Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

Développement durable : un autre échec libéral - Manon Massé

Depuis deux semaines, l’Assemblée nationale s’affaire à dépoussiérer la stratégie gouvernementale de développement durable dans l’indifférence médiatique la plus totale.

Le ministre de l’Environnement, David Heurtel, pieds et poings liés dans un gouvernement où seuls les ministères à vocations économiques ont voix au chapitre, a tenu des consultations particulières pour mettre à jour le plan de match et respecter la Loi sur le développement durable, adoptée à l’unanimité en 2006.

J’ai bien vu le ministre prendre quelques notes pendant le passage du Fonds d’action québécois pour le développement durable, de Nature Québec et du Réseau québécois des groupes écologistes, mais le Conseil du patronat et la Fédération des chambres de commerce du Québec ont vraiment semblé le captiver.

Aucune révolution n’est à prévoir.

Au-delà des beaux discours de façade, ce sont les gestes qui comptent. Pour juger d’une stratégie de développement durable, il suffit de passer un simple test, celui de la cohérence. Un mot qui sonne creux au parti libéral.

Malgré les lois environnementales et en dépit de la première stratégie de développement durable adoptée en 2010, les projets désastreux se sont multipliés. Chaque jour amène son lot de politiques publiques qui amplifient les écarts sociaux et nous enferment dans la trappe de l’austérité.

La stratégie de développement durable du gouvernement Couillard est déjà un échec.

Défaire d’une main ce que l’on fait de l’autre

La stratégie de développement durable oblige les ministères à de menus efforts : imprimer recto verso, recycler les cartouches d’encre, éviter les bouteilles d’eau en plastique, éteindre les lumières dans les pièces inutilisées.

Sur papier, c’est bien beau, mais quand le gouvernement appuie avec enthousiasme des projets comme la mégacimenterie de Port-Daniel en Gaspésie (construite avec du ciment coréen), la Romaine (pour produire de l’électricité inutile), le développement autoroutier à outrance, le forage à Anticosti et ouvre la porte aux pipelines d’Enbridge et de TransCanada, les feuilles lignées épargnées ne valent plus grand-chose.

Certains de ces projets ruineux pour l’économie et les finances publiques, désastreux sur le plan environnemental et incapables d’attaquer le problème des injustices sociales parce qu’ils ne créent que de l’emploi temporaire ont même reçu du financement public. Pour la cohérence, on repassera. Le gouvernement du Québec est incapable de respecter lui-même les principes du développement durable.

L’austérité ou l’art de s’enlever les moyens d’agir

L’austérité est bien visible quand on sabre en éducation ou en santé et quand les tarifs d’électricité explosent. La pointe cachée de l’iceberg, ce sont toutes ces coupes dans les ministères et organismes qui surveillent les industries, qui veillent au bien public et qui appliquent nos lois.
Cette semaine, nous apprenions que le ministère de la Faune était contraint de passer à nouveau la tronçonneuse dans ces bureaux. Une centaine de postes seraient supprimés. Des biologistes, des techniciens, des agents de protection de la faune, autant de gens de terrain qui connaissent la faune.

Dans certaines régions, la faune représente un enjeu très important, de préservation, de gestion et de protection, mais également d’essor économique. En Abitibi-Témiscamingue seulement, les activités de chasse, pêche et piégeage représentent des retombées de 19,2 millions $. Elles sont de 307,8 millions $ pour tout le Québec.

Le gouvernement se prive d’une part importante de son expertise scientifique qui assure le développement durable. Ce sont des décennies de patient travail sont à risque et des projets de recherche qui sont en jeu. À quoi bon une stratégie de développement durable sans l’expertise qui permet de donner l’heure juste ?

Biodiversité, quelle biodiversité ?

Avec la lutte aux changements climatiques, la protection de la biodiversité est l’un deux grands défis environnementaux auxquels fait face notre planète. À ce chapitre, le Québec fait piètre figure. Le développement des aires protégées avance à pas de tortue.

Pourquoi le gouvernement du Québec agit-il si lentement malgré l’urgence ? Protéger des zones souvent vierges de l’appétit de l’industrie, c’est faire face à de puissants lobbys qui voient le territoire comme une simple ressource naturelle à exploiter le plus rapidement possible.
Face à ces géants, les groupes de citoyen(ne)s, les écologistes et les autochtones proposent des projets d’aires protégées. Un véritable développement durable consisterait à redonner du pouvoir aux communautés pour faire face à des acteurs peu soucieux du développement durable : les entreprises minières, les grandes forestières, Hydro-Québec, etc.

Le social, une dimension oubliée

Dans l’esprit de plusieurs, le développement durable n’est synonyme que d’environnement. Mais aucun développement ne sera durable s’il ne tient pas compte de la justice sociale. Même si le Québec s’est donné une loi pour éliminer la pauvreté, l’incohérence du gouvernement demeure complète : les politiques d’austérité font mal aux plus pauvres. Les hausses de tarifs de toutes sortes s’attaquent au bas de l’échelle. Le ministre Blais restreint l’accès à l’aide sociale et sabre dans les prestations.

Québec solidaire a déjà proposé une clause d’appauvrissement zéro pour protéger les plus démunis. Le gouvernement a fermé la porte à cette idée bien minimale. Même la classe moyenne recule et voit sa qualité de vie se détériorer. Au moment où nous adoptons une nouvelle stratégie de développement durable, il serait paradoxal de mettre la table pour une austérité permanente. C’est une génération complète qui est en passe d’être sacrifiée, alors qu’elle est porteuse du changement social dont le Québec a besoin.

En somme, le Québec a gaspillé une formidable occasion de changer son modèle de développement ; la crise financière des dernières années nous ouvrait grande la porte pour sortir d’une économie du siècle dernier. Sourds aux appels, les gouvernements Charest, Marois et Couillard ont continué successivement à mettre de l’avant des politiques sans vision de développement durable. Les motivations électoralistes l’emportent trop souvent sur le vrai bon sens.

Le Québec mérite mieux.

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