Tiré d’Afrique en lutte.
Presque quinze mois après le coup d’État, Burhan et son acolyte Hemidti se voient obligés de négocier le retour des civils aux affaires. Ils ont traité avec les « Forces for Freedom and Change - Central Council » (FFC-CC) qui sont peu ou prou d’accord pour revenir à un modus vivendi antérieur, permettant aux militaires de conserver l’essentiel de leurs prérogatives. Cette négociation a laissé de côté des larges pans de la société, notamment les comités de résistance.
Sujets épineux
Un accord-cadre a été signé entre militaires et FFC-CC. Il prévoit une période de transition gérée par les civils, devant déboucher sur des élections. Cet accord soutenu par les pays occidentaux met de côté les questions cruciales : la justice transitionnelle et le refus de toute impunité pour les crimes commis pendant et après le coup d’État ; le démantèlement des structures de l’ancien régime et la participation des officiers supérieurs dans la gestion des grandes entreprises du pays ; la réforme du secteur de la sécurité et la dissolution des « rapid support forces » puissante milice, issue des janjawids à la solde d’Hemidti. Enfin le devenir des accords de paix de Juba largement contestés sur le terrain et les mesures à adopter pour les régions de l’est et du sud du pays en proie à des violents conflits.
Ces items sont actuellement traités dans des commissions qui suivent la même logique ayant présidé à l’accord-cadre. Le manque d’inclusivité et l’opacité empêchent toute intervention et contrôle de la population sur les mesures à prendre.
Contestation de l’accord
L’accord-cadre est loin de faire l’unanimité. La plupart des gouverneurs des États, une partie de l’armée et les islamistes intégristes s’y opposent. Le parti Oumma, une des principales forces politiques, a refusé d’y adhérer. Les dirigeants des groupes rebelles signataires de l’accord de paix de Juba qui leur ont permis, à défaut de paix, de pourvoir des postes de responsabilité, ont soutenu le putsch. Tous se sont réunis au Caire pour signer un « document national directeur » défendant une sorte de retour vers le pouvoir bicéphale civil/militaire d’avant le coup d’État. Sous la pression des Occidentaux, ils seraient amenés à rejoindre l’accord cadre. Enfin se trouvent les forces radicales, notamment les comités de résistance, figures majeures de la révolution, le Parti communiste soudanais et des organisations syndicales et associatives.
Processus de politisation
Les comités de résistance connaissent, depuis le putsch, une maturation les conduisant à investir le champ politique. Des débats ont eu lieu pour proposer une alternative au FFC-CC qui négocie sans mandat avec les militaires. Deux documents ont émergé. Celui des comités de Khartoum intitulé « Charte pour l’établissement de l’Autorité populaire » et la « Charte révolutionnaire du pouvoir populaire » des comités de Wad Madani, grande ville du centre du pays. Si les objectifs sont identiques dans les deux documents, des différences apparaissent sur les institutions à mettre en place. Le texte de Wad Madani intègre une critique de l’administration du Soudan, héritière de la période coloniale. La question sociale est aussi plus présente, fruit d’une rédaction commune avec les organisations syndicales de la région.
Un travail permettant la fusion des deux textes s’est accompli. Désormais la charte définitive est présentée pour signature à toutes les organisations parties prenantes de la révolution, qui refusent l’accord cadre donnant un rôle central aux militaires.
Les comités de résistance de Khartoum appellent à former des conseils législatifs au plus près des populations. Ils constitueraient un conseil national législatif débouchant sur un gouvernement parallèle à celui que veulent mettre en place les militaires et les FFC-CC. Le but étant d’aboutir au démantèlement des structures de l’État de l’ancien régime. Si cette dualité de pouvoir prenait forme, alors on assisterait à un tournant de la révolution soudanaise.
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