Édition du 3 décembre 2024

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Histoire

Catastrophe de Bhopal

Depuis le 2 décembre 1984, des décennies de laisser-aller criminel. Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984 une cuve de produits chimiques explose dans une usine de pesticides à Bhopal, 800 000 habitants, capitale du Madhya Pradesh, au centre de l’Inde.

photo et article tirs de NPA 29

Cela fait suite à des déficiences récurrentes du système de sécurité, connues mais occultées pour raison d’économie. Ce sont 42 tonnes de gaz mortels qui s’échappent, asphyxiant en premier lieu le bidonville de Khasi Camp où les populations les plus pauvres sont agglutinées, et provoquent la mort de 3 800 personnes le 3 décembre, puis de 8 000 la première semaine, et de 25 000 personnes un peu plus tard dans d’atroces souffrances.

Mais il y a aussi de très nombreux blessés, malades et plus de 200 000 personnes qui sont maintenant gravement handicapées à vie et autant de personnes qui sont nées par la suite avec des malformations importantes.

L’entreprise américaine Union Carbide s’est volatilisée administrativement, puis a été rachetée par la multinationale Dow Chemical qui refuse de dépolluer le site et d’indemniser les victimes comme il se doit. Trente ans après, rien n’a changé. Un grand nombre d’enfants naissent encore aujourd’hui mal-formés suite à la consommation de l’eau des nappes phréatiques toujours contaminées…

Au sujet du nombre de morts et de blessés à vie, la catastrophe de Bhopal c’est Chernobyl + Fukushima réunies. Trente ans après, les habitants de notre planète ne font rien pour la plus grande catastrophe industrielle de l’histoire humaine…

La tragédie continue toujours…

Cette nuit-là, de l’eau s’infiltre dans la cuve n°610. La réaction chimique est instantanée : la température atteint 200°C ce qui fait monter en pression la cuve jusqu’à ce qu’elle explose. L’entreprise états-unienne Union Carbide, qui possédait l’usine, s’est volatilisée physiquement et financièrement après l’explosion et n’a jamais pris en charge le nettoyage du site.

Seuls les impacts médicaux avaient été pris en compte, en 1989, pour établir le montant de la compensation financière, qui avait alors été réglée à 470 millions de dollars (alors que la compensation avec la prise en charge du nettoyage du site est estimée à plus de 2 milliards de dollards). Depuis 2001, les actifs financiers et les bénéfices d’Union Carbide ont été repris par la multinationale géante Dow Chemical, qui a toujours refusé de reprendre les responsabilités dans la catastrophe de Bhopal.

Les prémices de la catastrophe de Bhopal

En 1982, déjà, une inspection détaillée fait apparaître dix déficiences sérieuses dans les systèmes de sécurité de l’usine. La population, elle, s’habitue à entendre le signal d’alarme qui, peu à peu, « fait partie du paysage ». De surcroît, elle n’a pas une éducation suffisante pour bien comprendre ce que peut signifier une véritable alerte dans cette usine.

Un autre problème apparaît. À partir de 1982, l’usine devient largement déficitaire à cause de la mévente de ses produits. UCC, la maison mère, envisage sa fermeture mais le gouvernement indien refuse car cela constituerait un très mauvais exemple pour d’autres investisseurs étrangers potentiels, un précédent défavorable.

Pour rééquilibrer ses comptes, la filiale indienne UCIL décide alors de réduire les frais d’exploitation et, pour ce faire, licencie progressivement une bonne partie du personnel qualifié, soit pour le remplacer par du personnel de plus bas niveau, soit pour ne pas le remplacer et simplement diminuer les effectifs. De ce fait, chacun s’habitue peu à peu à travailler avec des effectifs réduits. Il est donc probable qu’à partir de cette époque le personnel est conduit à ne plus faire que ce qui est directement contrôlable ou immédiatement nécessaire…

En 1984, après de multiples fermetures temporaires, on constate que deux des dix déficiences signalées en 1982 n’ont toujours pas été corrigées. Mais les directeurs pensent qu’il n’y a pas d’urgence, alors que l’unité de refroidissement du MIC continue à mal fonctionner et fait donc peser une menace permanente sur la sécurité. Il faut savoir que, dans le même temps, la maison-mère, UCC, gère une installation similaire à Institute en Virginie Occidentale ; par conséquent elle devrait être à même de peser très exactement les risques et les conséquences de chaque incident survenant à Bhopal.

La nuit tragique du 2 au 3 décembre 1984 :

Peu à peu les différents éléments du futur drame se mettent en place. Le premier incident significatif a lieu dans la journée du 21 octobre 1984 durant laquelle les opérateurs échouent dans leur tentative d’accroître la pression dans le réservoir 610 pour en extraire le MIC qui y est stocké. Il semble que les causes de cet échec, tout à fait anormal, ne seront pas examinées en profondeur et qu’aucune mesure ne va être prise, probablement par manque de personnel.

Arrive enfin la fatale nuit du dimanche 2 au lundi 3 décembre, alors que l’usine est partiellement fermée et tourne au ralenti avec des effectifs encore plus réduits que de coutume.

La majorité de la population alentour dormait à cette heure-là et sera frappée dans son sommeil par un nuage toxique qui s’abat sur elle, sur une étendue de vingt-cinq kilomètres carrés. Quant aux personnes qui ne dormaient pas, elles n’ont pas réagi car elles sont habituées depuis longtemps à ce signal d’alarme.

Les ouvriers de l’usine, conscients du danger, s’enfuient en courant dans la panique et personne ne songe même à utiliser les quatre autobus garés dans la cour. Comble de malchance, il sera difficile de prévenir les autorités car les lignes téléphoniques de l’usine fonctionnent mal.

La panique s’étend à toute la ville et, dans la plus totale incompréhension, des centaines de milliers de personnes sont prises au piège, errant dans les ruelles étroites du bidonville, cherchant des secours qui tarderont beaucoup à se mettre en place, essayant de sauver un proche agonisant.

Tout cela souvent à l’aveuglette car le gaz attaque d’abord les yeux, entraînant une cécité, provisoire dans les cas favorables, avant de s’engouffrer dans les poumons pour provoquer de graves insuffisances respiratoires.

Les trois cent cinquante médecins de la ville qui peu à peu se mobilisent perdent beaucoup de temps à comprendre ce qui se passe car aucun d’entre eux n’a été informé sur la nature exacte du pesticide et les dangers qu’il présente. Quant aux installations médicales disponibles, déjà insuffisantes en temps normal, il est inutile de préciser qu’elles apparaissent alors très en deçà des besoins.

Dès le 4 décembre, l’Américain Warren Anderson, PDG de l’usine, part sur les lieux avec une équipe d’experts pour essayer de faire la lumière sur le drame. Mais ce déplacement se fera en vain. Anderson est arrêté et emprisonné puis finalement expulsé. Il se soustrait par la suite à toutes les convocations judiciaires en Inde. [1]

Ce n’est que le 20 décembre que les autorités laisseront venir la commission d’enquête sur les lieux. Dès le 6 décembre, l’usine a été fermée et on a juste commencé d’entreprendre son démantèlement.

Les questions qui se posent dans le rôle et le comportement des dirigeants de Union Carbide

Dans cette sinistre affaire, il est utile de se poser d’abord quelques questions. Les intérêts en jeu et les différences de vision sur les développements juridiques, financiers, légaux entre Américains et Indiens font que bien souvent aucune réponse n’a été apportée, ou bien deux réponses contradictoires : l’indienne et l’américaine !

36 ANS APRÈS LA CATASTROPHE DE BHOPAL, DES MESURES SÉRIEUSES DE DÉCONTAMINATION N’ONT PAS ÉTÉ PRISES POUR LA SANTÉ DE LA POPULATION ET LES VICTIMES ATTENDENT TOUJOURS D’ÊTRE INDEMNISÉES COMME IL SE DOIT !

Encore aujourd’hui, il y a dans la région autour de Bhopal énormément de naissances avec des malformations, énormément de bébés morts prématurément, ainsi qu’énormément de personnes souffrant de graves problèmes de santé.

Une enquête montre que 90% des habitantes allaitantes de Bhopal présentent du mercure dans le lait maternel, ce qui ralentit le développement normal du foetus. Il semble que boire de l’eau aujourd’hui dans la région de Bhopal entraîne toutes ces malformations, car l’eau est, trente ans après, encore empoisonnée !

Mais on a prouvé par ailleurs que l’eau était déjà empoisonnée bien avant la catastrophe… Selon une série d’analyses chimiques des sources d’approvisionnement en eau aux alentours de l’usine réalisées par Greenpeace, des métaux lourds ont été décelés dans l’eau : zinc, cuivre, plomb, nickel, mercure, parfois à un niveau jusqu’à six millions de fois supérieur à la présence naturelle de ces éléments dans les sols.

En effet on a fini par reconnaître que des résidus de pesticides produits dans l’usine depuis 1977 étaient carrément déversés à l’époque dans un lac à proximité de l’usine. Et puis les pesticides abandonnés dans cette usine-poubelle depuis 30 ans, et qui ont été lessivés par les pluies, contaminent aussi les nappes phréatiques et donc l’eau potable pour toute la population aux alentours de l’usine d’Union Carbide.

C’est ainsi qu’un certain nombre de substances très toxiques perpétuent encore aujourd’hui la contamination et les impacts sur les populations. Quand cette tragédie va-t-elle être justement prise en compte ?

2 décembre 2019

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