Elles réaffirment à ce titre la nécessité de mettre en place un programme de régularisation des personnes sans-papiers et réclament que les politiques soient résolument orientées vers l’accès à la résidence permanente afin de cesser d’alimenter des situations de non-droit et à risque pour la santé et la sécurité de ces personnes.
Augmenter les cibles d’accueil des réfugiés et de la réunification familiale
La priorité donnée à l’immigration économique ne doit pas se faire au détriment des réunifications familiales et de l’accueil des réfugiés. Le gouvernement du Québec ne peut prétendre respecter ses engagements internationaux alors que 31 000 personnes réfugiées reconnues sur place, qui ont obtenu leur certificat de sélection du Québec, attendent leur résidence permanente. Force est de constater que le temps d’attente au Québec est bien plus élevé que dans le reste du Canada à cause des cibles d’accueil beaucoup trop basses.
De même, les seuils annuels d’entrée pour la réunification familiale, un autre droit fondamental, doivent être rehaussés.
Prioriser l’accès à la résidence permanente quel que soit le statut ou son absence
Dans la très grande majorité des cas, les personnes sans-papiers ont perdu leur statut parce qu’elles avaient un permis temporaire qui n’a pas été renouvelé en raison de situations non anticipées ou absurdes (tels les délais administratifs trop longs), que leur demande d’asile a été déboutée ou qu’elles n’ont pas réussi, pour toute autre raison, à obtenir un autre permis qui autorise la prolongation de leur séjour. Discuter du nombre d’admissions à la résidence permanente n’a donc pas de sens si la politique de planification pluriannuelle fait l’impasse sur la situation des personnes qui entrent avec un statut migratoire temporaire.
Or, le gouvernement continue d’instrumentaliser le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) qui mène pourtant à des abus et même à des cas de traite de personnes : entre 2015 et 2021, le taux de croissance des entrées au PTET a été 2,7 fois plus important au Québec que dans le reste du Canada. En outre, le gouvernement continue de vouloir exclure de l’accès à la résidence permanente les travailleuses et les travailleurs occupant des emplois dits peu spécialisés. Ce volet fournit pourtant le plus gros contingent de travailleurs du PTET ; les trois quarts d’entre eux proviennent chaque année du Mexique, du Guatemala et des Philippines, et subissent trop souvent une exploitation éhontée en raison de leur statut, qui dépend d’un permis de travail fermé lié à un seul employeur.
Outre le fait de réclamer au gouvernement du Québec qu’il appuie la régularisation des personnes sans-papiers, les organisations signataires demandent que les travailleuses et les travailleurs du PTET occupant des emplois peu spécialisés, y compris les travailleuses domestiques, puissent accéder à la résidence permanente selon des démarches simplifiées, sans parcours semé d’obstacles. Le souci de voir le français réapproprié par les personnes immigrantes ayant choisi de vivre au Québec ne doit pas être un prétexte pour les maintenir dans une situation de précarité permanente, mais doit se traduire par une véritable politique de soutien à la francisation, en multipliant l’offre de cours, en apportant une aide financière raisonnable, en leur donnant accès aux services de garde subventionnés, en revoyant le contenu et la modalité des tests, etc.
Concrétiser une démarche intersectionnelle
Le gouvernement du Québec s’est enfin prononcé pour adopter une analyse différenciée selon les sexes et selon les autres facteurs d’oppression (ADS+). Cela comprend notamment les travailleuses et les travailleurs racisés du PTET, dont celles et ceux dans le secteur agricole ou le travail domestique, qui sont particulièrement isolés et vulnérables vis-à-vis de leur employeur, et les femmes migrantes sans statut, très vulnérables aux agressions et harcèlement sexuels, au travail et dans le logement. Les droits de toutes ces personnes sont garantis par la Charte des droits et libertés et par les instruments internationaux relatifs aux droits humains et doivent être protégés en tenant compte de leur vulnérabilité particulière, notamment en soutenant mieux les organisations œuvrant auprès des personnes migrantes et immigrantes, qui ont déjà l’expertise pour leur offrir des soutiens adaptés à leurs besoins particuliers.
Citations
Les travailleuses et travailleurs migrants viennent avec un espoir, un espoir d’épanouir leur compétence professionnelle, un espoir de vivre dans le respect, un espoir de devenir membres à part entière de la société québécoise, mais tous ces espoirs cruellement brisés. Nous sommes condamnés à être attachés à des conditions de travail précaires et au statut migratoire précaire, exposés à tous les types de violation des droits de la personne, même à perdre le statut.
Grace Meyanwi Anye, travailleuse migrante, membre, Centre des travailleurs et travailleuses immigrants
Nous, les quatre centrales syndicales du Québec, sommes solidaires des revendications des personnes sans-papiers. Ces personnes ne demandent qu’à être reconnues, qu’on respecte leurs droits et qu’à pouvoir vivre dignement. Nous les côtoyons entre autres dans les milieux de travail et nous savons qu’elles méritent mieux. Il s’agit d’une question de justice et d’égalité qu’il est urgent de régler, et la Consultation sur la planification de l’immigration est le moment parfait pour que le gouvernement du Québec envoie un message fort en ce sens.
Luc Vachon, président, Centrale des syndicats démocratiques
Les nouvelles politiques en immigration, que le gouvernement de monsieur Legault est en train de mettre en place, ne feront que pénaliser les plus précaires de notre société. Celles et ceux qui, il n’y a pas si longtemps durant la pandémie de la COVID-19, ont été qualifiés de travailleuses et travailleurs essentiels et même d’anges gardiens. Celles et ceux que ce gouvernement a reconnu leur contribution en sauvant des vies, et même dans certains cas, ont perdu la leur dans ce vouloir d’être perçus et acceptés un jour comme citoyens à part entière. Maintenant, qu’elles et ils sont reconnus comme résidents permanents, le rêve d’être réunis avec leur famille devient un mirage qui ne fait que les amener à se demander si le Québec est la terre d’accueil qu’elles et ils veulent se faire croire.
Frantz André, porte-parole, Comité d’action des personnes sans statut
« Les régimes de permis de travail spécifiques aux employeurs, y compris certains programmes de travailleurs étrangers temporaires, rendent les travailleurs migrants vulnérables aux formes contemporaines d’esclavage, car ils ne peuvent pas dénoncer les abus subis sans craindre d’être expulsés », a déclaré Tomoya Obokata, rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, à l’issue d’une visite de 14 jours dans le pays. « Le Canada doit permettre à tous les migrants un meilleur accès à la résidence permanente, afin d’éviter que les abus ne se reproduisent », a déclaré l’expert de l’ONU.
À propos
Ce point de presse est porté par ces organisations, et voici quelques-uns des mémoires disponibles.
– Amnistie internationale Canada francophone
– Association pour les droits des travailleuses.rs de maison et de ferme (DTMF-RHFW)
– Au bas de l’échelle (ABE)
– Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
– Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
– Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI)
– Centre justice et foi
– Clinique pour la justice migrante (CJM)
– Collectif Bienvenue / Welcome Collective
– Comité d’action des personnes sans statut (CAPSS)
– Confédération des syndicats nationaux (CSN)
– Conseil central du Montréal métropolitain-CSN (CCMM-CSN)
– Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM)
– Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
– L’Écho des femmes de la Petite Patrie
– Le Québec c’est nous aussi (LQCNA)
– Ligue des droits et liberté (LDL)
– Migrante Québec
– PINAY
– Solidarité Sans Frontière (SSF)
– Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)
[Annexe] Informations
– De 2015 à 2022, les entrées annuelles des personnes avec un statut temporaire, soit comme demandeuses et demandeurs d’asile, étudiantes et étudiants internationaux ou travailleuses et travailleurs migrants, ont presque triplé, passant de 484 335 à 1 249 145 au Canada, et de 74 135 à 211 395 juste au Québec. Or, le nombre de résidences permanentes délivrées par année n’a pas même doublé, en passant de 271 840 à 437 500 au Canada et de 49 015 à 68 705 au Québec, selon les données de l’IRCC.
– Avec la croissance du nombre de personnes entrées par le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) entre 2015 et 2022, ce nombre est de 38 390 entrées au Québec en 2022 et 37 335 de janvier à juin 2023. Les données sont bien sûr plus importantes si on inclut le nombre cumulé de travailleurs et travailleuses temporaires présents sur le territoire.
– De 2015 à 2022, 168 240 permis de travail ont été délivrés au Québec dans le cadre du PTET. Sur la même période, seulement 3080 personnes, qui étaient entrées au Canada par le PTET, ont obtenu la résidence permanente au Québec, soit 0,8% par rapport au nombre des permis, selon les données de l’IRCC.
– Programme de régularisation pour les sans-papiers : comprendre les enjeux (document d’information de Solidarité sans frontières)
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