Ce bilan alarmant est une sirène qui sonne pour la mise en place d’actions concrètes et efficaces, notamment pour protéger les victimes de la précarité salariale.
Leur octroyer jusqu’à 10 jours d’absence rémunérés constituerait un geste fort en ce sens, mais le gouvernement du Québec trouve encore des excuses pour maintenir le statu quo.
Insuffisant
Malgré les revendications de plusieurs acteurs sociaux et syndicaux appuyés par des partis d’opposition, la Loi sur les normes du travail au Québec n’accorde que deux jours de congé payé aux travailleurs pour différents motifs (maladie et responsabilité familiale), ce qui n’en laisse pas réellement pour une victime de violence conjugale. C’est à l’évidence insuffisant pour offrir aux victimes (et à leurs enfants !) le temps requis pour aller chercher l’aide nécessaire.
Le gouvernement fédéral, quant à lui, offre dix jours de congé rémunéré aux personnes salariées de la fonction publique victimes de violence familiale depuis 2019, tandis que plusieurs provinces canadiennes prévoient de trois à cinq jours de congé. Pourquoi le Québec, pourtant reconnu pour son avant-gardisme en matière de politiques sociales, tarde-t-il à emboîter le pas ?
En dépit des pétitions, manifestations et autres rencontres politiques avec le ministre du Travail, nous essuyons toujours un refus sous prétexte que le cadre législatif québécois protégerait déjà suffisamment les victimes, notamment grâce au régime d’indemnisation prévu à la Loi visant à aider les personnes victimes d’infractions criminelles et à favoriser leur rétablissement (LAPVIC).
Pourtant, cette dernière vise à indemniser la victime d’un acte criminel qui serait dans l’incapacité de travailler. Elle ne lui permet donc pas de demeurer à l’emploi tout en prenant des dispositions immédiates et concrètes pour fuir une situation de violence.
Coûts
Autre excuse ? Cette mesure serait trop coûteuse pour les employeurs du Québec. Cet argument, qui a notamment été utilisé plus tôt cette année pour rejeter un amendement visant à inclure ces congés rémunérés dans la Loi sur les normes du travail, a de quoi faire sourciller. Si, comme le prétendent les élus caquistes, l’écosystème législatif québécois protège si bien les victimes, il ne devrait pas y avoir lieu de s’inquiéter des coûts supplémentaires !
La réalité, comme l’indique le nombre de féminicides, de maisons d’hébergement au maximum de leur capacité et d’appels à l’aide, est hélas qu’il y a loin de la coupe aux lèvres pour contrer la violence conjugale au Québec. Notre gouvernement aurait-il alors l’odieux de faire passer des intérêts économiques avant la vie des femmes ?
De nombreuses avancées, comme la création des tribunaux spécialisés, ont indubitablement été faites ces dernières années au Québec pour contrer les violences genrées. Il serait cependant irresponsable de la part du gouvernement de se reposer sur ses lauriers. Nous l’exhortons donc à agir avec détermination pour créer les conditions propices pour permettre aux victimes de reconstruire leur vie en toute sécurité et entamer un processus de guérison. Pour ce faire, leur offrir, au même titre que d’autres juridictions au Canada, la stabilité financière nécessaire serait non seulement une avancée significative pour toutes les femmes du Québec, mais aussi une réponse juste et nécessaire à un fléau qui nous concerne toutes et tous.
Pour l’Intersyndicale des femmes
– Françoise Ramel, vice-présidente, secteur sociopolitique, solidarité et co-responsable condition féminine, Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
– Sandra Etienne, vice-présidente, Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
– Nadine Bédard-St-Pierre, première vice-présidente, Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
– Sophie Ferguson, deuxième vice-présidente, Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)
– Johanie Dupras Renaud, responsable provinciale à la condition féminine, Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
– Annie-Christine Tardif, vice-présidente à la vie professionnelle, Fédération autonome de l’enseignement (FAE)
– Yannick Giroux, troisième vice-présidente, Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ)
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