Il s’appuie plutôt sur des préjugés et abus de langage. Il assimile ainsi le port passif d’un signe religieux à une forme de prosélytisme.
Il prône une laïcité « falsifiée » qui ne vise plus la protection du pluralisme religieux, mais qui s’y attaque et sert de paravent à l’islamophobie.
D’ailleurs, c’est souvent un racisme décomplexé qui vient combler l’absence de justifications claires.
Les propos des Janettes ne sont qu’un pâle reflet de ce qui se dit sur les réseaux sociaux.
La laïcité « falsifiée » mise de l’avant par le PQ constitue un vecteur de préjugés envers l’islam et les personnes présumées y adhérer.
C’est un vecteur d’islamophobie.
Du flou entretenu au racisme décomplexé
La confusion du gouvernement entre laïcité de l’État et sécularisation de la société laisse place à un véritable procès des religions.
Des craintes sur la place de la religion dans la société, principalement l’islam, sont mises de l’avant renforcées et amplifiées par le débat public.
Elles sont si vagues et si exagérées que, comme en Europe, aucune loi ne pourra les satisfaire avant l’assimilation complète dudit fait religieux.
Or, le discours qui les entoure véhicule d’abord (1) des stéréotypes négatifs sur l’islam et les musulmans. Ensuite (2) l’idée que cette religion est incompatible avec la société, l’identité ou les valeurs québécoise.
Ceci témoigne d’une répercussion mondiale de ce que J.Y Camus a qualifié de « victoire idéologique » du national populisme européen.
Ici, le Ministre Drainville a cautionné l’idée d’une « islamisation du Québec ».
Nous trouvons une rumeur dénoncée par le site Hoaxbuster, à savoir que des femmes seraient payées pour porter le voile, se retrouve dans l’avis du Conseil du Statut de la Femme.
Pour la Première-ministre, le foulard n’est plus un choix spirituel acceptable en démocratie, mais se réduit à une forme de soumission sexiste. Ce qui, rappelle Amnistie Internationale, est déjà une forme de préjugé.
Les préjugés islamophobes atteignent le Québec dans ses plus hautes sphères.
Le rôle du Net
La Toile est devenue un terrain de prédilection pour la diffusion et la progression de l’islamophobie selon plusieurs groupes dont la Commission Européenne contre le racisme et l’intolérance.
Selon un co-fondateur du site Hoaxbuster, une rumeur sur deux toucherait l’islam.
Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) remarque que la technologie est utilisée par différents groupes populistes identitaires et islamophobes.
Plusieurs sites conspuent également la notion de citoyenneté, note-t-il, au profit d’une nation ethno-culturellement différenciée. Cette exacerbation des différences justifie à leurs yeux la ségrégation des différentes cultures dans des espaces géographiques distincts.
L’islamophobie est une industrie. Ses figures de proues et organes de diffusions internationalisés et ses sources de financement sont bien identifiés.
Aux État-Unis, le rapport Fear inc., a identifié ses sources de financement. Fainess and Accuracy in Reporting (FAIR) identifiait dès 2008 douze de ses figures de proue professionnelles.
Le Council on American-Islamic Relations (CAIR) identifie cette année 37 groupes faisant la promotion de préjugés haineux contre les musulmans, ayant eu accès à 119 662 719 $ de revenu entre 2008 and 2011.
Les médias auraient de quoi en faire un dossier complet. Pourtant …
La spirale islamophobe …
Au gré de l’actualité politique, les contenus - articles, images ou vidéos – produits par cette industrie circulent de plus belle. La spirale s’amorce.
Les partis politiques récusent les débordements, les incivilités et la violence. Nous ne doutons pas de leur sincérité.
Mais « flirter » plus ou moins innocemment avec la crainte irrationnelle d’une image stéréotypée de l’islam pour satisfaire une opinion publique façonnée par l’effet délétère de cette véritable « facho-sphère », ce n’est pas sans conséquences.
… et ses conséquences réelles
En France comme en Belgique, le discours islamophobe qui entoure le durcissement des lois sur les signes religieux participe à une augmentation du racisme et de la discrimination.
Elle s’étend du secteur public vers le privé. Et se traduit par l’augmentation vertigineuse des violences verbales et physiques envers les musulmans.
« La France est passée d’une islamophobie politique à une islamophobie culturelle, relayée médiatiquement et politiquement », observe le Collectif contre l’islamophobie en France (CCiF).
Aujourd’hui, une personne par jour et une institution par semaine sont victimes d’une agression islamophobe, selon le CCiF. C’est 27 fois plus qu’en 2008.
Les données recueillies jusqu’à présent par Mark ethnik pour le CQCI laissent présager une dynamique semblable.
Aussi 18% des musulmans déclaraient récemment que quelqu’un de sa famille a été victime d’un acte criminel ou haineux en raison de leur religion, 18,5 % qu’ils en ont été témoin directement et 25,6 % qu’ils en ont été victime. Seul 23 % se sentent en sécurité dans la rue.
On rapporte de plus en plus d’agressions verbales et physiques contre des femmes portant le foulard.
Le gouvernement Marois importe ces problèmes au Québec. Des responsabilités ignorées
Le gouvernement Marois et son Ministre de la Justice devrait plutôt honorer leurs responsabilités envers la lutte contre le racisme et la discrimination.
Obligations qui découlent de la Charte de 1975. La Loi sur l’exercice des droits fondamentaux … rappelle qu’elles font également parties d’un « engagement résolu » de l’État québécois.
Rappelons aussi les Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Deux conventions signées sous les gouvernements de René Lévesque.
Les Études sur la souveraineté actualisée en 2001 soulignaient également l’importance pour le Québec de respecter ces engagements en matière de droits fondamentaux et de protections des minorités.
Tout comme le document de 1995 « La souveraineté, réponse à vos questions ! » se faisait rassurant à cet égard.
En 1998, Pauline Marois signait un document stipulant que « « le simple port du hijab ne peut être interdit dans les écoles québécoises ».
En 2005, l’actuel ministre Sylvain Gaudreault dénonçait une forme de laïcité au « racisme sous-jacent ».
En 2007, l’actuel ministre Jean-François Lisée rejetait les mesures actuelles qu’il qualifiait de « populiste ou d’extrême droite ».
Aujourd’hui, le gouvernement Marois a-t-il oublié ses déclarations, ces engagements et ses obligations ?
Par Siegfried L. Mathelet, Post-doctorant UQAM, philosophie
Et Adil Charkaoui, coordinateur du Collectif québécois contre l’islamophobie (CQCI) ; doctorant en sciences de l’éducation (UdM) et professeur au secondaire
Notes