Tel un grondement sourd, quelques voix s’élèvent pour mettre en cause le programme « Pour une maternité sans danger » de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Qui les associations patronales, qui un journaliste, qui une chercheure se passent le relais pour dénigrer ce programme laissant entendre au passage que les femmes sont capricieuses. Si l’on appelle caprice la volonté ferme de nos mères, de nos sœurs, de nos filles et de nos amies de pouvoir vivre une maternité sans risque pour leur enfant à naître et pour elles, non seulement nous en sommes, mais nous le revendiquons !
Avec des titres d’articles racoleurs[1] et des affirmations à l’emporte-pièce, on cherche à faire sensation et à noyer le poisson :" La CSST a perdu le contrôle : 220 millions pour une maternité sans danger" ; "Retrait préventif des femmes enceintes : la CSST a abdiqué sa juridiction". Avec ces soi-disant vérités, une seule conclusion s’impose : il faut renforcer les contrôles et identifier les véritables risques. Pourtant, il n’y a pas d’incompatibilité entre une grossesse sécuritaire et le désir des femmes de conserver leur emploi.
Contrairement à ce que d’aucuns voudraient nous faire croire, ce programme n’est pas une tombola à laquelle il suffit de s’inscrire pour mériter quelques semaines de vacances aux frais des employeurs. Il s’agit d’un outil de prévention en santé et sécurité du travail reconnu par la loi et non d’un congé ! Le médecin traitant, qui agit selon le code de déontologie de sa profession, doit examiner la situation et déterminer si les conditions de travail mettent en péril la santé de la travailleuse ou de l’enfant à naître.
Celui-ci agit de concert avec le médecin de la santé publique afin de voir si les conditions de travail ou les tâches doivent être modifiées. La santé publique du Québec a publié plus de 25 guides et avis sur la question de la grossesse et du travail. Résultats de consensus entre des professionnels de la santé publique, ces publications balisent la prise de décision concernant le retrait préventif. Voilà des contrôles, voilà des risques identifiés !
Depuis l’adoption de cet important programme de prévention, il appartient aux employeurs de trouver les aménagements pour que le travail soit sécuritaire pour la travailleuse enceinte ou qui allaite. Si l’employeur ne peut éliminer les dangers à la source et réaffecter la travailleuse à un travail sécuritaire (plusieurs le font déjà), elle peut exercer son droit au retrait préventif. Qui pourrait vouloir qu’il en soit autrement ?
Signalons que l’augmentation des coûts de ce programme s’explique, sans contredit, par la forte progression des femmes sur le marché du travail au cours des dernières décennies et, aussi, par l’incurie de certains employeurs pour rendre les milieux de travail sains et sécuritaires.
De la première dame du Québec, des ministres et de tous les députés, hommes ou femmes, nous n’attendons rien de moins qu’un engagement sans équivoque quant au maintien de ce programme. Nous leur demandons d’être aussi exigeants que nous et de tout mettre en œuvre pour que les femmes puissent vivre leur grossesse sans risque tant pour elles que pour leur enfant.
Signataires
Serge Cadieux, secrétaire général FTQ
Louise Chabot, présidente CSQ
Alexa Conradi, présidente Fédération des femmes du Québec
Carole Dubé, présidente APTS
Claude Faucher, vice-président CSD
Carole Henry, Au bas de l’échelle
Jean Lacharité, vice-président CSN
Katherine Lippel, professeure à Université d’Ottawa
Romaine Malenfant, professeure à l’Université du Québec en Outaouais
Lucie Martineau, présidente, SFPQ
Karen Messing, professeur émérite, UQAM
Raphaëlle Petitjean, Regroupement Les Sages-femmes du Québec
[1] Nous faisons référence aux propos du Conseil du Patronat rapportés dans l’article de La Presse du 17 février 2014, aux articles parus dans le Journal de Montréal le 8 et le 9 avril et repris sur le site Web de TVA Nouvelles, de même qu’aux propos de madame Takser à l’émission du 98,5 « Que le Québec se lève », le 7 avril 2013.