Car il faut bien évidemment relier l’arrestation et la détention de Yalda Machouf-Khadir, ainsi que la perquisition qui s’en est suivie dans la résidence de son père, le député de Québec solidaire, Amir Khadir à une stratégie destinée à intimider ses opposants puis à dresser un écran de fumée sur les politiques d’un gouvernement aux abois. Un gouvernement qui rappelons-le se trouve non seulement secoué par de multiples scandales de corruptions, mais encore aux prises à une crise étudiante et sociale d’une ampleur inégalée qu’il s’avère incapable de régler autrement que par la répression policière et le recours à une loi liberticide.
Bien sûr le monopole médiatique qui a cours au Québec et ses logiques sensationnalistes tendant à court-circuiter toute réflexion de fond vont peser lourd, rendant difficile à chacun de ne pas céder aux sirènes du discours dominant et revanchard. Nous renvoyant l’image déformée à souhait de la fille d’un député prise la main dans le sac, coupable de ne pas avoir obéi à une loi et payant enfin… pour cela !
De quoi au passage rendre la monnaie de sa pièce à Québec solidaire et Amir Khadir dont les déclarations solennelles sur Martin Luther King et la désobéissance civile après son arrestation mardi dernier, ont été ressenties comme un véritable camouflet par tout ce que le Québec comprend de nantis et de privilégiés.
Mais justement —dans cette bataille de l’opinion publique qui est en train de se jouer— c’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue : l’enjeu de fond, c’est cette lutte que mènent les étudiants et derrière eux de larges secteurs de la population contre les politiques d’un gouvernement usé, déconsidéré et croulant sous les allégations de corruption, et n’ayant d’autres remèdes à proposer que la répression tout azimuth. Nous entrainant tous dans une dérive autoritaire des plus dangereuses dont il faut à tout prix stopper le cours. Et c’est de cela dont aujourd’hui devrait être faite la une des journaux !
P.S. : Alors avant toute chose, ne pas oublier l’élémentaire (après tout on est encore en démocratie !) :
1) qu’il y a des lois scélérates et illégitimes qu’il est non seulement de notre droit, mais de notre devoir de citoyen de contester, d’oser contester, ne serait-ce que parce qu’elles s’attaquent à ce qui est l’essence même de la démocratie : le droit d’association et de manifestation.
2) que jusqu’à preuve du contraire, un détenu est présumé innocent, a fortiori dans une période de crise politique où la répression peut être facilement utilisée pour intimider, déconsidérer les uns et jouer sur les réflexes de peur des autres.
3) qu’enfin en matière de respect de la légalité ou de moralité, le gouvernement n’a guère de leçons à donner, lui qui a pris des années avant d’oser accuser un maffieux avéré comme Tony Acurso.
Pierre Mouterde
Sociologue
Auteur : La gauche en temps de crise, essai, contre-stratégies pour demain, Liber, Montréal, 2011