À voir nos journaux locaux remplis d’annonces de millions de tonnes de minerai, on se croirait au Far West en pleine ruée vers l’or ! D’où vient donc cette folie de vite creuser des trous un peu partout sur la Côte-Nord, sans compter les usines de traitement à construire ou à agrandir ? Apatite, fer, titane, uranium ou terres rares sont au rendez-vous. Que des compagnies s’installent parce que c’est payant
pour eux, on peut comprendre. Mais que nos gouvernements les subventionnent et les encouragent quand la rentabilité pour notre société n’est pas prouvée, c’est renversant ! Une étude récente (Handal, 2010, www.iris-recherche.qc.ca/) le confirme : « l’apport des mines métallifères à l’économie québécoise est aujourd’hui inférieur aux coûts qu’elle engendre. En d’autres termes, au plan économique, ce secteur coûte davantage qu’il ne rapporte aux contribuables québécois ».
Par le Plan Nord, le gouvernement du Québec en collaboration avec les élus municipaux et les MRC, facilite l’ouverture du territoire nordique (nord du 49e parallèle) pour l’exploration et l’exploitation minières afin d’augmenter censément ses revenus. Remarquons que ce ne sont pas tellement les gens d’ici qui vont y travailler, c’est déjà le plein emploi. Combien de personnes à la recherche d’emploi, provenant en particulier des grands centres, vont accepter d’aller dans des chantiers ou dans des communautés isolés ? Sinon, d’où proviendront ces travailleurs qualifiés et leur arrivée sur le marché de l’emploi aura-t-il l’impact net recherché sur les revenus de l’État québécois ?
Grosses subventions, petites redevances
Par contre, les différents paliers de gouvernement (toujours avec le même argent), subventionnent généreusement ce développement. Par exemple, au municipal, la Corporation de développement économique reçoit un budget de fonctionnement de 550 000$ par année et la Ville de Sept-Îles donnera jusqu’à 1 million$ (phase 1 de 3) pour subventionner la construction d’édifices à logement (est-ce bien le rôle d’une municipalité que de devenir promoteur immobilier ?), sans compter le salaire des nouveaux employés municipaux qu’il faudra engager et les emprunts pour le développement de nouveaux quartiers.
Le fédéral contribue à la construction d’infrastructures portuaires (quais) et subventionne diverses mesures. Le provincial entretient, construit et rénove à coups de millions des routes qui sont parfois à l’agonie (138 et 389) ; il supporte la SGF (Société générale de financement) dans ses pertes et il fournit l’électricité à des tarifs préférentiels via Hydro-Québec, en plus de subventions ou supports divers. Finalement, les déductions fiscales à l’exploration et à l’exploitation sont nombreuses et parfois même confidentielles.
Les redevances minières, elles, sont minces quand il y en a. D’après le rapport du Vérificateur (2009), de 2002 à 2008, 14 entreprises n’ont versé aucun droit minier alors qu’elles cumulaient des valeurs brutes de production annuelle de 4,2 milliards de dollars. Quand aux autres entreprises, elles ont versé pour la même période des redevances équivalent à 1,5% de la valeur brute de production annuelle.
Sachez que les redevances se paient non sur le tonnage produit (incroyable !) mais sur les profits, et que différentes stratégies fiscales permettent de ramener les profits à zéro. Le doute s’installe dans mon esprit que l’industrie minière serait si intéressante pour le Côte-Nord malgré les milliers d’emplois et les millions investis particulièrement parce que la vitesse de croissance dépasse la capacité du milieu à absorber ces changements. Je crains que parfois la petite copine du gros bar open ne soit la corruption ou le gaspillage.
Une bulle des ressources naturelles ?
Ne vous y trompez pas ! Je ne suis pas contre le développement. Mais je vais questionner. Ce que je souhaite, c’est que ce développement se fasse de manière exceptionnellement harmonieuse avec l’environnement (ce qui crée aussi de l’emploi) et respecte les gens d’ici, les jeunes et les personnes vulnérables en particulier. N’oublions pas que nous sommes en train d’exploiter une ressource non renouvelable. Nous ne sommes plus en 1950.
Certains spécialistes de l’économie mondiale parlent d’une bulle des ressources naturelles comme il y a eu une bulle immobilière et une bulle technologique. Aux volumes de fer qui sortent, est-il possible que quelqu’un, quelque part, accumule pour jouer sur les prix ? Si bulle il advenait et qu’elle éclatait, nos jeunes qui achètent maintenant des maisons à 300 000$ ou plus... verront-ils les prix de valeur marchande baisser dramatiquement comme on l’a vu en 1985 ? Et les familles à revenus modestes qui peinent déjà à se loger ?
Pouvons-nous au moins choisir nos industries ? Avec le gros bon sens, ces projets devraient au moins arriver l’un après l’autre afin que nos travailleurs aient de l’emploi durant de nombreuses années. Nos élus pourraient poser des conditions avant leur implantation... mais on a parfois l’impression que nos décideurs sont à genoux.
Assurons-nous que ce développement va durer, que ce soit vraiment de la diversification économique car trois ou quatre nouvelles mines de fer, ce n’est pas de la diversification. Si mes impôts et taxes augmentent, que ma santé et ma qualité de vie diminuent, je continuerai à poser des questions. À qui donc profite ce boom minier ?