Tiré de l’Humanité
https://www.humanite.fr/monde/bolsonaristes/au-bresil-la-difficile-equation-des-mairies-bolsonaristes
Publié le 3 octobre 2024
Paula Goselin
Malgré les politiques de logement social mises en place par Lula, le manque d’investissement dans les transports de certaines municipalités bolsonaristes prive les plus pauvres d’emploi.
Après avoir gravi trois étages de son immeuble sous la chaleur accablante de Rio de Janeiro, Roberta Fernandes s’affale sur le canapé en cuir beige de son salon. « Que c’est bien d’être chez soi ! » s’exclame la mère de famille de 47 ans, profitant du courant d’air qui pénètre par une petite fenêtre qui illumine son carrelage blanc.
Son appartement, situé à Magé, une municipalité en périphérie nord-est de la Ville merveilleuse, est pourtant modeste : un 45 mètres carrés avec deux chambres étroites. Mais pour cette mère divorcée avec deux enfants, il s’agit d’un rêve : elle n’avait jamais imaginé qu’elle aurait à nouveau son chez-soi, un jour.
« Maintenant, mes enfants peuvent inviter leurs amis !
Après son licenciement pendant la pandémie de Covid, de fortes précipitations s’étaient abattues sur la région, en 2022, détruisant la maison qu’elle avait construite sur le terrain de sa mère à Raiz da Serra, un quartier rural à 28 kilomètres à l’ouest de sa nouvelle résidence.
« J’ai tout perdu dans l’inondation », se souvient-elle. Sa mère l’ayant alors recueillie avec ses enfants, elle avait dû dormir dans le salon avec son fils sur un matelas donné par des assistants sociaux publics.
Roberta Fernandes s’était résignée à élever ses enfants dans ces conditions précaires. Cependant, grâce au programme public de logements populaires « Minha Casa, Minha Vida », elle a pu, en avril 2024, bénéficier d’un appartement gratuit, qu’elle a aménagé avec des meubles qui lui ont été donnés. « Maintenant, mes enfants peuvent inviter leurs amis ! » s’enthousiasme-t-elle en observant Theo, son fils de 15 ans, dévorer une énorme part de gâteau.
Le retour de Lula a réduit la pauvreté
Comme elle, 8,5 millions de personnes sont sorties de la pauvreté après le retour du président Luiz Inácio Lula da Silva, au pouvoir depuis 1er janvier 2023, permettant une baisse du taux de pauvretéde 27,5 % entre 2022 et 2023, selon un communiqué du ministère du Développement.
Dès son investiture, l’ancien métallurgiste a relancé les programmes emblématiques du Parti des Travailleurs (PT) abandonnés par sonprédécesseur d’extrême droite, Jair Bolsonaro : l’allocation de revenus « Bolsa Familia » (bourse famille), les logements populaires « Minha Casa, Minha Vida » ou encore le plan de santé « Pharmacie populaire ».
Le président Lula a aussi encouragé l’installation de cuisines populaires à travers le pays, inspirées d’une initiative du Mouvement des travailleurs sans toit, pour distribuer des repas gratuits aux plus démunis.
Les 5 millions d’habitants de la « Baixada Fluminense », comme on appelle les villes en périphérie de Rio de Janeiro, figurent parmi les principaux bénéficiaires de ces programmes – dans cette région gangrenée par le narcotrafic, la moitié de la population vit avec moins de la moitié du salaire minimum (234,78 euros).
Malgré les efforts, les défis restent conséquents
« Je suis de retour et je vais vous dire que nous allons investir à Rio de Janeiro plus que ce qu’a fait n’importe quel autre président ! » a promis Lula lors de l’inauguration des 832 appartements du complexe de deux résidences « Minha Casa, Minha Vida » à Magé, où vit maintenant Roberta Fernandes, le 6 février 2024. À l’occasion, il a aussi annoncé la construction d’un campus de l’Instituto Federal Fluminense à quelques minutes des résidences.
Cependant, malgré les efforts du gouvernement, les défis restent conséquents. Comme de nombreuses villes de la périphérie de Rio de Janeiro, Magé est connue pour être une ville-dortoir.
Roberta Fernandes a beau envoyer des candidatures dans des villes plus dynamiques, comme Niteroi, à 47 kilomètres de là, son dossier se voit toujours refusé. « Les entreprises craignent que je ne sois trop fatiguée pour être productive car je devrais me réveiller très tôt », se lamente-t-elle.
Les logements populaires mal desservis par les transports
En raison du manque flagrant de transports publics, les habitants peuvent mettre jusqu’à quatre heures pour se rendre à leur travail.
Ana Paula Barbosa, une grand-mère de 55 ans résidant au rez-de-chaussée de la résidence « Minha Casa, Minha Vida », y a aménagé un atelier de poupées pour des rituels umbandas, une religion afro-brésilienne proche du candomblé. D’après elle, ici, seul un microbus passe toutes les deux heures et un jour sur deux pour rejoindre le centre-ville, largement insuffisant pour 3 328 résidents.
Un isolement qui a même découragé certaines personnes précaires d’accepter de bénéficier du programme « Minha Casa, Minha Vida ». Dans la municipalité de Mauá, à une vingtaine de kilomètres des résidences populaires, la maison de Suely Soares, 54 ans, qui a été construite irrégulièrement, va être démolie par la préfecture pour rétablir d’anciennes voies ferrées historiques à proximité d’un ancien port abandonné de la baie de Guanabara.
Le problème des mairies bolsonaristes et du transport public
Au Brésil, les mairies sont les principales responsables des transports. Mais elles ne se sont pas toujours alignées sur les politiques du président Lula. Les 13 villes de la Baixada Fluminense sont de véritables bastions bolsonaristes : lors du scrutin présidentiel d’octobre 2022, Jair Bolsonaro a largement remporté l’élection dans toutes les municipalités.
À Magé, un autre complexe résidentiel de 420 résidences inauguré en 2014 a ainsi sombré dans le quasi-abandon. « Les partenariats avec les États et les municipalités sont d’une importance fondamentale si nous voulons remédier à la pénurie de logements », rappelle Hamilton Madureira, secrétaire national de l’Habitation, du ministère des Villes, dans un courriel.
La condamnation de l’ancien président pourrait changer la done
À l’approche des municipales du 6 octobre, la conjoncture pourrait évoluer. Face à la perte de popularité de Jair Bolsonaro, déclaré inéligible pour huit ans à la suite d’une condamnation pour « abus de pouvoir », certains élus changent d’allégeance.
À Magé, le maire Renato Cozzolino, descendant d’une dynastie qui a gouverné la ville pendant des décennies, a été élu en 2021 sous l’étiquette du Parti de la République de Jair Bolsonaro. Aujourd’hui, il a décidé de se présenter sous la bannière du parti progressiste, de droite, et a fait alliance avec le PT. Parmi ses propositions, « l’achat de 30 bus électriques, avec la création d’une société de transports publics ».
« Je n’ai jamais demandé à quel parti vous appartenez », suggérait le président Lula, sous-entendant que l’essentiel est de s’« occuper de ceux qui ont besoin du gouvernement ». Sa demande sera-t-elle entendue ?
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