Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Écologie et féminisme

Souveraineté alimentaire et justice climatique

L’action du groupe sera axée sur les thèmes de l’exploitation des femmes dans la chaine de production alimentaire via le travail non rémunéré au foyer, le travail faiblement rémunéré de ce marché et la tâche des femmes, dans certains pays, d’aller chercher l’eau potable à plusieurs km.

Il y aura une distribution de semences pendant la manif et la possibilité de planter des graines à la fin.

La souveraineté alimentaire

La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une alimentation saine produite par des méthodes écologiques et durables, et à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. Elle met celles et ceux qui produisent, distribuent et consomment des aliments au cœur des systèmes et des politiques alimentaires, et non les marchés et les entreprises.

Ce principe reconnaît la contribution des femmes dans la production alimentaire : de l’agriculture à la préparation et à la distribution de nourriture. D’où la nécessité de répartir équitablement les terres et les conditions de production entre hommes et femmes, et la nécessité de redistribuer le travail de prendre soin de leur famille et des autres. Ce principe prend en compte également la préoccupation environnementale, la privatisation des biens communs et l’accès à une alimentation saine pour tous et toutes.

Cette thématique sera au cœur de notre 4ème action internationale avec des SEMENCES en tant que symbole commun de l’action.

QU’EST CE QU’ON VEUT FAIRE ?

Dans nos actions locales partout en France, nous voulons réfléchir à la souveraineté alimentaire à travers l’éducation populaire, des ateliers et des formations, en alliance avec d’autres groupes qui travaillent déjà sur cette question pour approfondir notre compréhension et partager notre analyse féministe. Nous voulons agir à travers la plantation et l’échange des semences paysannes et variétés locales, par des actions directes dans les supermarchés, en organisant des marchés de la souveraineté alimentaire, par l’agriculture urbaine, et bien plus encore !

Lors du voyage de la caravane en Europe nous voulons échanger des expériences avec des femmes de toute l’Europe sur la biodiversité, l’agriculture locale et les alternatives dans la production, la distribution, la consommation et la préparation d’aliments. Nous voulons relier les résistances et les alternatives que les femmes organisent localement. Nous voulons revendiquer les graines comme un bien commun produit au cours des siècles par les femmes : les graines ne sont pas une propriété de Monsanto et des grandes entreprises. Pour cela, nous organisons une banque de semences dans la caravane qui permettra de recueillir et de partager les semences traditionnelles et paysannes dans toute l’Europe.

[...]

L’écologie politique, qui a débuté dans les années 1970, a conduit à une prise de conscience environnementale globale. Cependant, le concept de « développement durable » se trouve dévoyé dans les années 1990 par les néolibéraux pour légitimer la continuité d’une économie basée sur le libre échange et sur le pouvoir des grandes entreprises transnationales. L’empreinte écologique a un visage capitaliste, masculin et colonialiste.

Le modèle capitaliste est fondé sur l’exploitation et la marchandisation des ressources naturelles, à tel point qu’on entend aujourd’hui parler de « financiarisation du vivant » (molécules, semences, cours d’eau, zones humides, etc.). Lors des négociations sur l’environnement est mise en avant la notion d’économie verte comme solution. Considérant que les entreprises doivent contribuer à la préservation de l’environnement, elle se réduit à des mécanismes de marché attribuant à la nature un prix d’achat et de vente.

Le système capitaliste a transformé l’alimentation saine en un objet inaccessible à touTEs. Dans les pays du Sud, entre 60 et 80% de la production alimentaire est le fruit du travail des femmes. Paradoxalement, ce sont les femmes qui souffrent à 60% de faim chronique.

Ce sont aussi les femmes qui majoritairement se chargent du quotidien alimentaire au sein de leurs familles. Du fait des inégalités économiques et sociales, nombreuses sont celles ne peuvent accéder à une alimentation saine et de qualité.

Pourquoi les féministes doivent-elles se préoccuper et agir sur cette question ?

Les analyses sur la division sexuelle du travail montrent que le travail masculin, assimilé à la production, est largement valorisé à tous les niveaux (matériel, symbolique…) pendant que le travail féminin est considéré comme subalterne. L’exploitation du corps des femmes, du travail et du temps des femmes en sont un des « symptômes ».

Nous pouvons voir un parallèle entre l’exploitation de la nature et l’exploitation du temps des femmes : l’une comme les autres sont traitées comme des ressources inépuisables et flexibles, utilisées comme variable d’ajustement. Cette exploitation s’appuie sur la culture dominante patriarcale dans laquelle les représentations symboliques et matérielles de ce qui est masculin ou féminin sont hiérarchisées et binaires, à l’image de l’association homme/culture versus femme/nature.

Exemples de luttes : Les luttes des femmes de Chipko et de la vallée du Narmada en Inde, des paysannes sans-terres en Amérique latine, la lutte pour la préservation des forêts en Afrique.

En tant que féministes, nous dénonçons :

Le modèle de l’industrie agroalimentaire qui privatise les ressources naturelles, les biens communs, les semences, se base sur la production en monoculture de vastes étendues de terres, l’utilisation d’engrais et de pesticides de synthèse, OGM et l’utilisation de machinerie lourde et industrielle. Ce modèle pollue nos sous-sols, réduit l’accès à l’eau potable et provoque des dommages sur la santé, en particulier celle des femmes.

L’agronégoce et la privatisation des terres, de l’eau, des mers, de la biodiversité et des semences et les fausses solutions basées sur la surexploitation des ressources et du travail des femmes, sur la marchandisation et la financiarisation de la nature. Nous refusons ces privatisations qui s’accompagnent de spoliation de terres agricoles collectives dans des pays trop pauvres pour renoncer à les céder. Ces pratiques constituent la forme moderne du colonialisme et touchent en premier lieu les coopératives de femmes.

Les grands projets destructeurs de l’environnement : aéroport, ferme-usine, barrage, stade, village de vacances, centres commerciaux. Notre-Dame-des-Landes et le Testet ne sont que deux exemples.

Contre ce modèle capitaliste, patriarcal et néocolonial, nous affirmons :

Le principe de souveraineté alimentaire1 qui place au cœur du modèle agricole les besoins des peuples, le respect de la terre et qui questionne les inégalités sociales et économiques. Ce principe permet aux communautés et aux femmes de décider et d’organiser la distribution, l’échange et la consommation des aliments en quantité et en qualité, selon les besoins, en priorisant les liens sociaux solidaires, culturels et la santé.

La biodiversité, les semences et les sols sont des biens communs. Les ressources ne sont pas inépuisables et ne doivent pas constituer une source de profit pour les entreprises et les États. L’avenir n’est pas dans l’extraction de ces ressources mais dans la recherche d’énergies renouvelables et dans le recyclage de matériaux déjà extraits.

Vers la COP 21

En décembre 2015, lors de la Conférence des Nations Unies sur le climat, les gouvernements du monde se retrouveront à Paris pour essayer de trouver des solutions au réchauffement climatique de la planète (COP21). Si le changement climatique est bien une évidence scientifique qui touche l’environnement de toute la planète (augmentation des phénomènes climatiques extrêmes, augmentation de la température moyenne du globe, fonte de glaciers, destruction d’écosystèmes), ces conséquences sont aussi sociales, économiques et politiques productrices d’inégalités.

Les pays et les populations pauvres sont de plus en plus vulnérables, aggravant les inégalités d’accès à la santé, à une alimentation saine, à l’eau, etc. Les femmes sont les premières victimes des catastrophes, compte tenue de la division sexuelle du travail, de la charge des enfants et des personnes âgées et de l’éducation différenciée.

Nous exigeons que nos gouvernements entendent les revendications des altermondialistes, féministes, chercheurs et chercheuses et associations. Nous demandons qu’ils rejettent les fausses solutions de l’économie verte comme la financiarisation de la nature, les droits à polluer, et qu’ils s’engagent dans des politiques de remplacement des énergies non renouvelables et de recherche d’alternatives économiques dans des industries non polluantes.

Notre alternative féministe

La Marche Mondiale des Femmes lutte pour de réels changements : dépasser la division sexuelle du travail, changer les mentalités et en finir avec l’exploitation. Nous proposons de suivre avec un regard critique et féministe le processus de la COP 21.

Notre méthode consiste à fédérer les luttes menées par les femmes, des milieux ruraux et urbains pour leur donner un plus grand pouvoir politique. Nous proposons des actions d’éducation populaire, comme par exemple des formations sur la souveraineté alimentaire pour créer des alliances entre les femmes qui produisent, qui distribuent et qui préparent l’alimentaire.

Pendant la caravane, nous proposons de faire des cartes sur les graines et les semences, sur les alternatives féministes des régions de France. Nous proposons ensuite de participer avec un stand à l’événement Alternatibas de septembre 2015 à Paris.

Il n’y a pas de justice climatique et environnementale sans les femmes !

Marche Mondiale des femmes 2015

https://marchemondialedesfemmes2015.wordpress.com/2015/01/22/souverainete-alimentaire/

Note

1 La notion de sécurité alimentaire correspond au droit d’être approvisionné d’aliments sains et en quantité suffisante quel que soit leurs modes de production. Elle est différente de celle de souveraineté alimentaire : « La souveraineté alimentaire représente le droit des peuples à avoir une alimentation saine et culturellement appropriée, produits de façon écologique et au moyen de méthodes durables. C’est aussi le droit que les peuples ont de définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. Les aspirations et besoins de ceux qui produisent, distribuent et consomment les aliments, constituent le cœur des systèmes et politiques alimentaires plutôt que les demandes des marchés et des sociétés » (Déclaration de Nyéléni, février 2007)

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