Alain Deneault poursuit son travail rigoureux pour déconstruire l’image
bienfaisante du Canada, cette fois-ci dans le domaine bancaire et fiscal,
révélant au public canadien ce qui constitue le plus grand vol du siècle.
Dans un livre aux révélations déroutantes, l’auteur montre comment, sous
l’impulsion de banquiers, juristes et hommes politiques canadiens, des
législations des Caraïbes se sont graduellement converties en « États de
complaisance » dont certaines comptent aujourd’hui parmi les plus
redoutables du monde. Un ancien ministre canadien des Finances, Donald
Fleming, a développé le modèle offshore des Bahamas. Jim MacDonald, avocat de Calgary et ancien bonze du Parti conservateur, a structuré aux Îles Caïmans des lois rendant opaque le secret bancaire. Le gouvernement du Canada, sous ’l¹égide de Paul Martin, a fait de la Barbade le havre fiscal de prédilection des entreprises canadiennes puis a signé un accord de
libre-échange avec le Panama sous le gouvernement Harper, repaire mondial
des narcotrafiquants. Aujourd’hui, le Canada va même jusqu’à partager son
siège dans les instances de la Banque mondiale et du Fonds monétaire
international avec un collectif de paradis fiscaux de la Caraïbe britannique
et parler en leur nom.
Alors que le Canada peine à combattre avec sérieux l’évasion fiscale, il
semble pourtant n’avoir aucune difficulté à intensifier sa « compétitivité
fiscale ». Le gouvernement fédéral y va donc de grandes déclarations de
principe contre les paradis fiscaux, tout en favorisant leur essor et tout
en déplorant ne pas disposer de revenus suffisants pour financer les
services publics. À ce titre, on peut aisément citer une liste non
exhaustive de politiques fiscales accommodantes pour les grandes entreprises et les investisseurs :
– · diminution du taux d¹imposition des entreprises au fédéral de 37,8 %
en 1981 à 15 % en 2012 ;
– · élimination de la taxe sur le capital en 2006 ;
– · diminution du pourcentage imposable des gains en capitaux de 75 % en 1998 à 50% en 2000 ;
– · exonération des taxes de vente et des tarifs douaniers pour certaines
entreprises d’exportation (Programme portes et Corridors du Canada) ;
– · possibilité pour certaines entreprises de reporter indéfiniment le
paiement de leurs impôts, de sorte qu’entre 1992 et 2005, les 20 plus grands reports d’impôt au Canada ont augmenté de 29,4 milliards de dollars, ou 199 %, passant de 14,8 milliards de dollars en 1992 à 44,2 milliards en 2005 bonification du programme d’actions accréditives pour certaines compagnies du secteur minier, pétrolier et gazier ;
– · possibilité pour certaines compagnies minières, pétrolières et
gazières de se constituer en fiducies de revenus non imposables ;
– · imposition à la baisse des biens imposables canadiens possédés par
des non-résidants.
Toutes ces politiques font en sorte qu’à l’heure actuelle, le Canada prend
drôlement l’allure d’un paradis fiscal en règle. Car si le réseau offshore
est souvent associé aux palmiers ou aux montagnes suisses, il est donc temps d’y ajouter les étendues enneigées et la feuille d’érable.
Table des matières
Introduction : La fuite en avant
Chapitre premier : 1889 – Le Dominion du Canada
Pivot bancaire des États-Unis et de la Caraïbe
Chapitre 2 : 1960 – Les Bahamas
Repaire du crime organisé américain
Chapitre 3 : Les Îles Caïmans
Havre de la haute finance spéculative
Chapitre 4 : 1974 – La Jamaïque
Zone franche industrielle
Chapitre 5 : 1980 – La Barbade
Refuge des firmes canadiennes offshore
Chapitre 6 : 1985 – Le Québec
Minéralo-État
Chapitre 7 : 1986 – Les Îles Turques-et-Caïques
Onzième province canadienne en perspective
Chapitre 8 : 1994 – L’Ontario
Pôle financier de l’industrie minière mondiale
Chapitre 9 : 1998 – Le Canada
Paradis fiscal
Chapitre 10 : 2006 – Halifax
Arrière-boutique des Bermudes
Chapitre 11 : 2009 – Le Canada, les Bahamas, la Barbade, le Belize, Saint-Knitts-et-Nevis...
Lobby offshore à la Banque mondiale et au FMI
Chapitre 12 : 2010 – Le Panama
Plaque tournante du narcotrafic
Conclusion : État de siège social
Notes
Bibliographie sélective
Glossaire
L’équipe
Index