Édition du 12 novembre 2024

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Le maire opposant au pouvoir du Venezuéla est arrêté pour son rôle dans une tentative de coup d'État

Caracas. Antonio Ledezma, maire opposant au pouvoir et politicien de droite depuis longtemps, a été arrêté par les services de renseignements vénézuéliens sous l’accusation de participation à un plan de coup d’État contre le gouvernement Maduro démocratiquement élu.

Rachael Boothroyd, venezuelanalysis.com, 19 février 2015,

Traduction, Alexandra Cyr,

Ce plan pour commettre un coup d’État a été révélé la semaine dernière par les forces de sécurité. Quelques heures avant, des officiers de l’armée de l’air, soutenus par les États-Unis, préparaient des attaques aériennes contre des points stratégiques dans la capitale. Ils espéraient provoquer l’assassinat du Président et ainsi réussir à changer le régime politique du pays.

Le Président a ensuite déclaré : « Antonio Ledezma, sur ordre du Procureur public, a été arrêté aujourd’hui. Il sera poursuivi pour le système judiciaire vénézuélien. Il devra répondre de tous les crimes commis contre la paix et la sécurité du pays et de la Constitution…Nous en avons assez des conspirations, nous voulons travailler en paix » ! Son auditoire l’a applaudi.

La semaine dernière, M. Ledezma, actuellement maire du district métropolitain de la capitale, Caracas a signé une déclaration appelant à « Une entente pour une transition nationale » conjointement avec d’autres politiciens de l’opposition : Mme Maria Corina Machando et M. Leopoldo Lopez, le leader du Parti ‘Voluntad Popular’ actuellement emprisonné.

Ce document appelle les Vénézuéliens-nes à s’unir pour renverser le Président élu, M. Maduro et à élaborer un programme d’action pour un éventuel gouvernement provisoire. On y prévoit le retour des « exilés-es », des poursuites contre les membres actuels du gouvernement et d’établir des contacts avec les institutions financières internationales dont le Fond monétaire international. Cet appel a été divulgué le 11 février courant, quelques jours avant la tentative de coup d’État et qui devait mettre en marche le plan contenu dans la déclaration.

L’avocat constitutionnaliste Jesus Silva a déclaré à Venezuelanalysis que : « Cette déclaration n’a aucune base juridique. C’est un putsch, une conspiration malheureusement qui a atteint des milliers d’opposants-es endoctrinés-es pour s’attaquer à la démocratie ».

L’arrestation de M. Ledezma arrive dans une vague de plusieurs autres dont des officiers de l’armée de l’air impliqués dans le plan. M. Diosadado Cabello, président de l’Assemblée nationale a déclaré mercredi soir que l’arrestation de M. Ledezma était survenue après des révélations faites par un de ces officiers au cours de son interrogatoire.

Dans cette confession, il déclarait que M. Ledezma avait participé l’an dernier à un plan pour « éliminer » M. L. Lopez le leader de l’opposition dans le but de créer un « chaos » et de déstabiliser le gouvernement. Un député à l’Assemblée nationale, M. Julio Borges, aurait aussi trempé dans ce plan. Cela a précipité une intervention gouvernementale au début de 2014. À l’époque, l’épouse de M. Lopez, Mme Lilian Tintori avait déclaré que le gouvernement avait agi pour protéger son mari. Contrairement à M. Ledezma, M.Borges ne peut être poursuivi : les députés bénéficient de l’immunité parlementaire.

Le …..coup,

Même si les détails sur le rôle exact de M. Ledezma dans cette tentative de coup d’état ne sont pas clairs, il semble que son implication aille au-delà de ce qu’il veut bien dire. Immédiatement après l’annonce de la conspiration jeudi dernier, l’administration Maduro a laissé entendre que d’autres arrestations étaient à venir. Elles viseront les têtes pensantes de cette opération ; il manque de preuves en ce moment.

Selon le Président, l’enquête a mis au jour un message codé d’un important leader d’un certain parti. Il est rédigé dans une langue étrangère. La traduction a dévoilé des détails et des éléments importants du futur coup d’état. L’arrestation du rédacteur de ce message est sur le point d’avoir lieu. Les comploteurs étaient prêts à le lire. Il devait être transmis à une personne déterminée. Le Président dévoilera son nom au moment approprié. Ce message était celui qui devait être lu publiquement après un bombardement qui aurait annoncé une « révolte » des forces armées contre le gouvernement.

Des arrestations et de possibles poursuites

Même si la presse internationale a largement rapporté que le Maire avait été maltraité lors de son arrestation par les Services de renseignements, une vidéo de sa détention a été publiée. On y voit M. Ledezma résistant quelque peu, non armé, escorté hors de son bureau par des gardes armés. Des photos diffusées par l’agence Ultimas Noticias montrent du verre cassé sur le sol du bureau du maire. Cela sous-entend que les agents du gouvernement sont entrés dans ce bureau par la force.

M. Ledezma a été transféré dans les quartiers généraux des Services de renseignement sur la Plaza Venezuela à Caracas. Quelques centaines de ses partisans-nes ont protesté contre son arrestation au pied de l’édifice. L’ancien candidat à la présidence et gouverneur de l’État de Miranda, M. H. Capriles Radonski, les a rejoints. Les rues se sont vidées un peu plus tard.

Le maire Ledezma devrait comparaitre en cour pour qu’un juge détermine si les preuves sont suffisantes pour qu’il soit soumis à un procès formel. Selon Mtre Silva : « M. Ledezma étant maire il ne bénéficie pas de l’impunité qu’ont les députés, les gouverneurs et les autres dirigeants-es du pouvoir public. Les règles légales prévoient qu’il devrait subir un procès basé sur les accusations du procureur public et être défendu par son propre avocat au cours des prochaines 48 heures ».

Ce n’est pas la première fois que M. Ledezma est impliqué dans une tentative de renversement violent du gouvernement. En 2002, il a participé à la tentative de coup qui a renversé le gouvernement Chavez pendant 47 heures. L’année dernière il a été désigné plusieurs fois comme « l’allié principal » dans le complot terroriste de M. Lorent Saleh. M. Saleh est actuellement sous les verrous. Il s’agit d’un des militants clandestins qui fournissaient les armes à ceux et celles qui menaient la bataille sur les barricades l’an dernier. Ces batailles ont fait au moins 43 morts-es. Il planifiait une opération meurtrière de grande ampleur avec l’aide de paramilitaires colombiens. Il a été arrêté avant qu’il ait pu mettre son plan à exécution

Une trajectoire politique

Surnommé « le vampire » dans la population, M. Ledezma a commencé sa carrière politique en 1973 en devenant membre du Parti d’Action démocratique. En 1989 il est devenu Gouverneur du district fédéral de Caracas en soutenant directement un des soulèvements les plus violents de l’histoire du Service de police métropolitain de Caracas.

Ce corps de police a été démantelé en 2010. Il était responsable de violations des droits humains, il tirait couramment sur les étudiants-es protestataires non armés-es, il réprimait systématiquement les vendeurs-euses dans la rue, les retraités-es et les chômeurs-euses. Il a aussi procédé à des disparitions de militants-es tout à fait normalement.

C’est au cours de cette période que M. Ledezma a supervisé l’opération « Caracazo » qui a fait plus de 3,000 victimes par décès ou disparition organisées par les forces de sécurité. Cette action faisait partie d’une vague de protestations violentes contre le programme d’austérité du gouvernement. C’est au cours de cette période que la classe ouvrière vénézuélienne a qualifié M. Ledezma d’« assassin d’étudiants-es ». Il a fondé le nouveau parti de droite « L’alliance du brave peuple » et en est le chef actuel.

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