Le départ de l’étoile montante Catherine Fournier en mars 2019, qui avait relégué le PQ au rang de troisième opposition à peine six mois suivant l’élection générale, avait déjà envoyé un signal percutant particulièrement lorsqu’elle a expliqué les motifs de sa démission : « Le PQ a cessé d’attirer et de se renouveler et l’élection d’un nouveau chef ne changerait pas la donne » affirmait-elle.
Un an plus tard nous voilà devant ce rendez-vous. La récente période électorale a fait mentir toutes les stratégies élaborées par le PQ et particulièrement celle dont Jean-François Lisée s’était fait le champion, se débarrasser des libéraux. En effet on s’est débarrassé des libéraux, mais c’est la CAQ qui a pris le pouvoir en reprenant à son compte la stratégie nationaliste identitaire dont le PQ s’était servi. En ciblant QS dans sa stratégie, Lisée a omis de regarder dans le rétroviseur et a laissé la CAQ prendre les devants. C’était pourtant un scénario prévisible.
Aujourd’hui le PQ est confronté à un défi de taille : définir une orientation stratégique différente dans un cadre programmatique sommes toutes identique. Le PQ ne remet pas en question le contrôle prédominant des pétrolières, ni des institutions financières. Par conséquent il ne peut être porteur d’un mouvement social revendicateur de changement social. Il a appuyé la loi 21 qui ostracise et exclue les populations ethnoculturelles. Sa stratégie souverainiste est définitivement en panne sèche.
Sylvain Gaudreault veut aider la CAQ à faire des gains pour le Québec à Ottawa, dans l’espoir de susciter l’adhésion à la souveraineté. Il reprend la stratégie de Yves-François Blanchet assaisonnée de celle de Lisée en relançant le travail au sein du OUI-Québec, qui cherche à unir les forces indépendantistes.
Paul St-Pierre Plamondon accélère le pas par rapport à ses positions antérieures, voulant probablement faire surenchère par rapport à QS, et propose la prise du pouvoir et un référendum dans le premier mandat.
Frédéric Bastien considère quant à lui comme une erreur répandue parmi certains souverainistes de gauche, de confondre progressisme et nation. Il est important pour lui de ne pas affaiblir le pouvoir du seul gouvernement contrôlé par une majorité francophone sur le continent. Ces combats sont au-dessus des divisions gauche-droite.
« Notre mode de scrutin a régulièrement permis l’élection de gouvernements majoritaires qui étaient, à différents degrés, nationalistes, et qui ont mis en avant des mesures pour renforcer notre identité de même que les pouvoirs du Québec. On n’a qu’à penser à Maurice Duplessis, qui a consolidé nos pouvoirs de taxation, au PQ, qui a fait adopter la loi 101 et tenu deux référendums et, plus récemment, à la CAQ avec la loi 21.
Toutes ces mesures ont été rendues possibles parce qu’un parti nationaliste détenait la majorité en Chambre. Rien ne garantit, c’est le moins qu’on puisse dire, qu’une telle chose sera possible dans une Chambre élue en vertu d’un mode de scrutin proportionnel. Le risque de priver à jamais les indépendantistes, ou même les nationalistes modérés, d’une majorité parlementaire est très réel. » Il conclue ainsi « Le PQ doit se retirer d’une entente sur la réforme du mode de scrutin qui n’est ni dans son intérêt ni dans celui du Québec, dont elle rend l’accession à l’indépendance plus improbable. » La défense de la loi 21 est devenu son cheval de bataille au niveau juridique et il ne croit pas que la question du référendum sur l’indépendance doive se faire lors d’un premier mandat mais veut forcer des négociations constitutionnelles au sein même de la fédération canadienne.
Dans la même sphère d’idées, Guy Nantel songe à se présenter comme chef du PQ. Rappelons que ce dernier avait fait des insinuations insidieuses dans son spectacle de 2017 invoquant la cause d’Alice Paquet. Il avait soulevé le fait qu’elle était une ex-prostituée et avait affirmé : « On n’est pas en train de dire que c’est correct de violer une prostituée, mais quand on parle de consentement sexuel, le bout où ça pourrait être l’emploi de la fille de coucher avec le monsieur a quand même rapport dans l’histoire ». Il est également anti gauche comme l’indique sa déclaration à l’émission Tout le Monde en parle : « Je suis tanné de la gauche radicale haineuse qui fait en sorte que le Québec se tétanise devant quelques centaines de personnes. Aussitôt que quelqu’un se situe à leur droite, il devient le fou d’extrême droite... Si tu trouves qu’un gag est une incitation à la haine, je n’ai pas de problème avec ça. Intente-moi une poursuite et on va en débattre en cour et on verra. »
Dans un tout autre spectre il y a l’avocat Stéphane Handfield qui songe également à se présenter. Il est un ancien commissaire à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Il était l’avocat de Dany Villanueva et représente Carles Puigdemont, ancien président indépendantiste catalan qui devait faire une tournée au Québec et à qui Ottawa a refusé une autorisation de voyage. Par le passé, il a critiqué certains aspects du projet de charte des valeurs du gouvernement péquiste de Pauline Marois. L’an dernier, il a qualifié d’inacceptable la réforme de l’immigration proposée par le gouvernement Legault et a même menacé d’entamer des poursuites au nom des immigrants potentiels qui risquaient d’être laissés en plan.
Cette situation politique éclatée démontre l’étendue de la crise que connaît la formation péquiste coincée entre la droite caquiste et la gauche solidaire dans un espace de plus en plus étroit. Les candidats, il n’y a pas de femmes en liste, doivent « définir une orientation stratégique nouvelle dans un cadre politique somme toute identique » d’où l’impossibilité de rompre avec le cadre néolibéral dans lequel le PQ s’est enfoncé depuis des décennies et d’ainsi redéfinir le mouvement indépendantiste dans le cadre d’une transformation sociale de la société concernée. Pas étonnant que Stéphane Handfield, qui détonait un peu dans ce décor, vienne de renoncer à poser sa candidature.
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