Cette grève a été appuyée par les étudiants et les enseignants chiliens qui sont mobilisés depuis trois mois contre la privatisation de l’éducation [1]
De leur côté, six étudiants qui poursuivaient une grève de la faim depuis plus d’un mois pour protester contre cette privatisation de l’éducation impulsée par le gouvernement du président fort à droite, Sebastián Piñera, ont interrompu leur action en raison de leur mauvais état de santé.
Avec un large cahier de revendications, qui vont d’une réforme de la Constitution à des modifications du Code du Travail, en passant par la baisse des impôts sur les combustibles, ceux qui ont appelé à une grève nationale de 48 heures ont réussi à presque paralyser le pays, avec des bureaux publics et une partie des commerces fermés, des perturbations dans le secteur des transports, des barricades sur certaines avenues des principales villes et des affrontements avec la police.
Les affrontements entre les forces spéciales des carabiniers [l’équivalent de la Gendarmerie mobile ou des CRS en France] et les groupes qui ont soutenu l’arrêt de travail national se sont répétés tout au long de la journée dans le centre de Santiago, dans des localités de la zone métropolitaine et dans les principales villes du pays, telles que Punta Arenas, Valdivia, Talcahuano, Concepción, Valparaíso, Coquimbo et Copiapó.
Des centaines d’étudiants se sont trouvés sur le front des affrontements avec la police à quelques pâtés de maisons du palais présidentiel de La Moneda, aux alentours duquel ont également eu lieu des manifestations de fonctionnaires des ministères de l’Education, des Relations extérieures, des Travaux publics, de l’Agriculture et d’autres services publics encore.
Les manifestations, qui ont interrompu à certains moments la circulation sur la Promenade Bernardo O’Higgins, l’artère principale [de la capitale], ont été « reproduites » par des étudiants dans tout le pays en face de leurs universités.
À Santiago, la police a pris spécialement positions aux alentours des directions administratives des universités, où elle a empêché les tentatives d’interrompre le trafic automobile en aspergeant les manifestations d’eau et de gaz lacrymogènes.
Tôt le matin déjà, il y a eu des affrontements dans des quartiers pauvres de la périphérie de Santiago, après que durant la nuit des milliers de Chiliens étaient descendus dans la rue pour exprimer au son de leurs casseroles leur appui à la grève ouvrière nationale.
Au début de la journée, les manifestants ont bloqué au moyen de pneus enflammés et de poutres des carrefours importants de la capitale, alors que dans des secteurs périphériques ils ont empêché la sortie de bus [de leurs dépôts].
Dans la ville de Concepción (sud) et dans le centre portuaire qu’est Valparaíso, les médias locaux ont fait état d’affrontements entre la police et des manifestants et d’une baisse de l’activité quotidienne, spécialement dans le commerce et les services administratifs.
Le président de la CUT, Arturo Martinez, a assuré que cette grève était le résultat du fait que « nous avions été ignorés et que personne n’avait voulu écouter nos revendications ». Il a indiqué que le succès de l’appel national était la « preuve que nous avions raison ».
Voulant démentir l’image de normalité que le président Piñera cherche à présenter, Martinez a signalé que la ville n’était pas dans un état normal aujourd’hui. Mais la réponse du président a été différente. Selon lui, l’intention a été de causer du tort au Chili. Il a qualifié la grève d’instrument erroné de protestation au lieu d’un processus de dialogue et d’accords.
Pour le porte-parole de l’exécutif, Andrés Chadwick, la grève était injustifiée. La cessation de travail s’est faite selon lui sans justification et s’est également terminée sans justification, dans le sens où son objectif était de paralyser le pays. Il a affirmé qu’en tant que gouvernement, ils étaient heureux que cet objectif n’ait pas été atteint, parce que dans le cas contraire cela aurait généré un tort important pour le Chili.
Il y a eu des versions contradictoires sur le nombre de membres de la fonction publique qui se sont joints à la manifestation. Le gouvernement a d’abord avancé le chiffre de 5,5% puis de 14%. L’Association Nationale des Employés du Fisc a été jusqu’à avancer que 80% des employés publics n’avaient pas travaillé.
A la fin de la journée, Chadwick a donné l’information selon laquelle il y avait eu 348 arrestations et 36 personnes blessées, dont 19 font partie de la police, mais que toutes les blessures étaient légères.
Quant au président de la CUT, qui organise 11% des salarié·e·s du pays, il n’a pas fourni de bilan du premier jour et a dit qu’il ferait un rapport à la fin de la mobilisation, qu’il y aurait ce jeudi [25 août] diverses marches confluant dans le centre de Santiago.
Dans ce contexte, les six étudiants en grève de la faim du Lycée A-13 de la localité de Buin, dans la province de Maipo, ont interrompu l’action de protestation qu’ils ont initiée il y a 37 jours en soutien à la mobilisation étudiante exigeant une meilleure éducation. « Nous interrompons la grève, mais nous ne cessons pas notre lutte », a expliqué, lors d’une conférence de presse, la plus affaiblie parmi les grévistes, Gloria Negrete, 19 ans, qui a été hospitalisée en raison d’une perte de 12 kilos et de l’aggravation de l’affection respiratoire dont elle souffrait.
« La décision a été prise en raison du mauvais état de santé dans lequel nous nous trouvons, nos corps se sont affaiblis jour après jour, mais pas nos convictions », a déclaré la jeune femme qui a insisté sur le fait que le gouvernement ne s’était préoccupé en rien de leur état de santé. Elle a assuré que tous continueraient leur lutte pour obtenir la satisfaction de leurs revendications.
Le docteur Sergio Aguilera, directeur de l’hôpital San Luis de Buin, a dit que les étudiants se trouvaient en état de dénutrition, mais qu’à aucun moment leurs vies n’avaient été mises en danger. Une trentaine de jeunes universitaires et de lycéens sont également en grève de la faim dans différents endroits du Chili.
Notes
[1] Voir Chili : face aux étudiants, Piñera joue avec le boomerang de la répression, ESSF (article 22586).
* Cet article a été publié dans le quotidien La Jornada (Mexico), en date du 25 août 2011. Traduction A l’Encontre.