tiré de : MON ŒIL !... La chronique du coordonnateur de la Coalition solidarité santé Édition du 18 avril 2017
Leur apparente critique doit cependant être comprise à la lueur des positions qu’ils défendaient dans leur mémoire sur le PL 10 présenté en commission parlementaire.
On pouvait y lire que "le modèle de gestion proposé par le projet de loi 10 s’apparente au système de gestion mis en place par toute entreprise privée devant orchestrer et contrôler les activités de multiples divisions réparties géographiquement. Ce modèle est bien rodé dans le secteur privé où il porte le nom de « gouvernance stratégique » ou « gouvernance interne ». Toutefois, ce modèle de gestion est rare et méconnu dans le secteur public. Il faudra donc devenir clair et explicite quant à son fonctionnement et fournir aux dirigeants des CISSS la formation appropriée. »
D’aucuns pourraient invoquer la composition du C.A. de l’IGOPP, des personnalités issues principalement du monde des affaires (dont le milliardaire Stephen A. Jarislowsky, 28e fortune canadienne), pour expliquer pourquoi leur mémoire ne voyait aucune contradiction à ce que ce PL veuille appliquer une gestion privée à notre système public de SSS.
Pour ceux qui ne voient pas en quoi cette confusion des genres peut poser problème, le mémoire en donnait déjà, sans le vouloir, un bon exemple en parlant de la composition des Conseils d’administration :
« Le projet de loi propose aussi en son article 11 des profils de compétence pour les membres indépendants. […] alors que les compétences identifiées aux alinéas 1 à 5 de l’article 11 sont pertinentes et usuelles (vérification, risques, ressources humaines, gouvernance et éthique), il est difficile de comprendre à quelle compétence font référence les alinéas 6 (jeunesse) et 7 (services sociaux). »
On peut comprendre que pour de tels administrateurs, des objectifs de Santé, encore plus s’il s’agit de Santé sociale, ne sont pas les premiers à être tenus en compte dans l’administration d’un système public de SSS.
La gestion d’entreprise privée teintait également la place que devait occuper, selon eux, la démocratie dans le PL 10 :
« Nous suggérons fortement que les réunions du conseil et de ses comités se tiennent à huis clos. "
Leur lettre du 4 avril dernier ne déroge pas de leur mémoire quand on y lit qu’ils trouvent « inquiétant de constater que les réunions du conseil sont ouvertes au public, en dépit du fait que la loi exige que les conseils d’administration des CISSS tiennent deux séances d’information chaque année pour rendre compte au public de leur administration et répondre aux questions. »
C’est vrai : plus de deux séances publiques d’information par année, quelle hérésie !
Leur conception de la démocratie se révèle plus loin quand ils écrivent que la réforme « ne comporte aucune démarche pour connaître l’opinion des usagers/patients, leur évaluation des services reçus, etc. On ne peut à notre ère informatisée fréquenter quelque hôtel ou restaurant sans recevoir dans les heures qui suivent une invitation à donner son avis sur la qualité de la prestation de l’établissement. »
Il est vrai que si nous passons du statut de citoyen du Québec, ayant droit à la santé et à un réseau public de SSS, à un rôle de simple usager consommateur de soins et services, la démocratie devient alors affaire de sondage d’opinion, d’enquête de satisfaction.
Parlant satisfaction, celle de leurs semblables semble les préoccuper davantage quand, parmi les échecs de la réforme, ils notent entre autres que « le gouvernement fixe les allocations, les indemnités ou la rémunération des membres du conseil d’administration mais aucune rémunération n’est encore versée aux membres indépendants des conseils d’administration. »
******************
On ne peut pas vraiment reprocher aux gens de l’IGOPP de ne pas se préoccuper, dans leur mémoire et dans leur lettre, de la question de l’accès à des services publics de SSS de qualité et en quantité suffisante pour répondre aux besoins des personnes, puisque ce n’est pas leur domaine de compétence.
Mais de mauvaises langues pourraient quand même dire que lorsqu’ils écrivent « cette réforme qui devait placer le patient au cœur du système », on croirait entendre les renards parler de la poule comme au cœur de la sécurité du poulailler.
Jacques Benoit.
Un message, un commentaire ?