Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire

Conseil national de Québec solidaire du 10-11-12 février 2023

Une difficile introspection !

Pour Québec solidaire, il s’agissait de faire le bilan de sa dernière campagne électorale ; une campagne qui, en se soldant avec le gain d’un seul député en plus (11 plutôt que 10), a été loin de répondre à toutes les attentes et espoirs qu’on y avait investis. Que s’est-il passé ? Comment expliquer ? Telle était en fait la raison de fond de ce Conseil national qui a réuni à Montréal, au College Ahuntsic près de 300 délégués de QS. Mais quel bilan peut-on en tirer ?

Une grande diversité de griefs

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’au-delà des apparences et du décorum que la direction de QS a su maintenir avec beaucoup de doigté ("Je suis serein", avait déclaré Gabriel Nadeau Dubois), les critiques n’ont pas manqué de fuser de toutes parts. On a pu s’en rendre compte lors des séances à huis clos : certes de façon posée et souvent très éclatée, mais toujours de manière assurée, les griefs ne s’en sont pas moins multipliés sans équivoque possible.

Des griefs quant à la parité dans les comtés gagnables (fortement mise à mal : 7 députés/hommes, 4 députés/femmes) et quant au fait que les candidates femmes ne sont pas senties, particulièrement en régions éloignées, suffisamment entendues.

Des griefs quant à un recentrage électoraliste du parti et à l’oubli de ses racines anti-capitalistes, ou encore quant à la contre-productivité de la loi 96 soutenue par QS, tout comme au mauvais choix de la taxe orange proposée lors de la campagne électorale qui notamment s’attaquait aux classes moyennes supérieures et non pas aux multinationales et au 1% des plus riches.

Des griefs quant à la mise en berne —et ce n’est pas rien !— de la question de l’indépendance et de la volonté de faire le pays.

Des griefs quant aux politiques d’investiture en vigueur où l’on épuise les candidats et où l’on va chercher des membres à carte pour l’emporter coûte que coûte, mais qui après ne s’impliquent pas !

Des griefs quant à la non-compréhension de ce que sont les régions et leurs besoins.

Des griefs, qui combinés les uns aux autres, sont donc loin d’être négligeables ! De manière générale cependant, les critiques les plus vives et les plus senties (les mieux reçues) sont venues des candidates non élues issues des régions mais qui souvent ne se sont pas senties assez écoutées et reconnues comme telles par le parti.

Des pistes de solutions bien minces, ou à venir

Mais si toutes ces critiques n’ont pas manqué d’être exprimées avec force, il en fut tout autrement pour les pistes de solutions pressenties et les réflexions d’ordre politique qu’elles auraient dû susciter. Lors de ce conseil, on en est resté vaille que vaille, soit à des propositions très générales et peu engageantes, soit à des décisions qu’on a renvoyées à des instances futures, sans donc grande portée immédiate. Le tout sans discussion politique de fond touchant par exemple à la parité, à ses objectifs féministes et démocratiques, ou encore à la difficulté de percer dans les régions et à l’oubli de la question nationale (2 questions en fait étroitement liées !), ou même au possible recentrage électoraliste du parti et à la nécessité ou non de cette fameuse taxe orange. Comme si le parti n’arrivait pas encore à vraiment mettre le doigt sur les raisons décisives qui auraient expliqué sa faible et décevante progression. Et qu’en attendant, il palliait dans l’improvisation, au plus pressé.

D’où les propositions incertaines qui sont sorties du conseil national, comme celle —pourtant amendée et radicalisée— touchant à la parité : " Que des moyens soient développées et adoptées dans une instance nationale pour imposer des candidatures féminines dans les circonscriptions spécifiques dans l’objectif de maximiser la possibilité d’obtenir un caucus paritaire suite aux élections générales."

D’où aussi les débats parfois un peu fumeux qui se sont déroulés pour savoir par exemple si l’on devait —une fois le principe de tournée dans les régions validé— faire une tournée seulement de consultation, ou seulement de mobilisation, ou les deux à la fois !!!!

D’où enfin le renvoi implicite de nombreuses questions (touchant par exemple aux conditions des investitures, au rôle des associations de comté, au renforcement démocratique de la vie du parti, à l’existence de réseau militants, etc.) au congrès de novembre 2023 où sera proposée une refonte générale des statuts du parti.

De quoi en somme sortir de ce conseil passablement partagé... partagé entre d’une part la certitude qu’il existe une indéniable volonté venant de la base de mieux faire face aux défis posés à QS par la difficile conjoncture politique, et d’autre part l’incertitude quant aux moyens politiques qui à l’avenir seront mis en oeuvre par sa direction pour y arriver.

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PS : deux illustrations de ces sentiments si partagés

1) Tout d’abord à propos... de la minute de silence qui, le samedi matin, a été demandée par Gabriel et Manon aux délégués en hommage aux victimes de la tragédie de la garderie éducative Sainte Rose. En effet, si l’on peut trouver tout à la fois juste et judicieux (en termes de communication) de partager la douleur collective qu’a suscitée la mort de ces 2 tous jeunes enfants et de s’en faire l’écho avec beaucoup d’empathie, on peut s’interroger cependant sur ce qui a été oublié au passage. Pourquoi QS ne l’a fait qu’en collant de manière a-critique aux émotions collectives façonnées par les grands médias du Québec, et sans se référer à ses propres valeurs en la matière ? Par exemple il y a eu —pratiquement au même moment— un tremblement de terre responsable, dans des conditions hivernales particulièrement difficiles, de la mort de plus de 20 000 personnes (dont de nombreux enfants !) en Turquie et en Syrie, là où notamment combattent des milices Kurdes dont pourtant les principes politiques (féminisme, démocratie directe, luttes écologiques, etc.) font étroitement écho à ceux de QS. Pourquoi n’a-t-on pas profité de cette occasion pour rappeler ce qu’il en est de notre altermondialisme, et de la nécessité vitale de la solidarité internationale ?

2) Ensuite, à l’occasion... de l’activité conjointe de solidarité envers le peuple et les femmes d’Iran "Femme, Vie, Liberté"— organisée le samedi à midi- par la commission altermondialisation et solidarité internationale et la commission nationale des femmes et au cours de laquelle sont intervenues Nima Machouf, Ruba Ghazal et Shérazade Adib. Il était bon de voir la salle prévue pour l’activité, remplie à craquer, et de découvrir le rôle très actif joué (grâce notamment à la député de Mercier Ruba Ghazal) par QS dans la coordination de parrainages de soutien aux victimes de la répression. Il était bon aussi de réaliser comment la lutte des femmes iraniennes, pour en finir avec l’obligation du port du voile, avait été reprise par tout un peuple, rendant ainsi possible des alliances chaque fois plus larges susceptibles d’installer à termes les conditions de la chute du régime dictatorial si honni des Mollahs.

Pierre Mouterde
Sociologue, essayiste
Membre de la commission altermondialisation, et pour l’occasion délégué de Taschereau.

Pierre Mouterde

Sociologue, philosophe et essayiste, Pierre Mouterde est spécialiste des mouvements sociaux en Amérique latine et des enjeux relatifs à la démocratie et aux droits humains. Il est l’auteur de nombreux livres dont, aux Éditions Écosociété, Quand l’utopie ne désarme pas (2002), Repenser l’action politique de gauche (2005) et Pour une philosophie de l’action et de l’émancipation (2009).

Messages

  • Excellent article
    je ne pouvais pas être à ce conseil mais j’ai effectivement eu le sentiment que QS depuis la pandémie s’éloignait de tout ce qui pouvait être même de loin être assimilé à une politique de gauche digne de ce nom et étant dans le milieu de la santé j’ai été très déçu de voir l’absence de critiques significative de la gestion catastrophique caquiste de la crise et l’a d’andin des travaille la santé à l’incompétence caquiste en prévention

  • Cher Pierre,
    Je partage un élément de ton texte et suis en désaccord avec un autre.
    1- Si QS réaffirmait son orientation pour la souveraineté du Québec et en faisait un point fort de ses plates-formes électorales, il pourrait faire des gains chez les 35 à 40 % des Québécois qui demeurent favorables, incluant les mous, à cette option. À ça je suis en accord.
    2- Le point où je ne suis pas du tout en accord, c’est que si QS faisait la même chose, en proclamant clairement en campagne électorale qu’il est anticapitaliste, ce serait alors désastreux électoralement. Les QuébécoiSESs anticapitalistes vous n’êtes que 1 à 2%. De plus, quand tu prétends que « les racines du parti », est l’anti-capitalisme… Je te concède UNE racine, très, très minoritaire aujourd’hui, et j’ajouterais depuis toujours chez les Québécois, donc électoralement très défavorable. Une racine, oui, celle de l’ex-PDS, partie minoritaire de l’Union des forces progressistes, puis politiques.
    Alors un parti clairement souverainiste, oui ce serait avantageux électoralement. Par contre, un parti anti-capitaliste, ce serait très désavantageux électoralement. Et comme, de mon point de vue, un parti politique vise à représenter la population…

    Mon cher Pierre, tu peux être sociologue quand tu affirmes que QS devrait se proclamer plus clairement souverainiste. Par contre, quand tu parles d’exposer son anticapitalisme, tu ne peux être qu’un militant…

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