« Je travaille comme garde de sécurité en production alimentaire. Mon travail, c’est de m’assurer que les personnes respectent les règles de distanciation sociale, d’hygiène des mains, etc. du gouvernement. J’ai travaillé tout au long de la crise, parfois plus de 40h par semaine. Je m’expose à de nombreuses personnes et me mets à risque. J’utilise les transports en commun pour aller travailler tous les jours, parce que je n’ai pas le choix. Pendant que les citoyen.ne.s et les résident.e.s permanent.e.s peuvent rester à la maison et recevoir l’aide d’urgence, je dois prendre des risques pour aider à nourrir la population. Nos patrons nous traitent comme des héros, ils nous envoient des messages d’encouragements et de remerciements. Mais le gouvernement nous a exclus du programme de régularisation. » Karim est un demandeur d’asile dont la demande a été refusée. Il cherche à être régularisé.
« Depuis que je suis au Canada, je travaille dans les services essentiels. J’ai toujours fait de l’entretien ménager. Avant, pendant et après la pandémie. Si je ne m’étais pas retrouvée sans papiers, je serais bénéficiaire de cette loi qui va privilégier les travailleurs demandeurs d’asiles oeuvrant dans les services essentiels. Moi je suis ici depuis des années. Je ne suis pas venue par le Chemin Roxham. Je ne suis pas une nouvelle demandeuse d’asile. Mais je pense que je mérite aussi d’avoir la résidence permanente. Mon travail, mon sacrifice n’est pas reconnu parce que je suis sans papiers ou que je ne réponds pas aux critères actuels. Ceux que vous voulez remercier font du bon travail. Moi aussi, j’étais comme eux, mais la COVID n’existait pas. Alors je demande aux gouvernements de ratisser large. Je pense aussi aux milliers de personnes qui sont bannies du système. Pourtant nous vivons et travaillons aussi pendant cette pandémie. Nous réclamons la résidence permanente pour tous et tout.!", affirme Florence.
« Ça fait 8 ans que je suis au Canada avec ma mère. La pression que nous avons eu de quitter notre pays a causé un AVC chez ma mère. Elle est paralysée du côté droit. Moi aussi j’ai travaillé dans une résidence pour personnes âgées, moi aussi j’étais la femme à tout faire pendant 7 ans. Moi aussi j’ai contribué à l’économie du Canada, et j’ai acquis de l’expérience au Québec. Pourquoi nous exclure ? Où sont les valeurs humaines du Canada, dans cette décision de régulariser certaines personnes ? Que deviendront ma mère et des milliers de personnes comme nous ? Nous avons le droit de vivre comme les autres, sans peur, sans injustice et sans discrimination. Nous sommes tous essentiels." – Lili, une réfugiée refusée, actuellement sans papiers.
« Personne ne choisit de quitter son pays par plaisir, de recommencer sa vie de zéro, de ne pas savoir si elle sera acceptée ou non. Personne ne choisit de vivre la vie stressante que nous vivons quotidiennement, Nous trouvons quand même la force de travailler et d’aider nos familles, ici ou dans nos pays. Certains d’entre nous font le travail le plus difficile, souvent refusé par les Canadiens. Nous devons accepter les défis, les mauvais traitements et les injustices, parce que vous n’avez pas pensé à nous. Vous avez décidé que seuls certains d’entre nous méritent la résidence. Mais la liste des travailleurs essentiels est bien plus longue. Nous faisons aujourd’hui face au moment de plus difficile de nos vies. Unissons-nous pour faire face à ce défi. » - Rachel, une mère migrante dont le statut est précaire.
« J’étais agente de sécurité. J’ai travaillé dans des conditions extrêmes, dans le froid, jusqu’à - 40 degrés, pendant des quarts entiers (8 heures). En sortant du travail, je n’ai pas senti mes orteils pendant 6 mois, malgré l’uniforme chaud qui me protégeait de la tête aux pieds. Je n’avais pas le choix, je devais prendre soin de mes enfants et payer mon loyer. J’ai contribué à l’économie de mon pays d’accueil. Je suis très impliquée, bien intégrée à l’expérience québécoise. Je ne peux pas être exclue de ce programme parce que je suis essentielle. » Julie, une mère sans papiers.
www.solidaritesansfrontieres.org
Lettre ouverte de la CPH
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Régulariser les statuts des demandeurs d’asile, un enjeu de dignité
La Concertation pour Haïti (CPH) est un regroupement d’organismes solidaires des luttes du peuple haïtien qui se préoccupe notamment des enjeux liés à la migration. La récente annonce du gouvernement fédéral concernant un possible programme spécial de régularisation du statut d’immigration - visant les demandeurs d’asile œuvrant dans certains secteurs essentiels en contexte de crise sanitaire - nous semble poser les premiers jalons d’une reconnaissance indispensable que nous devons accorder rapidement aux personnes en attente de statut qui sont parmi les plus vulnérables de notre société et que nous avons la responsabilité de protéger.
Il nous semble toutefois important d’affirmer que la régularisation de statut ne doit pas s’accorder au mérite. Il s’agit plutôt de reconnaître, par ce programme, que la précarité de statut restreint l’accès à plusieurs droits importants et maintient les personnes dans la pauvreté. Nous jugeons important de reconnaître les sacrifices faits par les personnes qui se sont mises en danger, entre autres pour soigner nos malades et nos aînés. Nous demandons cependant au gouvernement de M. Justin Trudeau d’élargir la portée de ce programme au plus grand nombre de travailleurs et travailleuses sans statut qui demeurent malheureusement toujours invisibles et oubliées par toutes les mesures mises en place.
La logique utilitariste qui sous-tend trop souvent les programmes migratoires contribue aux violations de droits que subissent quotidiennement des personnes migrantes au Québec et au Canada. Le contexte de pandémie nous fait d’ailleurs prendre conscience encore davantage de l’accès inégal aux droits dans notre société. Ce programme doit donc avoir comme principale visée la reconnaissance des droits, de la protection et de la dignité des personnes.
La CPH insiste sur l’importance pour les gouvernements québécois et canadien de développer des politiques publiques relatives à la régularisation des personnes migrantes à partir d’une approche où priment l’intérêt supérieur des enfants et le droit au regroupement familial. Les trop nombreuses années que doivent passer les personnes en situation irrégulière, sous moratoire d’expulsion ou en attente de décision sur leur statut, contribuent à les fragiliser et à nuire à leur insertion sociale et économique.
Nous croyons aussi que tous les paliers de gouvernement doivent inclure explicitement toutes ces personnes résidant au Canada dans les mesures de réduction de la pauvreté, encore plus en ce temps de crise sanitaire. Il est essentiel d’assurer pour toutes et tous un accès à l’ensemble des services de santé, d’éducation et d’aide juridique et de porter une attention particulière à la question du logement et à l’accès aux garderies subventionnées. Il est aussi urgent de permettre aux demandeurs d’asile de pouvoir bénéficier des programmes spéciaux, comme celui de la formation des préposés aux bénéficiaires.
Nous trouvons indispensable que le programme de régularisation s’applique à l’ensemble des provinces et nous demandons, à cet égard, que le gouvernement du Québec apporte sa pleine collaboration à la réalisation d’une telle initiative. Nous déplorons les résistances qui ont été exprimées par le gouvernement de M. François Legault face à ces revendications au cours des dernières semaines.
Nous constatons de plus que la réforme du Programme d’expérience québécoise (PÉQ) mise de l’avant par le ministre de l’immigration du Québec, M. Simon Jolin-Barrette, va dans un sens contraire. Il nous semble plutôt important de faciliter l’accès au PÉQ et l’élargir à toutes les personnes ayant des expériences au Québec, sans discrimination fondée sur la qualification professionnelle.
Nous sommes collectivement redevables au courage des personnes à statut précaire, dont un nombre important au Québec sont d’origine haïtienne. Elles font émerger dans nos débats publics des questions fondamentales pour lesquelles nous gagnons toutes et tous à chercher des réponses empreintes de justice.
Pour la Concertation pour Haïti
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