Sanctions et « crise du gaz » ?
Une guerre des sanctions venant de Russie et de l’Occident serait explosive pour l’Ukraine, de même que son intégration à un « bloc » contre l’autre. Le projet de « Partenariat oriental » proposé par l’UE à six pays limitrophes est aberrant, à la fois dans son contenu de libéralisation destructrice et parce qu’en contradiction avec des liens économiques avec la Russie : il divise la Moldavie et a été à la racine de la crise ukrainienne de novembre ?[2].
Une nouvelle « crise du gaz », comme celle de 2006 entre la Russie et l’Ukraine, serait un désastre, pour l’Ukraine et pour beaucoup d’autres pays. Compte tenu des besoins et de l’épuisement d’autres gisements, la dépendance de l’UE au gaz russe devrait passer de près de 50% à 70% d’ici à 30 ans. Ecrasante pour les anciens membres ou partenaires de l’URSS, elle est de 65% en Autriche, 37% en Allemagne et en Italie, des pays qui ont cherché des accords directs avec Moscou. La Commission européenne prônait plutôt de s’émanciper du gaz russe via le projet Nabucco. Mais essuyant plusieurs revers et trop coûteux, celui-ci a été abandonné en juin 2013.
La Russie reste donc le premier fournisseur de gaz naturel de l’UE qui transite à 80% par l’Ukraine. Mais l’UE est ce faisant aussi une ressource majeure et un partenaire commercial important pour la Russie. L’Ukraine est donc un lien entre les deux.
Divisions : fragilité ou atout ?
On ne peut assimiler les régions russophones de l’Ukraine à la Crimée, ce « cadeau », alors anodin, de Khrouchtchev en 1954. Lors du référendum de 1991, alors que même les régions de l’Est russophone votaient à plus de 80% pour l’indépendance, seuls quelque 30% de la population de Crimée votaient oui, et il fallut l’octroi d’une radicale autonomie en 1993 pour empêcher une logique de sécession. Les 12% de Tatars de Crimée qui ont appelé à boycotter le récent référendum – comme les Albanais de Macédoine ou les Serbes de Croatie avaient boycotté les référendums d’indépendance de ces républiques – se trouvent à leur tour en position charnière pour négocier des droits sociaux et nationaux, côté russe et ukrainien.
On peut et doit chercher à transformer ces conflits en atouts et dépasser au plus vite les incertitudes constitutionnelles et politiques qui sont sources de manipulations explosives : l’actuel « gouvernement d’union », même s’il comporte une part de légitimité, est une déformation aussi bien du poids réel de l’extrême droite dans le pays, que des autres partis et des aspirations de Maïdan. L’élection présidentielle ne permettra pas non plus une représentation du pays tout entier ni des choix pluriels possibles.
Il faut donc une procédure démocratique permettant aux populations de tout le territoire de s’exprimer sur les programmes proposés, mais aussi pour que toute la clarté soit faite sur la centaine de morts de cette grave crise. Une commission d’enquête ad hoc, sous contrôle populaire et international pluraliste, devrait permettre que les responsables répondent de leurs actes devant la justice. Parallèlement, une assemblée constituante représentative de tout le pays devrait être convoquée.
Les populations de Crimée, quelles aient participé ou pas au récent référendum, ne pourraient-elles pas alors y prendre part ? (Article publié sur le site du NPA le 27 mars 2014)
Notes
[1] russeurope.hypotheses.org [2] http? ://www.europe-solidaire.org/spip.php?article30944