclarations de tolérance envers la nouvelle figure du Front national. Marine Le Pen incarnerait ainsi un FN plus présentable. Comment ignorer les propos de l’ancien ministre de l’éducation Luc Ferry déclarant « préférer Marine Le Pen à Olivier Besancenot parce qu’elle au moins est raisonnable » !

Au-delà de l’anecdote, cela permet de considérer Marine Le Pen comme une figure banalisée de la scène politique française, avec qui on peut discuter et donc, a fortiori, s’allier…

Un scénario à l’italienne ?

Après son échec aux élections municipales à Rome en 1993, Gianfranco Fini, secrétaire général du Movimento Sociale Italiano (MSI), a voulu faire sortir son organisation de la marginalité et la faire peser sur la politique menée par la droite italienne y compris par des alliances de gouvernement. Entré au gouvernement en 1994, il achève le tournant de son parti en créant, en janvier 1995, l’Alliance nationale.

L’Alliance nationale se construit sur la ligne du « post-fascisme », une orientation qui revendique le fascisme comme héritage historique mais non comme une ligne politique à faire perdurer.

En l’occurrence, c’est le berlusconisme qui a fait changer l’ex-MSI en un parti de droite dure, concurrencé sur sa droite par la Ligue du Nord.
Le Front national, s’il désire nouer des alliances, veut le faire sur sa propre ligne politique. En cela il suit la logique des populistes danois du Dansk Folkeparti, qui sur cette base ont obtenu 25 sièges au parlement national.

Il renoue ainsi avec la stratégie mégrétiste dont on avait pu voir, lors des élections régionales de 1998, l’étendue des dégâts au sein de la droite française. Sachant que le contexte n’est pas le même, il faut se rappeler que c’est le « cordon sanitaire » ainsi que la mobilisation de terrain qui avaient permis de briser la dynamique frontiste et de contribuer, en grande partie, aux divisions qui menèrent à l’éclatement du FN.

Cependant, pour un certain nombre d’éditorialistes, d’élus de droite et d’intellectuels souverainistes, la « mue » républicaine est acquise… à titre d’exemple, on peut noter les positionnements de députés comme Christian Vanneste ou Jérome Rivière, ou les propos de journalistes, comme élisabeth Levy : « Je crois que l’on devrait traiter le FN comme un parti normal ».

Selon l’hedomadaire d’extrême droite Minute, trois élus UMP du sud de la France auraient rencontré récemment Marine Le Pen, une « initiative » serait en préparation.
Ainsi, si « le pire n’est jamais certain », la situation actuelle laisse présager une recomposition de fond pour les années à venir. La droite bouge, et le FN semble prêt à se donner un nouveau visage, plus « respectable », plus… « crédible ».

Cinq ans paraissent suffisants pour que le scénario d’un ticket gagnant UMP/FN prenne toute l’épaisseur nécessaire.

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