Objectif
Faire évoluer Québec solidaire (QS) vers une position politique plus tranchée à l’heure où l’Occident semble lui-même évoluer vers une plus grande polarisation et un climat d’angoisse qui pourrait transformer plus ou moins brusquement le panorama politique. Une réflexion sur l’antiracisme au sein de QS peut servir de point de départ à la définition et la consolidation du « nous » dont QS porte les valeurs et les intérêts. Ce nous est distinct de celui du PQ ou de la CAQ. À l’interne, il s’agit d’adopter une attitude active (et non passive face au manque de diversité du parti). À l’externe, il s’agit de nous distancer de deux camps idéologiques qui légitiment et procèdent par l’oppression, soit le libéralisme et le conservatisme.
Contexte
Le débat sur la Charte des valeurs suivant de quelques années celui sur les accommodements raisonnables, les « pipelines de niqab » durant la dernière campagne électorale fédérale, l’islamophobie affichée par plusieurs personnalités québécoises jadis progressistes, les critiques faite au manque de diversité de la gauche québécoise, les scandales liés au traitement des femmes autochtones, la montée du mouvement Idle No More au Canada, le mouvement Black Lives Matters aux États-Unis, la montée du Front national en France ainsi que l’engagement militaire des pays occidentaux en Syrie et en Irak comptent notamment parmi les événements des dernières années qui forcent QS à réajuster ses positions antiracistes et à réaffirmer son internationalisme.
Les attentats de Paris, le 13 novembre 2015, ne font qu’accroître l’urgence d’une lecture progressiste de la situation sociopolitique tant globale que québécoise.
Contre le libéralisme
La posture antiraciste de QS doit se distinguer davantage de l’approche libérale pour que le parti constitue réellement une alternative politique pour les personnes victimes de racisme. Il doit davantage relever la contradiction du libéralisme qui invoque l’égalité des chances mais maintien les politiques racistes, colonialistes et d’exclusion. S’il échoue, nombre de ces personnes risquent d’adhérer aux organisations libérales, y compris parmi celles et ceux qui partagent pourtant les valeurs progressistes de QS. Cette démarcation commence avec le resserrement du lien entre capitalisme et racisme dans les idées, les analyses et le discours du parti. Elle requiert par ailleurs bel et bien la « lutte au racisme » plutôt que la seule recherche de la « diversité » puisque le passage (libéral) de l’un à l’autre se traduit par l’adoption d’une approche individualisée plutôt que systémique.
Contre le conservatisme
La posture antiraciste de QS doit mieux comprendre et répondre autrement que par le simple rejet le sentiment de « communauté perdue » chez la majorité (qui au Québec peut se traduire au nationalisme exacerbé) et chez « la » minorité (qui peut se traduire par un rejet total de la culture québécoise ou occidentale et parfois l’adhésion à une culture d’opposition virulente qui peut être une mouvance religieuse). QS ne doit pas « s’opposer » à la montée conservatrice, il doit la « récupérer » afin de la rediriger vers l’adversaire adéquat.
Déconstruire le racisme
Cette déconstruction du racisme ouvert ou latent des deux postures conservatrice et libérale se traduira peu à peu par la construction d’une posture antiraciste cohérente et liée à notre projet politique « populaire » et par conséquent, qui ne peut exister sans l’unité d’un peuple (actuellement souvent divisé et divisible par le racisme).
La déconstruction du racisme doit faire appel à un renouveau porteur ou à une relecture historique favorisant la déconstruction du racisme systémique. Le métissage existant avec les peuples autochtones ou encore les jeunes générations stimulées par la solidarité internationale peuvent contribuer au dépassement du racisme institutionnalisé. La responsabilité historique de certaines institutions, par exemple l’Église, peut aussi être rappelée au moment de déconstruire le racisme contemporain.
Désigner (le bon) adversaire
À gauche, l’unité d’un peuple doit aller de pair avec la solidarité entre les peuples. Elle devra s’affirmer davantage à travers les prises de positions, notamment pacifistes, de QS suite au Congrès sur l’enjeu 5, mais devra aussi (1) prendre en considération l’impact des aléas politiques mondiaux sur notre quotidien (tant dans la solidarité avec les êtres humains à l’étranger (ex : les réfugié-e-s) que leurs conséquences matérielles et économiques) et (2) pour canaliser la frustration réelle et légitime des peuples vers l’adversaire approprié : le capitalisme transnational. Le désarroi, la frustration et la colère des peuples ne peuvent pas être simplement désamorcés : ils doivent être canalisés. Ils doivent être canalisés vers l’adversaire – un système d’oppression et d’exploitation – ou les peuples s’autodétruiront dans un cycle de haine et de violence nationalistes entre autres. Au quotidien, pour QS, cela signifie la réaffirmation d’un discours de classes ou de castes tel que nous le permet par exemple la lutte contre l’austérité ici et ailleurs. La conscience de classe ne peut plus faire fi de la conscience des autres appartenances : genre, ethnicité, etc.
Que faire ?
D’un point de vue organisationnel, pour revoir la composante antiraciste de sa stratégie politique, QS doit agir de quatre façons :
– Entamer des échanges réguliers avec des militant-e-s antiracistes pour adopter les bons réflexes vis-à-vis de la conjoncture socio-politique.
– Créer un espace de discussion et d’échange à l’intention des membres racisé-e-s de QS.
– Être intraitable sur les questions de racisme dans ses prises de positions publiques, par exemple en révélant la part de xénophobie qui teinte les débats sur des questions a priori autres (ex : la laïcité)
– Rompre avec une approche passive de diversité au sein de l’organisation pour favoriser une approche active inspirée par exemple de l’approche visant à forcer la parité au sein du parti.
Nous aurons l’occasion, probablement en janvier 2016, de vous inviter à partager vos réflexions sur le sujet..
Marie-Josée Forget et Alejandra Zaga