tiré de : L A SOUPE AU CAILLOU NO 448 30 NOV 2020
Un geste avec une symbolique très forte avait marqué l’événement, et l’esprit de plusieurs : des centaines de gens qui forment une grande chaîne humaine et acheminent les 215 boîtes contenant les feuilles de la pétition du parc de l’Esplanade jusqu’à l’hôtel du Parlement. De grands espoirs avaient été mis dans l’idée d’une loi pour lutter plus efficacement contre la pauvreté. Des espoirs vite déçus pour certain∙e∙s. Car même si l’Assemblée nationale a fini par adopter– à l’unanimité – la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale en 2002, force est d’admettre que cela n’a pas donné des résultats à la hauteur des aspirations des mouvements sociaux.
Piétinement Ses choix budgétaires et ses trois plans d’action montrent à quel point le gouvernement n’a jamais pris au sérieux cette revendication capitale : faire de la lutte contre la pauvreté une priorité. Des gains parfois non négligeables ont bien sûr été obtenus (la fin, ou presque, du détournement des pensions alimentaires en 2019 et l’indexation automatique de toutes les prestations d’assistance sociale en 2011, par exemple). Mais il est des questions où les progrès sont particulièrement lents, où le Québec piétine plus qu’il n’avance. L’amélioration du revenu des personnes assistées sociales en fait partie. Longueur En vertu de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le gouvernement doit fixer des cibles à atteindre afin d’améliorer notamment le revenu des personnes assistées sociales. Il aura fallu attendre la publication en 2017 d’un troisième plan de lutte contre la pauvreté (donc 15 ans) pour qu’il se décide enfin à le faire.
Le gouvernement a alors déterminé des cibles de revenu pour chacun des programmes d’assistance sociale, ces cibles correspondant à un certain pour-centage de la Mesure du panier de consommation (MPC). Pour les atteindre, le gouvernement a choisi d’augmenter les prestations. Le plan de lutte contre la pauvreté ne cherche même pas à le cacher : l’augmentation des prestations d’Aide sociale et de Solidarité sociale a pour fonction de combler « un manque à gagner » dû à une progression plus rapide du coût de la vie.
Le mot augmentation est ici synonyme de rattrapage. Aussi, comme pour prouver hors de tout doute qu’il n’est jamais aussi grippe-sou qu’avec les plus pauvres, le gouvernement a fait le choix d’étaler ses augmentations sur quatre ans (2018-2021).Cibles Le 1er janvier 2021, date de la dernière augmentation prévue au plan d’action gouvernemental, le revenu disponible d’une personne à l’Aide sociale est censé équivaloir à 55 % de la MPC ; celui d’une personne à la Solidarité sociale, à 77 % de la MPC ; et celui d’une personne déjà admissible au futur Revenu de base, à 90 % de la MPC. Il va sans dire que ces cibles sont minimalistes.
Le gouvernement devrait rougir de honte d’accorder à des personnes des revenus inférieurs à ce qui est nécessaire pour combler les besoins de base selon la MPC. Pire encore, celui-ci cherche maintenant à se soustraire, en partie du moins, à ses maigres engagements en leur donnant une portée moindre que ce que la décence la plus élémentaire commande. Le gouvernement n’a jamais pris au sérieux cette revendication capitale : faire de la lutte contre la pauvreté une priorité.
Perte de valeur
Le gouvernement aurait pu annoncer lors de sa mise à jour économique du 12 novembre un ajustement afin de tenir compte de la révision de la MPC. Mais il ne l’a pas fait. Les dernières augmentations seront donc accordées non pas sur la base des seuils les plus à jour de la MPC, mais sur la base de seuils qui ne sont plus valides. Ce qui fait perdre de la valeur aux prestations d’assistance sociale, déjà insuffisantes pour pouvoir préserver sa santé et participer à la société.
Refus et reniement
Le gouvernement refuse depuis le début de la crise de la COVID-19 d’accorder une aide d’urgence aux personnes assistées sociales, qui en arrachent plus que jamais. Or, il s’apprête maintenant à renier un engagement, très minimaliste, pris auprès d’elles. Si ça ce n’est pas de l’acharnement, qu’est-ce que c’est ?
Révision
Statistique Canada a procédé récemment à la révision de la MPC (voir le no 446 de La Soupe au caillou). Une révision qui a abouti à une hausse des seuils de la MPC, en raison notamment d’une nouvelle façon (plus réaliste) de calculer le coût du loge-ment et de l’ajout de nouvelles composantes dans le panier de biens et services sur lequel est basée la MPC. Les seuils n’étant plus les mêmes, les montants qui de-vaient permettre, il y a quatre ans, d’atteindre 55, 77 et 90 % de la MPC ne le permettent plus aujourd’hui.
La MPC (révisée !) : un minimum
Pour tenter de renverser la vapeur et faire comprendre au ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, qu’il doit absolument respecter les engagements qui apparaissent dans le Plan de lutte à la pauvreté du gouverne-ment québécois, le Collectif a lancé la campagne La MPC (révisée !) :un minimum. Pour y participer, rien de plus facile ! Il suffit de vous rendre au pauvrete.qc.ca/mpc-re-visee-campagne/, où un formulaire vous permettra en quelques clics d’envoyer une lettre au ministre.
Que Jean Boulet se le tienne pour dit : on ne niaise pas avec les besoins de base !
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