Son nom officiel est l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) entre le Canada et la Chine.
On commence à mieux connaître ces drôles de dédales juridiques que sont les accords sur la protection des investissements. Ces traités permettent à des compagnies de poursuivre les gouvernements si ces dernières s’estiment lésées dans leur liberté de commercer. Les litiges sont traités par des tribunaux d’experts non transparents. Leur modèle est le fameux chapitres 11 de l’ALENA, qui a coûté au gouvernement canadien environ 170 millions$, payé à même nos taxes, en poursuites diverses.
Les gouvernements peuvent être poursuivis à tout moment mais les compagnies, quant à elles, n’ont ni obligations ni responsabilités légales. Tout pour les compagnies, rien pour les États. On se demande quelle sorte de démocratie peut permettre ça.
Pourtant, notre gouvernement multiplie ces ententes inacceptables. Le Canada a conclu six de ces accords depuis 2011 et douze sont présentement en négociation. On retrouve aussi ce genre de disposition dans les accords de libre-échange, dont celui avec l’Union européenne en cours de négociation.
Le gouvernement Harper devrait plutôt remettre en question ces dispositions sur les investissements, comme le fait l’Australie, un pays qui refuse désormais de négocier de telles ententes aux effets pervers sur les populations et la démocratie, et qui s’est exclu des négociations sur l’investissement dans le cadre du Partenariat transpacifique.
Nous sommes déjà soumis à ce genre de disposition avec les États-Unis par l’ALÉNA. Si nous acceptons que ce modèle s’impose aussi dans nos accords avec l’Europe et la Chine, les compagnies des trois plus grandes puissances au monde — là où il y a le plus grand nombre de multinationales — pourront poursuivre les gouvernements canadiens s’ils prennent des mesures qui ne leur conviennent pas. C’est donc une perte considérable pour notre souveraineté.
Plusieurs aspects sont très inquiétants dans cet APIE avec la Chine :
- Cet accord a été négocié dans le plus grand secret à l’abri de tout regard indiscret, selon les tristes habitudes du gouvernement Harper — cet accord-là encore plus que les autres.
- Il s’agit d’un accord énorme, complexe, avec des conséquences considérables ; or le gouvernement Harper ne prévoit même pas qu’il soit voté ni discuté au Parlement. Ce qui soulève à juste titre l’indignation de l’opposition, plus particulièrement de la part du NPD et du Parti Vert.
- Cet accord touche aussi les municipalités et les provinces. Il semble évident que ni les unes ni les autres n’ont été consultées et qu’on se passera de leur consentement.
- Cet accord n’est pas réciproque. L’accès des compagnies chinoises au marché et aux ressources naturelles canadiennes est beaucoup plus grand et plus facile que celui accordé aux compagnies canadiennes en Chine. La Chine est un pays non démocratique peu favorable au libre marché. Cet accord risque donc d’être très avantageux pour les entreprises chinoises, mais pas pour les entreprises canadiennes.
- Ce traité s’appliquera jusqu’en 2027, ou peut-être jusqu’en 2042. Il sera très difficile d’y mettre fin avant sa date d’échéance.
Il est difficile de comprendre les motivations de Stephen Harper de négocier un accord qui semble aussi mauvais. Est-ce que son aveuglement idéologique en faveur du marché complètement libre est tellement grand qu’il est prêt à tout ouvrir aveuglément, sans s’occuper de la réciproque ? Est-ce qu’il veut tellement exporter le pétrole et les matières premières qu’il est prêt à transformer le Canada en bar open, sans réfléchir aux conséquences ?
L’implication bien réelle des compagnies chinoises dans le pétrole des sables bitumineux laisse penser qu’il s’agit là d’une motivation majeure. L’offre d’achat de la société d’État chinoise CNOCC à la pétrolière albertaine Nexen Inc. montre bien que les ressources naturelles canadiennes sont bien dans la mire du gouvernement chinois.
Plusieurs considèrent, à juste titre, que ce traité avec la Chine est le plus important signé par le Canada depuis l’ALÉNA. Pourtant, l’accord risque d’être ratifié sans le moindre débat, parce que le gouvernent Harper a volontairement retenu l’information à son sujet et refuse d’en débattre publiquement.
Le NPD et le Parti vert sont résolus à mettre tout leur poids dans la balance pour au moins lancer un débat démocratique et permettre à la population de comprendre cette entente monstrueuse. Chez nous, le Parti québécois a le pouvoir d’intervenir sur cet accord, du moins dans les domaines de juridiction provinciale, et doit se saisir de cette question urgemment.
Cet accord soulève des enjeux majeurs concernant notre souveraineté, notre démocratie, voire aussi la constitutionnalité du traité. Le débat doit absolument se faire.
Si vous souhaitez écrire à Steven Harper à ce sujet, nous vous recommandons la lettre qui suit que vous pourrez adapter à votre guise. Il faudra la faire parvenir avant le 1e novembre à l’adresse suivante : pm@pm.gc.ca
Monsieur le Premier Ministre,
Votre gouvernement s’apprête à signer le jeudi 1er novembre prochain l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) entre le Canada et la Chine.
Nous vous demandons de repousser cette signature tant qu’un vrai débat démocratique ne sera pas fait sur cet accord.
Cet accord nous inquiète au plus haut point :
- Il a été négocié dans le plus grand secret.
- Il permet à des compagnies chinoises de poursuivre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux devant des tribunaux secrets.
- Il est énorme et complexe, avec des conséquences considérables.
- Il touche aussi les municipalités et les provinces.
- Il n’est pas réciproque et est négocié avec un pays non démocratique.
- Il s’appliquera jusqu’en 2027, ou peut-être jusqu’en 2042.
Pour toutes ces raisons, cet accord ne semble pas avoir été négocié dans l’intérêt des Canadiens et de Canadiennes et ne devrait en aucun cas leur être imposé sans débat et sans l’accord des provinces.
Le respect élémentaire de la démocratie exige qu’aucun accord commercial ne soit signé sans la tenue préalable d’un débat public sur les termes prévus dans l’accord.
Nous vous demandons d’être à l’écoute de la population canadienne et considérons que l’organisation de ce débat devrait être une priorité de votre gouvernement.
Recevez, Monsieur le Premier Ministre, mes salutations distinguées.