photo et article tirés de NPA 29
Cet homme s’appelle Alexandre Marius Jacob, il était anarchiste et cambrioleur. Il a traversé une vie hors norme, connu misère et fortune, fait la « une » de tous les journaux de son temps, résisté à l’oubli et au bagne : sa vie est encore plus incroyable que celle que l’on peut voir à l’écran ou dans les livres. Voici son histoire.
Fils du peuple, enfant pauvre né en 1879 à Marseille, Alexandre Marius Jacob sillonne le monde en tant que mousse. Révolté par la société, il est envoyé en prison à 17 ans après avoir été dénoncé par un agent infiltré alors qu’il préparait une action.
Empêché de travailler, fiché pour « anarchisme », il décide de devenir « travailleur de la nuit » : un cambrioleur, qui ne volera que les riches. Véritable gentleman cambrioleur, il commet avec sa bande plusieurs centaines de vols, uniquement chez les ennemis du peuple : églises, magistrats, patrons et autres exploiteurs.
Ils ne volent ni les pauvres, ni les métiers considérés comme « utiles ». Ils ne frappent que les « parasites de la société ». Son équipe, « Les Travailleurs de la Nuit » ira jusqu’à revendiquer ses coups d’éclat en laissant des petits mots ironiques et dénonciateurs sur les lieux des larcins.
Un jour, il se rend compte qu’il a cambriolé par erreur l’appartement de l’écrivain Pierre Loti, il remet tout en place et laisse un mot : « Ayant pénétré chez vous par erreur, je ne saurais rien prendre à qui vit de sa plume. Tout travail mérite salaire », et laisse dix francs pour la vitre brisée. Chaque membre du groupe doit reverser 10% de son butin à la cause révolutionnaire.
Par ses exploits, Alexandre Marius Jacob fait énormément parler de lui, et c’est ainsi qu’il inspire le personne d’Arsène Lupin de l’écrivain Maurice Leblanc.
Les anarchistes de la Belle Époque sont à la pointe de l’innovation et de l’ingéniosité : la célèbre « bande à Bonnot » commet les premiers braquages en voiture, Auguste Vaillant est le seul à avoir réussi à faire sauter une bombe à l’Assemblée Nationale, et Alexandre Jacob et ses amis sont des experts reconnus des vols en tous genre.
La règle des « Travailleurs de la nuit » est de ne pas utiliser la violence, mais ils laisseront quelques policiers trop zélés sur le carreau pour éviter d’être arrêtés. Pour eux, rien n’est plus précieux que la Liberté.
Interpellé en 1906, Alexandre Marius Jacob continue à défier les puissants jusqu’au sein du tribunal. Lors de son procès, spectaculaire, il se moque des juges, se défend, fait rire les témoins, désobéit.
Mais il est condamné à la déportation à perpétuité, au bagne de Cayenne. Les conditions sont extrêmement dures, et l’espérance de vie pour un bagnard de quelques années seulement. Il tente de s’évader dix-huit fois et, tient tête à l’administration qui veut le briser. Il est isolé dans ces cellules épouvantables.
Alexandre Marius Jacob sort en 1928, très affaibli, après plus de 20 ans de bagne. Il tente de résister au fascisme pendant la guerre d’Espagne, mais la situation est désespérée. Il part vieillir dans un village de l’Indre, presque oublié, mais entouré d’amis. Il décide de mettre fin à ses jours après la mort de sa femme.
La veille de son départ, il offre un goûter aux enfants pauvres du village, ultime cadeau d’un homme à la générosité sans limite. Avant de s’injecter une dose mortelle de morphine, le 28 août 1954, il pense à laisser deux bouteilles de rosé pour ses amis qui viendront s’occuper de sa dépouille. Et un petit mot : « A votre santé ! ».
Mort à 74 ans, il aura traversé son existence en homme libre et révolté, malgré les enferme-ments et les répressions. Une de ses formules, restée célèbre, est toujours d’actualité : « Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend ! » Puisque Lupin est à la mode, n’oublions pas la vie incroyable d’un héros du peuple.
janvier 20, 2021
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