Le dossier s’est ensuite déplacé au sein de la députation. Donald Martel, député de Nicolet-Bécancour, y est allé d’un « Investissement Québec doit être plus agressif dans ce dossier-là » [5], indiquant même qu’il ne fallait pas se gêner pour piger dans le Fonds de diversification de 200 M$. De la part de ce féru du gaz naturel, il ne fallait pas s’étonner d’une telle réaction. L’ancienne caquiste, maintenant ministre de l’Économie, madame Anglade, concluait quant à elle de cette façon : « Ce qu’il est important de reconnaître, c’est que nous voulons avoir des projets structurants pour l’avenir du Québec. Stolt en est un très, très bon exemple. (…) On va mettre tous les efforts et les énergies pour faire arriver le projet. » [5]
Mais pourquoi donc tous ces décideurs semblent-ils soutenir ce projet, « structurant », qui favorise l’exploitation de gaz de schiste et le réchauffement planétaire ? Sont-ils persuadés que la reconduction de leur mandat est directement reliée au nombre de « pépines » et d’opérateurs de « pépines » ? Et ce, en dépit des conséquences à long terme que cela provoquera ?... Serait-ce plutôt qu’ils ont eu vent de la récente étude indiquant qu’à peine 50 % des adultes de la circonscription de Bécancour-Nicolet-Saurel croient que les changements climatiques sont surtout attribuables à l’activité humaine ? [6]
Allons plutôt sur le fond. Dans le Rapport d’analyse final du ministère de l’Environnement [7], il est indiqué que le remplacement de l’huile lourde par le gaz naturel réduirait de 30% les émissions de GES et permettrait ainsi l’atteinte de la cible de réduction de 20% pour 2020 du Québec. Excellente idée, mais on y lit, page 20, que « la présente analyse est basée uniquement sur les GES qui seront générés directement par le projet et ne repose pas sur une approche du cycle de vie » !
On « oublie » donc de prendre en compte les émissions de GES se produisant avant la combustion du gaz naturel, lesquelles dépendent pour beaucoup des émissions fugitives. Or, quelle est la proportion de méthane perdu dans l’ensemble du processus, de l’extraction du gaz au transport du gaz liquéfié ? Cette donnée est essentielle mais ni Gaz Métro, ni Stolt, ni le gouvernement ne cherchent ici à nous instruire... Ne prenant en compte que la différence entre les émissions du mazout et celles du gaz, ils en oublient même les émissions totales de combustion !
Et comment s’assurer que les émissions de GES au Québec vont régresser ?
Avons-nous au ministère de l’Environnement une « police » climatique grimpant dans les cheminées et reniflant les tuyères ?... « La bonne énergie à la bonne place », invoquait-on aux audiences du BAPE, comme si ces dernières étaient commanditées par Gaz Métro. « Et au bon prix », ajouterais-je, reprenant les propos de Richard Brosseau, ancien attaché politique de Jean Charest, qui déclarait au BAPE le 10 février 2015 [8] que la décision d’investissement de Stolt reposait sur un baril à 163$ et un cours du gaz en hausse. Bonjour les prévisions !
Dans le décret ministériel autorisant la construction de l’usine [9], aucune condition n’est imposée à Stolt, si ce n’est de respecter le plan de match et de procéder avant 2026. Ce gouvernement fait preuve de vision pour ce qui se voit, comme des « pépines » ; pour l’invisible et les générations futures, on repassera. Or, si l’on ne prend pas immédiatement la décision d’arrêter tous ces projets et de réduire notre consommation de gaz et autres carburants, nous serons, par millions, les pieds dans l’eau et un jour viendra où il sera fatal de sortir dehors tant il fera chaud et humide [10].
Marc Brullemans, biophysicien
Trois-Rivières, le 27 février 2016