Je suis une adulte responsable : je lis, je réfléchis et je prends une position politique et je vote en fonction de mes convictions, que ce soit à gauche, à droite, en annulant mon vote ou en m’abstenant tout court. Pour adhérer à l’idée que le suffrage universel est valide, je dois considérer que les citoyens de ma société ont fait de même, car chacun des votes a la même valeur. Il est possible que cette réflexion ait été altérée chez certaines personnes, par exemple, parce qu’elles ne savent pas bien lire et manquent de sources d’information pour prendre leur décision, ou parce qu’elles sont trop occupées à travailler pour assurer leur survie, ou parce qu’elles viennent juste d’arriver et qu’elles saisissent mal les enjeux. Cela viendrait peut-être jusqu’à invalider leur capacité de voter.
Évidemment, au nom de quelle autorité pourrais-je faire la démonstration qu’autrui n’est pas habilité à voter ? Plusieurs personnes ne s’embêtent pas avec la question. Les accusations d’être « xénophobe », « idiot utile de l’islam », ou d’« imbécile incapable de voir les systèmes de domination » ont plu et pleuvent encore dans les réseaux sociaux, attaquant les individus et leurs convictions politiques. C’est navrant.
Je pourrais être en désaccord avec l’opinion d’une personne qui vote pour le parti Libéral, mais comment puis-je lui dire qu’elle a tort ? À moins de le démontrer par des arguments rationnels et espérer la faire changer d’idée, je ne puis invalider son opinion (et le vote qui pourrait la soutenir lors d’une élection) sans mettre en cause la mienne et risquer le même traitement. L’adage « chacun son opinion » reste valable. Est-ce garant de plus de vérité ou de liberté ? Pas nécessairement, néanmoins cela reste l’avenue la plus sûre pour protéger les droits de chacun, car autrement on glisse sur la pente dangereuse de l’exclusion.
L’autre problème des réactions est leur caractère injurieux. Je demandais tout à l’heure sur quoi bâtir un pays : l’insulte, l’injure, la haine, la colère et la détresse qu’elles génèrent n’apparaissent pas comme le meilleur ciment. Si on ne peut interpeller Monsieur et Madame tout le monde à ce propos, on peut par contre pointer l’absence de vision de certains des leaders de la cause souverainiste. On peut concevoir la déception lors d’un échec. Jacques Parizeau et sa malheureuse phrase sur le vote ethnique nous hante encore. Cela a montré une ligne de fracture entre le « nous » et le « eux » qui opère encore aujourd’hui. Donner le bon exemple par des discours d’ouverture venant de chacun des chefs des factions indépendantistes aurait été souhaitable, car rappelons que la convergence avait pour but de défaire les Libéraux et non de lancer le processus de souveraineté. Les démonstrations de colère auxquelles on assiste en ce moment risquent d’aliéner des alliés potentiels : nous voulons un pays pour tout le monde, pas seulement certains groupes.
Le Québec aux Québécois
Le discours souverainiste comporte des non-dits qui sont parfois accablants. On parle, entre autres, souvent des « vrais Québécois », ce qui sous-entend, bien entendu qu’il y en a des faux. Qui seraient ces faux Québécois ? On éludera la question la plupart du temps en disant : « tu sais ce que je veux dire ». Non justement. De deux choses l’une : ou les Québécois sont TOUS les gens qui habitent le territoire du Québec et peuvent se prévaloir de leur droit de vote à l’âge adulte, ou on doit opérer des exclusions qui sont claires. Devrait-on retirer le droit de vote aux musulmans, parce qu’ils ne sont pas laïcs ? Qu’en est-il des Sikhs, des Hindous, des catholiques ?
Devrait-on le retirer aux nouveaux arrivants ? Quand ceux-ci cessent-ils de l’être ? Après un an ? À la seconde génération ? Maman Nguyen ne pourrait pas voter, mais fiston oui ? Si on répond par l’affirmative à l’une de ces questions, on pratique l’exclusion sur des bases racistes ou religieuses, ce qui s’appelle de la discrimination selon les chartes des droits et libertés. Personne n’est assez fou pour s’avancer explicitement sur ce terrain miné. Mais si on ne l’énonce pas clairement et qu’on ne fait que le suggérer, est-on toujours raciste ? Quand on désigne des groupes tels que « les musulmanes » ou « les Anglos » et qu’on conteste leur parole et leur perception non par des arguments, mais par des attaques personnelles, que fait-on ? Quand le président du PQ, Monsieur Archambault demande que QS se dissocie des opinions qui ont été énoncées par des citoyens québécois, dont Dalila Awada, lors du congrès de ce dernier, il s’agit d’une organisation politique officielle qui s’attaque à des personnes privées, n’exerce-t-on pas un poids démesuré contre des gens qui font, pour plusieurs, partie de minorités ? Dalila aurait insulté les 90 000 membres du PQ et aussi tous les Québécois, peut-on me retirer de la liste ? Je ne me sens pas insultée. Et je n’aime pas que l’on intimide ou demande le silence à des citoyens que je sois d’accord ou non avec l’opinion qu’ils expriment. Une des raisons du souverainisme c’est de mettre fin à notre situation de minorité dans le Canada. La cause est de se séparer du Canada, pas de nos minorités.
Marie-Ève Mathieu
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