Le Capital fossile et ses alliés climatosceptiques
Les grandes entreprises pétrolières et gazières sont partie prenante du débat sur l’énergie. Elles tiennent un discours climatosceptique. Les énergies fossiles sont nécessaires, elles sont là pour de bon. Elles continuent d’investir des sommes considérables dans des infrastructures appelées à perdurer pour les prochaines décennies. Elles s’opposent à toute transition énergétique, qu’elles repoussent au mieux à un avenir indéterminé ou elles s’y associent pour mieux défendre un mix énergétique ou le capital fossile doit avoir également sa place.
Le Parti conservateur du Québec se fait le défenseur du capital fossile et soutient qu’il faut pouvoir compter sur l’exploitation des hydrocarbures sur le territoire du Québec. Il faut compter sur le gaz naturel. Et il défend la construction de nouveaux barrages et affirme qu’il ne faudrait pas hésiter à faire de l’exportation de l’électricité un axe important du développement économique du Québec. Le PCQ laisserait aux entreprises privées la possibilité de développer les énergies renouvelables en se fiant à la seule logique du marché. Ce parti souhaite laisser la totale liberté à la consommation qui favorise l’achat de véhicules utilitaires sport (VUS) et de voitures électriques. Ce parti refuse toute transformation significative des modes de production ou des types de consommation.
Le gouvernement Legault et sa défense du capitalisme vert pâle
Le gouvernement Legault évite certaines outrances conséquentes d’un ralliement ouvert à la défense du capital fossile. Il reconnaît l’importance de la crise climatique et se fixe comme la plupart des gouvernements l’objectif de la carboneutralité pour 2050. Mais, il refuse de reprendre les objectifs de réduction des GES proposés par le GIEC et se range dans le camp des climatorassuristes [1]. Tout va bien se passer, assure-t-il et le gouvernement veille au grain. Il souhaite que le gaz naturel utilisé soit renouvelable, mais il permet qu’Hydro-Québec s’allie avec Energir pour la diffusion du gaz naturel pour le maintien de cette source d’énergie dans le chauffage des maisons. Il propose la production de nouvelles centrales électriques pour réussir l’électrification du Québec.
Au lieu de se mobiliser pour l’efficacité énergétique, il s’apprête à subventionner les entreprises privées souvent possédées par de grandes entreprises pour développer l’éolien, renforçant ainsi la mainmise du capital privé sur la production de l’énergie au Québec.
Il ne s’agit pas pour lui de restreindre les exportations d’électricité, mais d’en augmenter la production y compris pour fournir de l’électricité à bas prix à des entreprises énergivores qu’il veut attirer au Québec. Il ne vise pas à réduire la consommation résidentielle d’énergie en favorisant la densification du territoire, mais il accorde la priorité au développement d’autoroutes qui favorisent l’étalement urbain. Il investit d’abord dans des infrastructures routières et souhaite profiter de la migration des grandes entreprises productrices d’automobiles vers les autos électriques, en favorisant un nouvel extractivisme sur le territoire du Québec. La CAQ a critiqué, durant la campagne électorale, la taxe proposée par QS sur l’achat de VUS. Il laisse ainsi l’achat de tels véhicules battre des records favorisant ainsi la vente de produits pétroliers dans le secteur des transports. La baisse d’émission de GES a stagné au Québec, si ce n’est une baisse en 21, non à cause des politiques gouvernementales, mais à cause de l’effet de pandémie. Si on juge un arbre à ses fruits, les gouvernements climatorassuristes, à Québec comme à Ottawa, nous mènent dans le mur, car ils ne partent pas d’une reconnaissance de la situation d’urgence climatique dans laquelle nous nous retrouvons, mais refusent de reconnaître la nécessité de prendre des mesures radicales. Ils refusent de prendre radicalement en compte la réalité de la crise et ils se maintiennent dans une logique économique basée sur la recherche continue de croissance. [2]
Tenir compte de cette réalité , c’est refuser la posture climatorassuriste d’une coalition comme le G15+ [3] qui refuse de tenir compte des intérêts économiques en jeu et dit se fier « dialogue social pour favoriser la transformation de l’économie québécoise vers une société plus solidaire, prospère et verte et placer le bien-être de la population au cœur des politiques publiques. » [4]
Promouvoir la concertation sociale, dans le contexte de crise, ne peut aboutir qu’à d’horribles impasses.
Les mouvements écologistes et les mouvements sociaux face aux débats sur la transition énergétique
« La décarbonation du Québec est un véritable projet de société », clament les signataires d’une lettre envoyée au premier ministre François Legault. C’est pourquoi près d’une centaine d’organismes environnementaux, d’universitaires, d’élus et de syndicats exigent un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) au sujet de l’avenir énergétique du Québec. L’examen du BAPE ne doit pas être limité dans sa portée, expliquent les signataires. Ils exigent un BAPE générique qui aurait le mandat d’aborder la décarbonation du système énergétique québécois dans sa globalité. [5]
À l’Assemblée nationale, le porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois a qualifié de « bonne idée « la demande de tenir un BAPE sur l’avenir énergétique. » (Voir ci-dessous, un extrait de la vidéo d’Haroun Bouazzi qui décrit la nécessité d’une consultation citoyenne véritable sur le projet de transition énergétique).
Construire un camp populaire dans le cadre de cette consultation
Si l’avis d’expert-e-s du BAPE est effectivement incontournable pour tenir compte des tenants et aboutissants de cette transition, il nous semble nécessaire, compte tenu de la dimension politique de ces débats, d’entreprendre une démarche de convergence du mouvement écologique et des mouvements sociaux qui reconnaissent la réalité de l’urgence climatique et qui refusent de se boucher les yeux sur les intérêts privés qui cherchent à tirer des profits de cette crise en se maintenant dans une logique de croissance et de développement d’un capitalisme vert.
Construire un front écologique populaire contre l’inaction des gouvernements climatorassuristes, c’est identifier une série d’orientations qui doivent déboucher sur des axes de combat en dehors de toutes illusions sur la collaboration et la concertation sociales.
Cette résistance du camp populaire pourrait se construire dans une démarche d’États généraux. Ces derniers devraient dont discuter des résistances à opposer aux refus d’actions radicales et aux écoblanchiments en place face à la situation d’urgence actuelle. Voici des propositions parmi de nombreuses autres que l’on retrouve dans les différents plans élaborés par les coalitions écologistes. Elles doivent fournir les bases d’une autonomie politique de la majorité populaire tant dans les débats qui viennent que dans les combats incontournables qui sont devant nous face à la crise climatique… :
- refus du gaz naturel comme une énergie de transition et rejet de l’entente entre Hydro-Québec et Énergir
- priorité à l’économie d’énergie et au développement de la sobriété énergétique sur la base d’un nouveau partage des ressources ;
- refus de l’autoélectrique comme solution à la transition énergétique et priorité donnée en termes d’investissements aux transports publics électrifiés ;
- nationalisation de toutes les entreprises d’énergies renouvelables (éolien, solaire, ...)
- reconnaissance de la nécessité d’une transformation profonde des modes de production et de consommations d’énergies et de biens matériels dans une optique de sobriété
- défense de la biodiversité et protection de l’eau face à l’accaparement marchand,
- démocratisation et décentralisation des choix économiques (et écologiques) et reconnaissance de la nécessité de l’alliance avec les Premières Nations du Québec dans cette lutte essentielle. [6]
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