Édition du 17 décembre 2024

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Traîtrise ou ambition ?

Voilà, c’est fait. L’ex-ministre péquiste de la Santé et des services sociaux dans le gouvernement Marois, monsieur Réjean Hébert, est devenu officiellement candidat du Parti libéral en vue de l’élection fédérale qui aura lieu le 21 octobre prochain.

Un choix irrationnel et absolument inconcevable aux yeux de plusieurs de ses ex-collègues du Parti québécois. Il faut rappeler ici que pour les péquistes le Parti libéral fédéral a à son actif le « rapatriement » de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 et surtout l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 (pièce législative dans laquelle est incluse la Charte canadienne des droits et libertés). Deux mesures qui ont eu pour effet d’affaiblir les pouvoirs du gouvernement du Québec. Depuis la fondation du Parti québécois en 1968 (et depuis 1982 surtout), tout ce qui est associé au Parti libéral fédéral est abject aux yeux de plusieurs péquistes. Porter les couleurs du Parti libéral fédéral lors d’une élection, générale ou partielle, est, pour les souverainistes, un geste impardonnable, voire même, possiblement, un geste de « haute-trahison ». Hébert s’expose à se faire qualifier de « transfuge ». Rien de moins.

On se rappellera qu’au moment d’annoncer, l’été dernier, son intention de faire le saut en politique fédérale, le médecin-politicien Hébert avait soutenu qu’il effectuait ce geste en raison des dossiers qu’il voulait défendre sur la scène fédérale en matière de santé. Il avait en tête les soins à domicile, la médecine préventive et également l’impact des changements climatiques sur la santé de la population. De fait, il est plus facile de faire avancer les choses qui nous « tiennent à cœur » en politique avec une équipe au pouvoir plutôt qu’au sein d’une équipe qui siège sur les banquettes de l’opposition. Passons.

Nous le savons, les partis politiques sont des véhicules qui correspondent à des nids de promesses. Promesses qui visent une seule chose : obtenir le plus grand nombre de votes. Une fois élu, il n’est pas certain que les promesses que les candidates et les candidats ont faites durant la campagne électorale seront tenues ou respectées intégralement. Pire, entre les partis politiques, c’est bonnet blanc, blanc bonnet. Autrement dit, une fois au pouvoir, il est possible que les promesses s’évaporent et que les politiques du parti au pouvoir puisent allègrement dans le programme des partis de l’opposition. D’où, la curieuse impression pour la population en âge de voter du « plus ça change, plus c’est pareil ». D’où l’impression également que nous vivons dans un monde où nous voyons une alternance dans l’équipe au pouvoir, sans véritable alternative. Facile, dans les circonstances, pour certains candidats ambitieux de passer d’un parti à l’autre avec beaucoup d’aisance et aucune gêne.


Traîtrise ou ambition ?

Dans Le prince, Machiavel a observé que l’ambition fait en sorte que « les hommes » peuvent, en certaines circonstances, perdre la raison. Il écrit à ce sujet : « Dès qu’une porte est ouverte à leur ambition, ils s’y engouffrent avec passion et en oublient leurs serments de fidélité ». La politique est le lieu par excellence des sincérités successives. Un espace de la vie en société où nous observons la présence de personnes habitées par de grandes ambitions et qui s’adonnent au jeu des rivalités croisées. En règle générale, sur la scène de la politique partisane, les plus « ruséEs » réussissent mieux à s’imposer et à durer dans le temps, que les « purEs ».

Monsieur Hébert est rendu à un moment de sa vie où il rêve d’exercer le pouvoir là où il est, c’est-à-dire au parlement fédéral et au sein de l’équipe ministérielle. Pour ce faire, il doit choisir le bon parti politique qui lui permettra de se faire élire et qui sait d’être nommé éventuellement ministre. Facile dans les circonstances pour lui d’avoir à choisir entre le Parti libéral fédéral ou le Bloc québécois. Alors, que penser du geste de Réjean Hébert, s’agit-il d’un geste propre à un « traître » ou à un être « ambitieux » ? À vous de répondre à cette interrogation.

En passant, lors du scrutin d’automne, Réjean Hébert affrontera le député sortant du Nouveau parti démocratique : Pierre Nantel. Le candidat Pierre Nantel a annoncé qu’il est maintenant membre du Parti vert et qu’il portera les couleurs de ce parti politique. Quand je vous disais plus haut qu’il est facile de passer d’un parti politique à l’autre. Décidément, en automne, il n’y a pas que le changement de couleur des feuilles qui s’opère…

Yvan Perrier

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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