Lorsque la flamme olympique, sur sa route vers les Jeux d’hiver de Vancouver, a fait étape dans la communauté Mohawk de Kahnawake au Québec, l’affrontement entre politique et sport a provoqué d’épineuses négociations.
Au lieu de suivre le protocole complet d’une cérémonie Olympique, on glissa la torche dans la voiture d’un médiateur amérindien, elle y fit une courte distance avant d’être remise à Alwyn Morris, un kayakiste Mohawk médaillé d’or aux Jeux Olympiques de 1984. Morris a tenu la torche dans les airs et traversé le village en trottinant, terminant ainsi cette étape du tour de la flamme à travers le pays. Mais derrière lui, le cortège était vraiment plus petit que ceux qui avaient accompagné les autres relayeurs : l’escouade de Gendarmerie royale du Canada brillait particulièrement par son absence.
Le message était clair, les policiers canadiens n’étaient pas les bienvenus sur le site où en 1990 eu lieu le blocus d’Oka. (1) La flamme, elle, fut bien accueillie. C’est vrai que quelques personnes, portant le slogan « Éliminez le poison. Éteignez la flamme », exprimèrent une résistance contre les Jeux Olympiques de Vancouver, un spectacle se déroulant sur une terre volée dans une ville qui néglige et emprisonne sa population aborigène. Mais les critiques considérant le nationalisme canadien comme le socle des Jeux ne se sont pas largement propagées. La foule de quelques centaines de personnes acclamant sans relâche la flamme fut plutôt emportée par d’autres sentiments – à savoir la croyance dans le pouvoir et la bonté du sport. Comme le Grand chef Michael Delisle Jr. le confia à un journaliste : la flamme constitue une « lueur d’espoir ». Alwyn Morris ajouta : « La torche symbolise l’unité, la paix, un moment familial et amical, elle unifie le pays ».
De tels sentiments sont répandus au sein de la communauté Kahnawake. On peut en trouver la trace dans les petits papiers de tous les entraîneurs des équipes de jeunes et des professeurs d’EPS, dans les brochures des années 1950 encourageant la création d’équipes de base-ball ou de bowling d’entreprises – et de syndicats –, dans les politiques gouvernementales portant sur l’éducation physique et les maisons de quartier, dans le discours des dirigeants des ligues professionnelles (particulièrement lorsqu’une polémique sur des questions de dopage ou matches arrangés éclate). Et pour finir, ces valeurs viennent des plus hauts échelons de l’organisation Olympique et résonnent dans le tapage médiatique qui entoure les Jeux.
L’idéologie du sport qui suscite autant de passion peut être condensée en une poignée de principes :
– Fair-play équitable ;
– Mérite ou récompense par la compétition ;
– Discipline personnelle et persévérance ;
– Travail d’équipe ;
Ces valeurs, bien sûr, s’imbriquent avec celles revendiquées par les adeptes du capitalisme et du marché. La gauche l’a brillamment démontré. Dans la suite de l’article, je résumerai quelques arguments que les marxistes et d’autres à gauche ont élaboré sur la question, en distinguant deux grandes approches : l’une est centrée sur le contexte capitaliste du sport, l’autre examine la façon dont le corps des athlètes est discipliné par le sport. Je conclurai alors en questionnant ces analyses, qui malgré leur formidable force, font long feu. Le problème étant que la gauche a tendance à considérer l’idéologie sportive comme une « fausse conscience », elle ne réalise pas que ce sont quelques valeurs inhérentes au sport qui incitent les gens à en faire et à en regarder.
Nation et commerce : le sport en contexte
Les courants marxistes et de gauche ont longtemps soutenu que les valeurs et attributs sportifs n’émergent pas du néant. Le sport existe au sein de structures de pouvoir sociopolitique et économique. Ces structures sont liées aux modes de vie, patriarcaux, hétéronormés, racistes et impérialistes. Puisqu’on ne peut pas séparer le sport et les Jeux de ce contexte, l’idéologie d’équité et de mérite qui est censée gouverner le sport n’est pas – ne peut pas être – celle revendiquée. Il n’y a aucune justice par exemple, dans un sport qui exclut ou avili les femmes et les homosexuels ; et le mot mérite n’est pas le premier qui vient en tête en regardant un sport professionnel qui récompense la brutalité aux dépends de l’habileté. Au contraire, le sport sous le capitalisme – et ses valeurs corollaires – sert des intérêts précis qui, au bout du compte, divisent et oppressent les gens. Au-delà de la rhétorique, c’est la victoire à tout prix et le sacrifice individuel qui comptent vraiment (et pas le mérite, le fair-play ou la discipline personnelle), en tant que valeurs à même d’accroître les profits dans le sport professionnel, la réputation chez les amateurs et les contrats pour l’ensemble.
L’Olympisme moderne constitue une manière efficace de se rappeler à quel point le sport est utilisé pour nous diviser. Cela a commencé en 1896 à Athènes sous la forme d’une compétition individuelle où les athlètes étaient amateurs. Mais les Jeux se sont rapidement politisés. En 1912, les athlètes devaient se qualifier en passant par leurs équipes nationales, et depuis, la rivalité nationale et le patriotisme ont surpassé l’engagement officiel du Comité National Olympique en faveur des droits humain et de l’universalisme. La commercialisation est elle aussi liée depuis longtemps aux Jeux. Lors des premiers Jeux, les épreuves se déroulaient parmi les étalages des revendeurs des Expositions universelles (vitrines internationales de l’industrie et du commerce) à Paris (1900) et à Saint Louis (1904).
Au fil des ans, les Jeux sont devenus un moyen flagrant de surenchère politique internationale. Les Jeux de Berlin de 1936 en furent l’exemple parfait. Hitler, soucieux de mettre en scène une Allemagne nazie, nettoya les rues des « gitans » (envoyant 800 d’entre eux en camps d’internement dans les semaines qui précédèrent) et de la propagande antisémite. Les Jeux nazis ont aussi institué la course de relais de la flamme olympique entre le Mont Olympe et Berlin, reliant symboliquement la nation aryenne avec les soi-disant fondateurs de la civilisation (c’est dès lors un hommage étrange au pouvoir de l’idéologie du sport qu’une pratique fondée pour faire l’éloge de la suprématie blanche soit aujourd’hui acceptée en tant que symbole intemporel et sacré).
Cependant, le chauvinisme olympique n’est pas l’apanage des Nazis. La cérémonie d’ouverture, post-11 septembre des Jeux de Salt Lake City a été un festival à la gloire de la puissance et du militarisme américains. La police et les pompiers de New York ont aidé à escorter un drapeau américain en lambeaux – censé être celui extrait des décombres du World Trade Center – à l’intérieur du stade tandis que le chœur du Tabernacle mormon (2) chantait l’hymne national. Et Mike Erazione, capitaine de l’équipe nationale de hockey qui battit les Soviétiques aux Jeux de Lake Placid en 1980 alluma la flamme. La sociologue Jackie Hogan indique que le clin d’œil au triomphe de la Guerre froide « a servi comme assertion symbolique du pouvoir américain, la promesse de vaincre une fois de plus ses ennemis dans la ‘‘guerre contre les terroristes’’ ».
Et bien sûr, il y a eu les Jeux de 2010 à Vancouver, où le nationalisme des colons blanc du Canada s’en donna à cœur joie. Le spectacle qui ouvrit les Jeux fut marqué par la surreprésentation écrasante des Blancs, le battage publicitaire du programme « À nous le podium » (3), et les coups de téléphone du Premier ministre Stephen Harper en personne aux médaillés d’or – et ce ne sont que quelques exemples. Et, comme aux Jeux précédents, ceux de Vancouver sont d’abord et avant tout un spectacle médiatique (une tendance qui s’est intensifiée depuis les JO de Los Angeles en 1984) – avec au moins 1 milliard de dollars de recettes publicitaires en jeu, le sport et les « valeurs sportives » cèdent la place au profit.
Le principe structurant n’est pas d’organiser un étalage des habiletés athlétiques et du travail d’équipe. Ce n’est pas non plus une compétition équitable ou encore un jeu pour le plaisir. Et ce n’est certainement pas la sécurité ou le bien-être des athlètes. C’est plutôt d’attirer un public aussi large que possible. Pour cette raison, des sports plus dangereux comme le snowboardcross et le skicross – où quatre compétiteurs font la course les uns contre les autres (au lieu de descendre seul, contre la montre), furent introduits. C’est aussi selon ce principe que les organisateurs des Jeux de Vancouver se vantèrent d’avoir construit la piste de luge la plus rapide du monde – celle qui a été prétendument responsable de la mort de l’athlète géorgien Nodar Kumaritashvili. Tout cela concerne le sport amateur. Dans le sport professionnel, c’est encore plus marquant.
Discipliner le corps
Moins prégnante, la seconde critique du sport formulée à gauche débute avec la figure même de l’athlète. Cette approche, apparue dans les années 1960 et 1970 au sein des marxistes européens influencés par le freudo-marxisme d’Herbert Marcuse n’a pas été beaucoup développée depuis. L’analyse est centrée sur le corps plutôt que sur le jeu ou l’aspect compétitif. L’argument est que le sport discipline le corps de l’athlète de façon à réprimer les plaisirs sensoriels et corporels, et au final c’est le corps de l’athlète lui-même qui est aliéné (une sorte de séparation, de perte de contrôle entre l’athlète et son propre corps)
En 1976, Jean-Marie Brohm écrit qu’au lieu d’être débarrassé de la rigueur et du travail de la vie quotidienne, le sport les prolonge, en rendant le corps apte au capitalisme. Il soumet le corps à un régime de compétences répétitives, reflétant les actions et les rythmes de la chaîne de montage ; instituant une relation hiérarchique entre entraîneur et athlète, modelant le corps pour le soumettre à l’autorité. Les règlements, la marche forcée vers des gestes efficaces et des performances chronométrées détruisent l’entrain et la joie de l’activité physique. Comparer les habitudes des entraîneurs des équipes universitaires aux routines militaires à destinations des élèves officiers donne une idée sur l’écart qu’il peut y avoir entre le sport et le jeu.
Brohm affirme aussi que le sport est dominé par la science et la technologie. À tout prix déterminés à créer un avantage dans la compétition, les managers sportifs et les entraîneurs adoptent une posture signifiant qu’il n’y a pas de limites à ce que l’on peut demander au corps. Réduisant ainsi le corps de l’athlète à une machine, à une chose que d’autres machines peuvent utiliser comme outil de travail, calibré par des régimes spécifiques et des traitements, équipé avec du matériel de pointe – tout cela afin de casser les barrières (naturelles, physiques et sensorielles) de la douleur, du temps et de la géographie. Cela compromet du même coup un développement harmonieux du corps de l’athlète.
Brohm évoque alors une polémique des années 1960 au sujet des combinaisons plastifiées conçues dans le but d’augmenter la vitesse (plus de 140 km/h) – combinaisons qui furent plus tard interdites, mais pas avant qu’un certain nombre de skieurs subissent de tragiques accidents. Selon un médecin français de l’époque : « une équipe de ski, c’est presque un hôpital ». Un commentaire que l’on peut comparer aux propos du médecin-chef (4) Jack Taunton, à la veille du tragique accident de luge de Vancouver : « J’hospitalisais trois ou quatre personnes par jour... blessures à la tête, ruptures du foie, de la rate, fractures vertébrales par compression ». Autrement dit, peu de changements depuis les écrits de Brohm il y a 40 ans.
Ce qui vaut pour le sport amateur pour ce qui est du corps, vaut doublement pour la pratique professionnelle. Le sportif est non seulement un « athlète » mais aussi un travailleur pris dans un système de profits visant à enrichir leurs « propriétaires » (ce mot rappelant l’esclavage mérite qu’on s’y attarde). En effet, alors que nous utilisons tous notre corps pour accéder à des standards rigoureux afin de vendre notre force de travail, pour les athlètes de telles exigences corporelles sont bien plus glorifiées et intenses. Voilà pourquoi les managers et les propriétaires des équipes portent un intérêt excessif aux corps des athlètes – c’est très clair lorsqu’on considère l’usage de stéroïdes dans le base-ball professionnel, par exemple.
Entre 1972 et 1994, il y a eu huit grèves dans le base-ball professionnel, la dernière a eu pour effet d’annuler les séries mondiales et de faire fléchir le taux de fréquentation des stades l’année suivante. Dans le but de faire venir à nouveau le public dans les gradins, les propriétaires de la ligue ont mis en place une série de changements comprenant des matches interligues, des péréquations, un système d’invitations d’équipes (wild-card) pour les phases finales. Moins ouvertement, ils ont réussi à entraîner une augmentation du nombre de home-runs en introduisant des « suppléments alimentaires » dans les vestiaires. Ils y ont été aidés par la loi promulguée par l’administration Clinton dont le principe de base est de déréguler l’industrie.
Ainsi, les entraîneurs et managers ont commencé à banaliser la place de la musculation et les suppléments alimentaires comme l’Androstenedione (stéroïde anabolisant) au cours des entraînements. Dans son livre intitulé A People’s History of Sports in the United States [Une histoire populaire du sport aux États-Unis], Dave Zirin indique « qu’après le duel [avec Sammy Sosa] pour le record de home-runs, lors duquel Mark McGwire garda des stéroïdes dans son casier, les ventes augmentèrent de 500% pour atteindre 55 millions de dollars par an ». Les home-runs surnaturels (5) continuaient de pleuvoir. Zirin propose la comparaison suivante : durant les 119 saisons qui séparent 1876 et 1994, 18 joueurs ont réalisé 50 home-runs par saison, tandis que le même nombre de joueurs a atteint ce chiffre en huit saisons seulement entre 1995 et 2002. Les fans commencèrent à revenir, les super-profits aussi.
Et ce ne sont pas seulement les propriétaires des clubs qui en bénéficièrent. Zirin cite le chroniqueur Joe Morgan : « Il y avait une époque où je commentais ce que je voyais, en particulier lorsque les joueurs n’auraient pas dû être capables d’envoyer des balles dans certains coins du terrain. Je veux parler des types qui n’auraient pas dû avoir cette puissance et cette assurance pour frapper la balle ». Mais quand il en parla à ses patrons d’ESPN [chaîne télévisée sportive], on lui a demandé de garder tout ça pour lui parce que les grands médias ont aussi un intérêt direct à ce que le nombre de spectateurs gonfle.
Le problème est que beaucoup de ces stéroïdes abîment le corps des athlètes, et qu’on ne le dit pas. L’Ephedra, par exemple, alors légale, a contribué à la mort de deux joueurs professionnels : Steve Bechler, un lanceur des Oriole, et Korey Stringer, un bloqueur offensif (6) des Minnesota Viking. Et tandis que quelques unes des substances les plus nocives ont à présent été interdites, la volonté d’augmenter les performances par d’autres moyens s’est intensifiée. Le scandale des stéroïdes dans le base-ball constitue un des exemples de la manière dont le sport capitaliste « emprisonne les corps » (formule employée par Brohm), parfois jusqu’à les tuer. Il y en a beaucoup d’autres, et la plupart sont présentés dans les écrits de Zirin : A People’s History of Sport, Welcome to the Terrordome (livre paru en 2007) et dans ses articles sur le site edgeofsports.com.
Le plaisir du sport
Ces deux types de critiques – qui se sont ouvertes sur la structure socio-politique du sport et sur le corps de l’athlète – se chevauchent clairement. Prises ensemble, les deux perspectives montrent les façons complexes par lesquelles le sport participe à la reproduction d’un système capitaliste qui repose sur l’exploitation, l’inégalité et fondamentalement sur le déni des besoins et plaisirs humains.
Ce sont des critiques de premier ordre, surtout quand on sait que des millions de dollars qui auraient pu être dépensés pour héberger les sans-logis, aménager/ouvrir des salles de shoot, régler les revendications territoriales, sont dépensés dans des cérémonies nationalistes, dans les dispositifs sécuritaires, militaire et policier (à Vancouver, le déploiement de 10 000 policiers et soldats canadiens a coûté 1 milliard de dollars), et dans la construction de stades et de pistes dont les bénéfices vont en masse aux propriétaires d’équipes et aux conglomérats (de l’industrie) médiatiques.
Cependant, ces critiques éclairantes et pertinentes sont aussi bancales. En se concentrant sur les aspects répressifs du sport et an allant presque jusqu’à le déposséder de son potentiel libérateur, elles relèguent l’idéologie au rang d’une « fausse conscience ». Elles suggèrent que la plupart des gens adhèrent à une croyance naïve sur les bienfaits du sport même si cela entre en contradiction avec leurs intérêts « réels ». Mais elles ignorent pour beaucoup les expériences que font les gens, elles échouent à saisir, et encore plus à expliquer, la joie durable et le plaisir authentique qu’ils ont à faire et à regarder du sport.
Mais la théorie de l’hégémonie de Gramsci nous rappelle que l’idéologie s’ancre dans le cœur et l’esprit des gens précisément parce qu’elle s’adresse à des choses réelles – à nos intérêts, à nos passions, à nous-mêmes. S’il nous faut comprendre l’idéologie du sport comme quelque chose de plus qu’un simple moyen que possède la culture capitaliste pour tromper les foules afin qu’elles la soutiennent, nous avons besoin d’essayer de prendre acte de cette réalité – autant au niveau théorique qu’au niveau politique. Et il est nécessaire de penser à la façon dont cela pourrait modifier nos critiques des Jeux Olympiques, ainsi que nos stratégies politiques et tactiques au-delà de la sphère du sport capitaliste.
Pour les marxistes et d’autres à gauche en général, c’est une nécessité de comprendre comment et pourquoi les gens accordent de la valeur à la compétition ainsi qu’aux aptitudes et activités physiques qui entrent en jeu pour tester leurs limites. Comment et pourquoi de telles choses sont sources de plaisir, et potentiellement libératrices. Le sport est un prolongement continu et discontinu du travail. Dans un monde aliénant, individualiste et injuste, il peut célébrer l’équité, récompenser la persévérance et créer un sentiment de communauté – et cela passe par l’expression corporelle, par le sensoriel.
Il y a quelque chose à propos du corps, et de son essence inaliénable qui doit être noté et célébré. On peut envisager cette inaliénabilité dans le pur plaisir physique du jeu, de la danse, du sexe, du sport, des festivals, et même dans quelques manifestations politiques : des compartiments de la vie hors du contrôle direct du capital.
Les paroles de la chanson de Nina Simone « Ain’t Got No – I Got Life » saisissent en partie cela. Elle chante : « I ain’t got no home/ain’t got no shoes/ain’t got no money/ain’t got no class » [« J’ai pas de maison/j’ai pas de chaussures/j’ai pas d’argent/j’ai pas de classe »], etc. Elle enchaîne : « What have I got ?/Nobody can take away/I got my hair/got my head/got my brains/got my ears/got my eyes/got my nose/got my mouth/I got my smile » [« Qu’ai-je donc ? Qu’on ne peut m’enlever ?/J’ai mes cheveux/ma tête/ma cervelle/mes oreilles/mes yeux/mon nez/ma bouche/ J’ai mon sourire »] ; et culmine enfin sur : « I got life/I got my freedom in my heart. » [« J’ai ma vie/J’ai ma liberté dans mon cœur »]. Bien que nombre de corps à l’ère capitaliste et jusque dans le sport sont réprimés, ils ne peuvent être complètement détruits. Le corps a une façon de « revenir » – et de s’opposer – au moment présent. Le sport (en tant que jeu) est une façon d’expérimenter ce retour, y compris lorsqu’il prend place dans des conditions que nous ne maîtrisons pas. Voilà au moins une raison qui explique le succès, la passion, suscités par les JO, la NHL et même par les compétitions pour les jeunes.
Prendre en compte le plaisir du corps dans le sport pourrait bien être le point de départ pour contourner une position unilatérale faisant du sport une fausse idéologie. Cependant, cela ne veut pas dire que nous ignorons les critiques qui rappellent que le plaisir, et donc le corps, ne sont jamais hors de la politique. Mais le corps ne peut pas non plus être réduit à la politique – un thème que la gauche ferait bien d’explorer davantage.
Bibliographie
Brohm, Jean-Marie. 1976. Sociologie politique du sport, réédition : Nancy, P.U.N., 1992.
Hargreaves, John. 1992. « Olympism and nationalism : Some preliminary considerations ». International Review for the Sociology of Sport, 27:1.
Hogan, Jackie. 2003. « Staging the Nation ». Journal of Sport and Social Issues, May.
Zirin, Dave. 2008. A People’s History of Sport. New York, New Press.
Zirin, Dave. 2007. Welcome to the Terrordome : The pain, politics, and promise of sports. Chicago, Haymarket.
Traduit de l’anglais par Vincent Bonzom
Source originale : http://www.newsocialist.org/index.php?option=com_content&view=article&id=289:marxist-theories-of-sport-nation-commerce-and-pleasure&catid=51:analysis
Notes
1. Il y a vingt ans, un mouvement de revendications territoriales autochtones avait éclaté face à l’intransigeance de l’État canadien et l’abandon de ses obligations envers les droits ancestraux et les droits issus de traité des Mohawk de Kahnawake, au point de recourir à la force armée contre eux et leurs supporters. [NDT].
2. Le Chœur du Tabernacle mormon est une institution chorale fondée en 1847, soit 29 jours après l’entrée des pionniers mormons dans la vallée du Grand Lac Salé. George W. Bush le qualifie de « trésor national ». [NDT].
3. En février 2004, les 13 organismes nationaux de sport d’hiver du Canada, le Comité olympique canadien (COC), le Comité paralympique canadien (CPC), Sport Canada (SC), WinSport Canada et COVAN se réunirent dans le but de développer un plan, qui sera connu plus tard sous le nom d’« À nous le podium ». Ce projet avait pour mission d’harmoniser les efforts de toutes les parties concernées par le sport et de fournir le meilleur financement possible aux programmes de haute performance afin d’aider les athlètes canadiens à terminer au premier rang du tableau des médailles aux Jeux olympiques d’hiver de 2010 et parmi les trois premiers rangs du tableau des médailles d’or aux Jeux paralympiques d’hiver de 2010. (source : ownthepodium.org). [NDT].
4. Chief Medical Officer (CMO) est le titre donné au médecin nommé par le gouvernement à la tête du service national de santé.
5. Le mot « dingers » permet à l’auteur de faire un jeu de mot puisqu’il peut signifier à la fois home-runs et pilules d’ecstasy. [NDT].
6. Joueur de football américain qui évolue dans l’alignement offensif de l’équipe et plus précisément de la ligne offensive située devant le quarterback et chargée de bloquer les défenseurs adverses. [NDT].