Jean-François Lisée s’est amusé à publier sur son blogue la « conversation » qu’il a eue avec ChatGPT. Le résultat étonne par l’apparence d’érudition que présente la production de la machine . Le robot semble ouvert et posséder une foule d’information sur tous les sujets. On croirait parfois des réponses de politiciens face à des sujets sensibles. Le ton est courtois et mesuré. Comment ne pas admirer le génie humain capable de créer un tel outil ?
Mais, en ignorant tout des crises qui menacent notre avenir commun en tant qu’espèce vivante, cette intelligence technicienne qui a mené à la création de ChatGPT n’est-elle pas aussi bornée que celle de sa créature robotisée ? L’intelligence artificielle apparait comme une fuite en avant, aveugle face aux ressources qu’elle consomme et aux violences et destructions qu’elle crée : extractivisme, consommation inutile de ressources énergétiques et d’eau, production massive de gaz à effet de serre, inégalités sociales, etc. L’intelligence artificielle n’est donc intelligente qu’en apparence, et les ingénieurs qui s’y consacrent étonnent par leur insensibilité face aux tâches à réaliser pour préserver le devenir du vivant. En effet, comment peut-on se dire intelligent et ne pas mobiliser toutes ses ressources intellectuelles pour tenter de vaincre la crise planétaire qui est en marche ? L’intelligence humaine et animale est un produit de l’évolution au service de l’adaptation et de la vie. Les exploits techniques de notre époque sont bien loin de correspondre à cette capacité.
Notre société technologique ressemble à une fourmilière en feu. Pendant que les ouvrières s’activent pour sauver les œufs (les Mères au front, les citoyens et citoyennes engagées dans des groupes de transition et militants, les enseignantEs qui plantent des arbres et ouvrent les yeux de leurs élèves sur nos liens avec la nature, les jeunes qui prennent la rue, les agriculteurs/trices qui tournent le dos aux pesticides, les scientifiques qui sortent de leur réserve pour sonner l’alarme, les artistes qui chantent, disent, filment, dansent, peignent, écrivent le courage de résister à la barbarie du système économique devenu fou, etc.), d’autres, appelons-les les fourmis ChatGPT, ne font rien hormis grimper sur un brin d’herbe et s’y balancer avec le souffle créé par les flammes.
ChatGPT résume la culture de l’élite économique actuelle et la fascination qu’elle exerce sur les foules : pensée mécanique et préprogrammée pour répondre aux paramètres de la croissance, toujours encline à justifier ses incapacités, dénuée d’empathie, foncièrement inutile.
Louise Morand
L’Assomption
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